Un divan à Tunis est un beau premier film qui révèle les failles identitaires et sociales d’une société tunisienne profondément bouleversée par la Révolution.
Un divan à Tunis est la première réalisation de la cinéaste Manele Labidi, présentée durant la 76ème édition de la Mostra de Venise. Il met en scène le personnage de Selma, interprété par la lumineuse Golshifteh Farahani, psychanalyste parisienne née à Tunis, qui décide de rentrer dans son pays natal afin d’y ouvrir un cabinet. C’est un véritable défi que s’est lancé Selma en prenant cette décision, car elle prendra conscience de l’état de son pays, meurtri par une révolution qui a laissé sa population tiraillée entre deux identités. C’est en plaçant son récit sous le prisme de la comédie que Manele Labidi a choisi de mettre en lumière les fractures sociales et identitaires de la société tunisienne. De ce mélange résulte un film frais et sympathique, porté par une Golshifteh Farahani qui livre une de ces prestations dont elle a le secret, d’une douceur et d’un naturel incomparable.
Derrière la légèreté apparente du film de Manele Labidi se cache une véritable volonté de sensibiliser le spectateur sur les enjeux de la société tunisienne au 21ème siècle. Lorsque Selma revient à Tunis et annonce à son entourage, plus ou moins proche, sa décision de mettre en place un cabinet de psychanalyse au cœur d’une ville qui en comporte si peu, les premières réactions sont unanimes. L’incrédulité d’abord, de ce peuple tunisien qui estime ne pas être touché par ce genre de problèmes, qu’il laisserait volontiers aux occidentaux.
Un divan à Tunis met l’accent sur l’un des principaux tabous de ces sociétés orientales : la maladie mentale. Si ces problématiques sont assez ancrées au sein de notre société, la réalité est tout autre dans un pays tel que la Tunisie. En ce sens, les réactions suite à l’ouverture du cabinet de Selma sont en phase avec la réalité et font écho avec cette idée du tabou que représente tout ce qui touche, de près comme de loin, à la maladie mentale dans la culture orientale.
Bien que le sujet soit tabou, Selma se rendra compte que nombreux sont les habitants de Tunis ayant réellement besoin de ce genre d’initiative, parfois simplement pour exorciser un quelconque mal-être. Manele Labidi dresse ainsi le portrait d’un pays ayant été profondément affecté par la Révolution des années 2010 (une période ayant abouti à la démission du président Ben Ali après vingt-trois années de mandat) et s’intéresse aux conséquences de ce bouleversement politique et social sur les tunisiens. Comment se reconstruire et façonner son identité lorsque l’on assiste à la refonte complète du modèle politique en place depuis tant d’années ? Comment faire évoluer une société lorsqu’une population entière est tiraillée entre deux identités ? C’est cette fracture sociale et ce mal-être latent que Manele Labidi, elle-même originaire de Tunisie, souhaitait mettre en lumière avec ce premier film.
Fort d’un message politique permettant de sensibiliser le spectateur sur les réalités de la société orientale et d’un humour jamais indigeste, Un divan à Tunis est un premier film convaincant, laissant envisager la perspective d’une carrière prometteuse pour la réalisatrice Manele Labidi.