Dans la maison de grand papa, les pièces du puzzle familial s’harmonisent comme s’entrechoquent. Une atmosphère lourde s’installe alors, pour faire de Tótem un portrait sensible et ambigu.
Pour continuer à découvrir la sélection du Festival de Berlin 2023, nous sommes allés à la découverte de Tótem de Lila Avilés. Si ce nom vous est familier, c’est probablement grâce à son précédent (et premier) long métrage. La camarista avait représenté le Mexique aux Oscars en 2019. Avec Tótem, la réalisatrice bascule notre séance en enfance, à travers le regard de la jeune Sol, troublée par les multiples vies qui l’entourent.
« Sol, une fillette de sept ans, est emportée dans un tourbillon de préparatifs menés tambour battant par ses tantes, pour l’anniversaire de son père Tona. Au fil d’une journée dont le point d’orgue est un événement aussi redouté qu’attendu, Sol comprend peu à peu la gravité de cette célébration. »
Un pestacle pour papa
On ne les compte plus cette année : Girls will be girls, Scrapper ou Paradise is burning… Les récits de jeunes filles ont envahis nos écrans (pour notre plus grand plaisir) ! Quêtes d’identité à hauteur d’enfant, ces longs métrages ont pour point commun d’offrir une réelle proximité avec leurs protagonistes. Cette fois, rendez-vous de l’autre côté du Pacifique pour découvrir Sol.
À travers ce point de vue, les émotions nous parviennent sans filtre. Chaque doute et souffrance nous frappe de plein fouet. Pourtant, malgré sa maturité, le personnage semble trop innocent pour les confronter. Grâce aux déplacements de la caméra, nous découvrons les autres personnages enfermés dans cette maison de famille, dont les dialogues semblent incessants. Le lieu ne semble pas comblé de joie. Mais la complexité de ces personnages éveille notre curiosité et nous rend sensible à leurs tracas.
Tous les personnages de Tótem se démènent dans un seul but : rendre hommage au père de Sol, malade à ne plus pouvoir sortir de son lit. La maison, pleine de vie et de contrariétés, s’oppose à cette chambre froide. Une course contre la montre débute alors.
Sept à la maison
Ce portrait de famille se mêle aux centaines de vies qui cohabitent dans la maison. Entre les multiples tableaux accrochés au mur, les traumatismes et souvenirs de chacun, les insectes et animaux, les convives,… Il est difficile de trouver sa place dans cet espace réduit. Lila Avilés appuie ce sentiment d’étouffement en emprisonnant son image dans un format 4/5. Le film se vit alors comme un réel drame qui rend notre cœur lourd.
D’après la réalisatrice, le totem est « l’objet qui symbolise ce sentiment complexe de se sentir chez soi quelque part ». Pour aller dans ce sens, elle n’hésite pas à ouvrir son film sur une scène intime dans des toilettes publiques. La pudeur ne fait pas partie du film et les toilettes comme la douche ou la cuisine sont des espaces qui ne nous seront pas refusés. Difficile pourtant de s’y sentir chez soi tant l’atmosphère y est pesante.
Un jour sans fin
24 heures chrono. C’est le temps qui nous est accordé aux côtés de Sol et sa famille. En disposant d’une durée si précise, le spectateur reste observateur du récit. Il lui est ainsi impossible de pleinement se sentir à sa place, tant les personnages sont nombreux et qu’il est compliqué de les connaître vraiment. De plus, le récit se veut complexe, laissant planer certains mystères indéchiffrables.
Tótem est une œuvre ambiguë. À la fois chaleureuse dans son éclairage orangé et la tendresse de ses personnages, et étouffante par toute la tristesse cloisonnée dans son huis clos. Entre les non dits, planent les fantômes oubliés. La figure des insectes, amis de Sol, semble rappeler à l’espoir et la vie, comme 20 000 espèces d’abeilles l’invoquait déjà.
Sans tomber dans les pièges du mélodrame, Tótem dresse un tableau poignant d’une famille aimante et fragilisée. Si le film nous saisit par sa beauté esthétique et la tendresse de ses personnages, il reste difficile d’y trouver son souffle, tant l’atmosphère y est lourde.
En salles le 30 octobre