Après des succès critiques pour Take Shelter et Mud : Sur les Rives du Mississippi, le réalisateur et scénariste américain, Jeff Nichols revient sur le devant la scène avec son sixième long métrage : The Bikeriders.
The Bikeriders est l’adaptation cinématographique du livre, homonyme, du photographe Danny Lyon. Jeff Nichols réalise, ainsi, son premier film de gangsters, qu’il avait longuement souhaité écrire. Fortement inspiré d’un genre surexploité à l’époque, The Bikeriders est-il encore pertinent ce jour ?
» Dans les années 1960. L’ascension d’un club de motards fictif du Midwest vu à travers la vie de ses membres passant d’un lieu de rassemblement pour les marginaux locaux à un gang plus dangereux. «
Vieux motard que jamais
Dès les premières minutes du film, The Bikeriders se révèle être tout ce qu’on attendait de lui. Film de gangsters par excellence avec des personnages principaux aux pratiques quelque peu illégales mais fantasmées. Le réalisateur ne cesse de créer une érotisation autour de ces motards en véritable désaccord avec la société. A première vue, ils semblent suffisamment intéressants pour que le spectateur se laisse emporter par leur histoire, en particulier par celle du protagoniste Benny (interprété par Austin Butler).
Le rythme et la réalisation sont globalement linéaires et donc peu surprenants. Mais Jeff Nichols nous introduit à travers ce monde par des plans majestueux, dont la beauté cinématographique se majore dans l’étendue du cadre.
La copie sauvage
Au-delà de simplement rendre un hommage aux films de gangsters, Jeff Nichols semble, avant tout, en faire une copie conforme. De par son montage, surtout visible au début du film, avec des mises en scènes accélérées lors de bagarres pour introduire la nature chaotique de son personnage principal. Ou par des arrêts sur image impromptus, par une musique effrénée ou par l’introduction consécutive de l’ensemble des membres des Bikeriders. Le tout peine à cacher une énorme ressemble à un classique du genre : Les Affranchis de Martin Scorsese. Pourtant, The Bikeriders prend du temps à fasciner son spectateur.
Malgré quelques scènes d’actions intenses et scènes émotionnelles réparties ici et là, Jeff Nichols tarde à totalement différencier son histoire de milliers d’autres ayant existé au préalable (L’équipée sauvage, Easy Rider…) . Si celles-ci avaient un certain charme à l’époque, les péripéties de ce groupe de motards semblent circuler sur des routes déjà bien balisées. Ce n’est pas la faute des acteurs, convaincants dans des rôles qui paraissent pourtant aussi étriqués que leurs blousons de cuir. Car c’est quand The Bikeriders emprunte finalement les chemins de traverse, que son récit démarre.
La femme à la moto
The Bikeriders a le mérite de changer le point de vue à travers lequel l’histoire est racontée. Par souci de modernité, Jeff Nichols choisit Kathy (Jodie Comer) comme narratrice. Elle apporte ainsi la touche de féminité assumée qui manquait à bon nombre de films de gangsters qui ont précédé, et qui manquait également au livre dont le réalisateur s’est inspiré. Par l’intermédiaire de Kathy, la glorification habituelle de ce groupe très “masculiniste” est perçue différemment, voire remise en cause.
Remise en cause, à la fois par le spectateur, que Kathy porte sur ses épaules tel un guide, et aussi par les principaux concernés. Ces comportements violents et dénués de sentiments longtemps célébrés chez Benny ou même Johnny (Tom Hardy) finiront par s’ébranler. L’évolution de leurs histoires respectives permet de définir le véritable rapport qu’ont ces hommes à leurs sentiments. Par cet aspect, Jeff Nichols fait de son œuvre une interprétation unique d’une histoire inlassablement racontée de la même façon.
Le point de vue de Kathy apporte l’émotion qui fait défaut au groupe. Il permet de plus précisément impliquer et intéresser le spectateur tout en fournissant une petite touche d’humour.
Festival de bécanes
Le photographe Danny Lyon a été charmé par ces Bikeriders et a décidé d’en faire un livre d’images représentatifs. La même fascination s’est produite pour Jeff Nichols. Quelle est la raison de la création de ce club ? Cette question ne cesse de se poser au spectateur durant le visionnage du film. Une réponse est apportée par le personnage de Johnny et fait écho à un besoin d’appartenance.
Malheureusement, les choix effectués dans la réalisation de cette scène importante décrédibilisent son essence. De ce fait, Jeff Nichols ne creuse jamais ses personnages et ne leur donne pas la vigueur nécessaire pour marquer les derniers réceptacles de cette histoire que sont les spectateurs. Afin de contextualiser son récit, il y représente aussi physiquement Danny Lyon par le rôle de Mike Faist. Cependant, celui-ci restera trop en second plan durant l’ensemble du métrage. Ce parti pris amoindrit encore davantage l’impact de l’œuvre.
Si The Bikeriders profite d’une technique sur laquelle il n’y a rien à redire, Jeff Nichols n’arrive pas toujours à rendre son propos palpitant. Le film constitue, tout de même, un bon divertissement.