On aurait pu s’attendre à un énième reboot des aventures du croisé en cape sans saveur, et pourtant… Avec The Batman, Matt Reeves redore le blason de la chauve-souris avec une vision sombre et réaliste de Gotham City, tout en respectant l’univers des comics au phylactère près. Servi par un casting plus que convainquant, mené par un Robert Pattinson et Zoë Kravitz visiblement nés pour porter capes et masques, le film nous plonge dans les couloirs sombres et sales de l’esprit torturé de chacun des protagonistes.
En service depuis deux ans, The Batman fait face à une vague d’assassinats de personnes éminentes de Gotham. Le meurtrier, Riddler, laisse sur les scènes de crime quelques indices et énigmes afin de laisser à Batman une chance de résoudre l’enquête, épaulé par le lieutenant Jim Gordon, et amené à rencontrer d’autres figures familières de l’univers du Batman, comme le Pingouin, Selina Kyle ou encore Carmine Falcone…
Un nouveau Batman
Après la trilogie de La Planète des singes (2014-2017), Matt Reeves s’attaque à univers de poids avec The Batman. Ici, on oublie les aventures rocambolesques d’un Batman entouré d’aliens pour laisser place au plus grand détective du monde au cœur d’une enquête à échelle humaine, ne cherchant à nuire qu’à Gotham. Entouré de scénaristes connaisseurs du genre comme Peter Craig et Mattson Tomlin, familier de l’univers DC, Reeves signe le retour d’un Batman imposant de sobriété, plus sombre que jamais.
Depuis l’avènement du DCEU, le public s’était habitué au Batman de Ben Affleck, inspiré de The Dark Knight Returns (1986) de Frank Miller: vieillissant, aigri et ultra-violent, franchissant la ligne à ne pas dépasser en tuant ses adversaires, et s’acoquinant avec une floppée de méta-humains pour sauver la Terre. Avec The Batman, Matt Reeves revisite le blockbuster pour en faire une œuvre centrée sur la psychologie des personnages et sur un spectacle intimiste au cœur d’une Gotham à la fois gothique et moderne, loin de ce qu’on a pu dépeindre jusqu’alors, empruntant ses éléments scénaristiques à la crème de la crème des comics (Long Halloween, Terre-un, Année Un…).The Batman en devient presque un comic visuel, avec un procédé de voix-off pour le détective, nous ramenant aux mêmes cartouches présentes sur les planches de la BD pour nous traduire les pensées du protagoniste.
Un Batman minimaliste
C’est un univers quasi minimaliste et on ne peut plus actuel qui sert de base au film, multipliant les lieux clos et communs, comme un appartement ou un night-club. C’est la simplicité qui prime dans le film, et Reeves nous prouve qu’il n’y a pas besoin d’en faire des caisses pour être spectaculaire.
Batman parle peu mais frappe fort, conduit vite et dégaine une floppée de gadgets sortis de ses manchettes, le tout dans une crédibilité extrême. Chaque usage est justifié, du grappin au wingsuit en passant par la Batmobile et les lentilles connectées. Pattinson campe un Batman effrayant, on le comprend dès la scène d’introduction, qui nous rappelle que les criminels sont lâches et superstitieux.
Un pari réussi ?
Exit le chevalier noir appelé à tout bout de champ pour toutes les raisons valables ou inimaginables, ici il se concentre pendant toute une semaine (près de trois heures pour le spectateur) sur son enquête, explore toutes les pistes, s’éloigne de la vérité, prend des risques parfois inutiles…Et même s’il est le plus grand détective du monde, il est parfois un peu trop simple de passer d’une énigme à une autre, même si le Riddler tire les ficelles. Cependant, les quelques longueurs qu’on pourrait ressentir n’en sont pas vraiment, puisque tout est fait pour faire avancer le récit et la quête de vengeance du héros, qui d’ailleurs nous présente un arc évolutif intéressant, faisant de sa vengeance personnelle une justice pour tous. Surtout, Reeves nous démontre que le fan-service n’est pas nécessaire au déroulement d’un bon film (coucou Marvel on vous parle) et préfère l’utiliser avec parcimonie.
On pourrait être rebuté en revanche par l’interprétation de Bruce Wayne par Pattinson, un peu trop torturé dans sa période emo-dark, et loin du playboy philanthrope que l’on a connu. On peut cependant saluer l’effort des scénaristes pour nous faire comprendre le trauma originel du héros autrement qu’en nous montrant l’assassinat des Wayne. Certes, on pourrait être dubitatif devant le regard parfois hagard de Pattinson, mais l’ambiance et l’atmosphère générale du film gomme ses quelques imperfections. Michael Giacchino vient muscler le tout avec un score aux motifs sombres, massifs, tout en crescendo retranscrivant la montée en puissance du Bat de Gotham, ou encore le thème de Catwoman, qui peut rappeler l’œuvre de Danny Elfman sur Batman Returns et qui retranscrit parfaitement la légèreté et la souplesse de la femme-chat.
Des seconds rôles savoureux
Pour le reste du cast, l’alchimie entre les personnages crève les yeux : le Jim Gordon de Jeffrey Wright, déjà un peu à bout mais fidèle au poste, est parfaitement coordonné avec le Batman, tout comme la Selina Kyle de Zoë Kravitz, qui instaure la légendaire tension amoureuse entre les deux héros. Du côté des antagonistes, on veut déjà en voir plus du Pingouin (méconnaissable Colin Farrell), et on se satisfait de voir John Turturro s’amuser en parrain de la pègre qu’est Carmine Falcone.
Bien évidemment, il est difficile de passer à côté de la prestation de Paul Dano, terrifiant de sadisme en Riddler psychopathe, nous rappelant le tristement célèbre tueur du zodiaque, du costume à la manière de crypter ses messages. Dans le lot, on regrettera peut-être un Alfred (Andy Serkis) trop peu exploité, et l’absence de certains personnages secondaires, mais il est certain que Matt Reeves les introduira par la suite, puisqu’un deuxième volet serait déjà en chantier.
Au final, The Batman est l’adaptation ultime des aventures de la chauve-souris, oscillant entre blockbuster, film noir et thriller psychologique, qui rend toute sa crédibilité à la chauve-souris et ne laisse présager que du bon pour la suite !
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