Suzume de Makoto Shinkai : Les Portes du temps

Suzume vélo

Suzume, le dernier film de Makoto Shinkai est simultanément une belle ode à la vie et une feuille de route, gentiment donnée à son spectateur, qui traite de la gestion du deuil.

C’est dans un univers mêlant à la fois le folklore japonais, très féérique et imaginatif, et la réalité d’une île, interconnectée, soumise aux catastrophes naturelles que Makoto Shinkai souhaite dépeindre dans Suzume, une histoire d’amour unique au travers d’un road trip qui aura des conséquences monumentales.

Suzume
(c) Wild Bunch

Un voyage instructif qui enchante …

Makoto Shinkai place au centre de son histoire Suzume, une jeune femme déterminée, qui est décidée à poursuivre une quête qui lui apprendra bien plus sur les mystères de la vie que ce qu’elle pense savoir. A travers les nombreuses péripéties auxquelles elle fait face, elle obtient l’opportunité de se lier d’amitié avec des inconnus, de prime abord, qui font preuve d’actes de gentillesse l’espace d’une seconde. Elle partage avec eux des moments uniques qui auront non seulement un impact décisif sur son futur et la façon dont elle le perçoit mais seront également un pansement pour les maux dont elle souffre en silence.

Par opposition à cette jeune femme, qui découvre voire redécouvre la vie et sa beauté par ses moments vécus, on trouve Sota réduit à l’état d’un objet inactif et à première vue dispensable. Sota, incarne l’intérêt amoureux de Suzume mais il se présente aussi comme le vestige d’années et d’années de traditions familiales ayant le mérite d’être consciencieusement préservées. Il fait également partie des rencontres de Suzume qui lui permettent de développer ce sentiment d’appartenance et d’existence qu’elle a tant cherchée, comme on le comprendra en fin de film. Sota transmet son savoir à Suzume : elle découvre ce monde caché et attractif et bien qu’inspirée à y rester, elle apprend à apprécier tout autant le monde dans lequel elle vit et qui l’avait délaissé de son point de vue.

… au-delà des limites spatio-temporelles

En effet, ce monde dans lequel Suzume s’est une fois égarée pourrait représenter une forme très imagée de purgatoire où les âmes perdues et indécises errent en peine à la recherche de réponses à leurs nombreux questionnements ou à la recherche d’un moyen de réparer la déception émanant d’un monde qui les a blessés. Il s’agit d’un monde où Suzume s’y perd mais également d’un monde où une Suzume plus grande, plus mature et enrichie d’expériences de vie s’y retrouve. Car pendant toutes les nombreuses explorations peu récréatives qu’elle fait au travers du Japon, Sota se meurt progressivement.

C’est ainsi que cette histoire d’amour à l’aspect premièrement superficiel prend une dimension autre. Suzume se bat pour conserver sa vie aussi dramatique qu’en est son expérience ; pour que Sota, qui lui a indéniablement transmis ce brin d’aventure, retrouve la sienne et se réalise en accomplissant sa destinée et surtout pour accepter définitivement la mort de sa mère et aller au-delà du sentiment de rejet qu’elle a pu ressentir suite à cet événement. Loin d’oublier et de nier l’impact qu’a eu sa disparition sur sa vie, grâce à cette épopée vécue elle fait de cet évènement un talisman qui l’accompagnera et la préservera tout au long de sa vie. Makoto Shinkai exploite aussi la thématique du temps grâce à des actions cycliques et intemporels construisant et solidifiant l’existence de ses personnages.

Suzume
(c) Wild Bunch

Ainsi ce film riche d’une animation splendide, magnifique et astrale et d’une bande son tout en douceur et en sensibilité délivre un message aussi fort en émotion qu’en vérité indiscutable. Il laisse une empreinte indéniable sur son spectateur qui s’en va empli de l’infinité de la transmission reçue.

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