Pour un Slow avec toi… il ferait n’importe quoi. Le coup de foudre est immédiat entre Elena et Dovydas. Ou bien est-ce nous qui tombons éperdument sous leur charme dès le premier regard ?
Reprendre le temps de scruter des corps, de s’émerveiller d’un sourire, de tomber amoureux. Slow s’offre comme un rayon de soleil dans le calme de nos salles obscures. S’il est bien trop rare de découvrir des films lituaniens au cinéma, il est évident que nous ne manquerons pas de retenir le nom de Marija Kavtaradze. Avec ce second long-métrage, elle prouve déjà sa singularité artistique en décrochant le prix de la mise en scène à Sundance.
« Elena (Greta Grinevičiūte), une danseuse épanouie, fait la rencontre de Dovydas (Kęstutis Cicėnas), un interprète en langue des signes. Leur connexion est immédiate. Alors que leur lien s’approfondit, Dovydas confie à Elena, qu’il ne ressent aucun désir sexuel pour elle, ni pour personne : il est asexuel. Ensemble, ils tentent de bâtir une nouvelle forme d’intimité. »

Le label Sundance
Si cette qualification peut résonner comme péjorative, elle prend pourtant une toute autre allure. Derrière le label Sundance, que nous pourrions tout autant attribuer à Didi cet été, se cache des films indépendants montés de tout cœur et de toute pièce par des équipes dévouées. Non pas que les blockbusters ne soient réalisés sans amour, nous parlons ici de projets engagés qui peinent à voir le jour et d’autant plus à se garantir une place dans les circuits de salles. Si nous devions comptabiliser les nouvelles pépites dévoilées en festival qui ne parviennent à trouver de distributeur, la liste serait longue.
Mais pour notre plus grand bonheur, Slow est bel et bien là. Celui-ci risque de ne pas rester longtemps sur grand écran, alors ne manquez pas de découvrir cette réjouissante romance au plus vite. Car oui, visiblement, nous n’avons pas encore épuisé tous nos récits sentimentaux au cinéma. Si le film n’apporte pas de réponses à toutes nos questions sur les relations amoureuses, il nous permet de chercher à combler les vides aux côtés des personnages. Leur proximité naissante, accompagnée de leurs sourires malicieux, nous captive dès les premiers instants.
La caméra se joue de cette ambiguïté et se balade de regard en regard pour nous offrir un délicieux flirt entre leurs corps. Slow pourrait se définir comme la douceur incarnée. De plus, son portrait contemporain des complexités des relations amoureuses, où la réciprocité ne peut jamais être satisfaite entièrement, est porté par un rythme singulier. Nos craintes s’accompagnent de réelles respirations. Les notes de piano et rayons de soleil ne feront que confirmer la bienveillance de la réalisatrice envers ses personnages.
Ce qui nous lie
Pas de trucage ici. Si le grain apporte une épaisseur à l’image, les émotions, elles, nous parviennent sans filtre. Marija Kavtaradze instaure un climat familier avec son spectateur. Nous faisons confiance en ses personnages, qui tentent tous deux d’apprendre à se connaître suite à leur coup de foudre mutuel. Tout n’est pas chronologiquement parfait dans cette histoire, tout n’est pas simple et normal. Mais l’énergie débordante de Elena, qui semble avoir déjà vécu mille vies, confronté à la tendresse de Dovydas, offre un feu sans artifices.
Nous nous y réchauffons en prenant le temps, slowly. Et il est agréable de ne pas tomber dans le piège du film portrait. Ici les personnages sont traités avec égalité et se construisent dans un environnement sain. Leur rencontre se fait au détour d’un cours de danse consacré aux personnes mal-entendantes. Tandis que Dovydas tente de s’y intégrer avec pragmatisme, Elena s’ouvre à une nouvelle forme de langage, pour finalement composer leur propre harmonie.
Nous pourrions presque affirmer que la réalisatrice prend le relais sur le cinéma de Noah Baumbach, en soufflant sur ses étincelles. Leur chronique parfois électrique garde tout son réalisme par sa simplicité, qui s’étend à notre relation à eux. L’expérience en devient quelque peu désarmante.

Les histoires d’amour finissent mal… en général
Pourtant, ce conte de fée en est-il vraiment un ? Plus proche des échiquiers de Jane Austen que ceux de Bridget Jones, le film se construit en plusieurs temps. Il narre une relation en construction (fondation), perturbée par ses histoires passées (ruines) où règne la crainte d’un abandon futur. La mise en scène est au service de cette fragmentation. Au delà de l’aspect vieilli apporté par la pellicule 16 mm, le son, lui, semble presque résonner tel un enregistrement magnétophone qui nous serait destiné.
Seulement, à vouloir trop jouer à rembobiner la cassette, on prend le risque de l’user. Le récit de Slow perd alors malencontreusement de son impact émotionnel. La souris semble se prendre continuellement dans le même piège. Toute la bonne volonté et les bons sentiments du monde ne suffiront pas à remplir le vide causé par l’asexualité de Dovydas. Elena, dont le quotidien se concentre sur la maîtrise de son corps, se retrouve dépossédée de son désir.
De plus, si l’amour est plus fort que tout, il est ici abîmé par des retours en arrière irritants. Et nous, qui nous sommes tant attachés aux personnages, les subissons aussi. Elena, d’abord présentée comme un réel rayon de soleil, se métamorphose peu à peu en trou noir. Autour d’elle gravite un ensemble de météorites prêtent à incendier son septième ciel.