Entre dôme de verre et arbres humanoïdes, Skydome 2123 pose l’édifice science-fictionnel en un objet tout en profondeur. Le 24 Avril, découvrez un film d’animation nuancé et actuel.
Nos articles en témoignent, l’animation se porte bien, et déploie un panel d’histoires et de styles qui ne peut que rendre optimistes les amateurs du médium. Et à peine se remet-on de l’édifiant Mars Express et sa hard-sf âpre que Tibor Bánóczki et Sarolta Szabó en proposent un autre pan, peut-être encore plus dur, mais tout aussi intéressant.
« 2123. Dans un futur où la sécheresse a ravagé la Terre, l’humanité est contrainte de sacrifier une partie de la population : toute personne de plus de 50 ans sera transformée en arbre. La société est régie par des règles impitoyables. Le jour où Stefan voit sa femme condamnée prématurément par le système, il décide de prendre les plus grands risques pour changer son destin. »
Science-po et Jardiland
Partir d’un synopsis qui tient presque de l’absurde est déjà quelque chose d’osé. Mais pousser ladite idée jusqu’à en faire un aspect narratif fort jusqu’au déchirant, montre le jusqu’au-boutisme du film.
Ce dernier présente deux états de l’humanité, déchirée entre cette sphère étouffante mais nécessaire, et une planète morte. Une fausse nature luxuriante contre une vraie terre morte. À cela pourrait-on ajouter l’état de nature. Un état où le concept Spinoziste (que pourraient représenter ces arbres martyrs) répond à la vision de Hobbes, ironiquement mise sous les traits d’une civilisation ultra-normative, où la tendance à l’individualiste a déjà gagné.
Cette cité-état qu’est Budapest est un concentré de toutes les problématiques modernes soulevées à l’échelle nationale et internationale. D’abord l’évidente question climatique, mais aussi sur nos politiques de plus en plus répressives masquées sous une bannière de « l’effort commun ».
Le film résonne directement avec notre actualité, jusque dans ses élans natalistes qui, récemment, ont surtout fait parler les médias de deux pays : la France et la Corée du Nord.
Bon arbre et mauvais fruits
Skydome 2123 ne laisse pas de place à l’espoir, ou alors un espoir bien plus complexe que celui d’un énième happy ending.
Dans son propos et son fatalisme nuancé, le film peut faire penser au manga Ikigami, préavis de mort de Motoro Mase. Il y plane la même lourdeur, cette impression de voir un cri de désespoir, un appel à la liberté jeté à une foule qui n’écoute ou n’entend pas. Un geste très humain, rempli d’une humilité qui trahit également une certaine misanthropie.
De la même manière, les visuels jouent beaucoup sur notre ressenti de l’environnement. Les personnages sont en rotoscopie alors que les décors sont en 3D. Les humains représentés sont au plus proche du réel, de nous, sont palpables et nuancés, fébriles dans leurs gestes. Alors que les décors, la Terre aride comme ce dôme de verre, sont plastiques, secs, inhumains.
À la manière de Tron (Steven Lisberger, 1985), le côté factice de l’environnement peut paraître être la simple conclusion d’une contrainte technique, ou le développement visuel d’un univers qui rejette tout ce que nous avons d’humain : l’erreur.