Saudi Film Nights : À la découverte du cinéma saoudien

Saudi Film Nights

Le 13 mars dernier, débutaient les Saudi Film Nights, au Pathé Beaugrenelle de Paris.

Cette tournée de 6 courts-métrages saoudiens poursuivit ensuite sa route à Toulouse, à Montpellier et se conclut à Lyon. Né grâce à l’initiative de la Commission du film d’Arabie Saoudite, le festival Saudi Film Nights vise à encourager et promouvoir le développement de l’industrie du cinéma à travers le pays, comme à l’international.

Pendant 35 ans, le cinéma était interdit en Arabie Saoudite. En avril 2018, le gouvernement lève cette interdiction et l’ouverture d’un premier cinéma voit le jour. A la suite de la signature d’un accord entre l’Arabie Saoudite et le groupe américain AMC, jusqu’à 40 cinémas sont aujourd’hui implantés dans près de 15 villes saoudiennes. Mais ces 35 années ont empêché la réalisation de films dans le royaume sunnite. La création des Saudi Film Nights aspire justement à inciter cette renaissance du cinéma saoudien, pour permettre son rayonnement à l’échelle internationale.

Six courts-métrages ont été présentés lors du festival. Tous d’inspiration authentique, ces films marquent chacun à leur manière, par leur originalité sincère et la culture saoudienne dignement célébrée.

Saudi Film Nights
(c) Wienna Razafindramiadana

Parmi les 6 courts-métrages des Saudi Film Nights, 3 ont particulièrement retenu notre attention :

A swing de Dana et Raneem Almohandes

Dans A swing, une petite fille erre entre les buissons et les arbres d’une forêt, tout en chantant. Bien qu’elle semble heureuse et épanouie dans sa promenade, la réalité vient vite la rattraper. Le titre préannonce sa trouvaille à l’issue de cette forêt : celle d’une balançoire. Cette balançoire trône au-dessus d’une falaise et évoque en toute clarté l’idée du vide, et plus exactement, celle du deuil. A première vue, on peut donc croire que cette petite fille exprime ses plaintes et ses pleurs au ciel en chantant. En réalité, elle s’adresse à la personne qui a quitté ce monde et qui lui manque cruellement.

Ce court-métrage A swing, réalisé par Dana et Raneem Almohandes constitue un hommage à leur oncle décédé. A la suite de sa sélection lors d’un concours de court-métrages, il apparaît à présent au Saudi Film Nights. Le travail de ces deux soeurs représente une profondeur émotionnelle sincère et empathique avec une touche musicale qui trouve aisément sa place dans le décor. Grâce à des idées artistiques ingénieusement trouvées, Dana et Raneem Almohandes proposent ensemble une balade mélancolique et touchante qui atteint la sensibilité du public, qui partage avec elles leur deuil et toute sa complexité.

Othman de Khalid Zidan

La durée d’un court-métrage peut être perçue comme un obstacle. On peut penser qu’elle empêche le réalisateur de partager son histoire et ses idées de manière complète. Khalid Zidan prouve justement le contraire avec Othman. À travers le quotidien linéaire et monotone de son héros, le réalisateur parvient à nous faire autant rire que réfléchir. Chaque jour que vit Othman semble le même et ce dernier ne s’en plaint pas comme il ne s’en lasse pas. Cependant, cette routine bien ancrée se retrouve perturbée. Othman remet alors en question le cours de sa vie.

L’aspect philosophique déployé dans Othman, amène le spectateur vers une réflexion souvent retrouvée dans le cinéma. Les aléas de la vie quotidienne nous conduisent vers l’imprévisible et bousculent nos attentes sur les évènements initialement prévus. Coïncidence ou destin ? La question reste toujours la même, mais chacun l’interprète à sa manière. Avec Othman, Khalid Zidan nous présente un protagoniste sans artifice qui va se découvrir. Dans le fin fond de ses désirs, se cache une aspiration pour un style de vie différent. Avec humour et ingéniosité, le réalisateur utilise le quotidien simple et linéaire de Othman pour appeler son public à prendre du recul sur son propre quotidien.

Dunya’s day de Raed Alsamari

Dunya’s day se présente comme une satire très réussie sur les clivages de la société entraînés par les métiers de notre temps. Le récit s’axe sur la préparation inopinée de la soirée pour célébrer la remise de diplômes de Dunya. Il se poursuit avec le déroulement désastreux de la fête, pour ensuite aboutir au lendemain de cette célébration. Et rien ne se passera comme prévu. En effet, les domestiques de Dunya décident de quitter sa demeure en cachette, visiblement exaspérés par leur travail. Avec quelques amies, l’hôte de la soirée se retrouve donc délaissée et dans l’obligation de tout préparer sans savoir comment s’y prendre.

Le paradoxe dénoncé dans ce court-métrage résonne efficacement grâce au scénario intelligemment écrit. Tout juste diplômée, Dunya vient logiquement d’atteindre un certain seuil de compétences et pourtant, elle est incapable de s’occuper des préparatifs de sa propre fête. Ses amies sont heureusement présentes pour lui venir en aide. Cependant, l’humiliation du personnage principal ne s’arrête pas là. L’objectif du réalisateur tend vers une chute totale de la protagoniste. Raed Alsemari veut ouvrir les yeux des spectateurs sur une injustice et une absurdité bien apparentes. Le titre du court-métrage, Dunya’s day, laisse entendre que Dunya sera logiquement honorée à l’écran. Mais finalement tournée au ridicule, ses domestiques, habiles et productifs, et surtout quasiment absents de l’écran, se révèlent comme les réels héros de cette histoire.

Ainsi, Raed Alsemari souligne glorieusement l’indispensabilité de leur présence pour pourvoir aux besoins de Dunya. Au-delà des applaudissements qu’il leur adresse, le réalisateur met en exergue tous leurs efforts fournis qui ne reçoivent pas la reconnaissance qu’ils méritent. Une interrogation envers nous-mêmes émane de ce court-métrage, bien qu’il nous fasse énormément rire. Sommes-nous reconnaissants envers ceux qui nous portent main forte ? Sommes-nous réellement capables d’accomplir ce que nous exigeons des autres ? Le réalisateur rappelle astucieusement le pouvoir de l’introspection et des conséquences nettement positives qu’elle peut avoir pour soi et son entourage.

Le cinéma saoudien renaît

Les 3 autres courts-métrages présentés lors de ces Saudi Film Nights sont les suivants :

  • Matchstick, réalisé par Salma Murad
  • Starting point, réalisé par Kamel Altamimi (film d’animation)
  • Scales, réalisé par Shahad Ameen

La création des Saudi Film Nights donne un nouveau souffle au cinéma saoudien, qui n’attendait qu’une chose : être partagé. Cette initiative permet un nouvel élan au patrimoine d’un pays, qui regorge d’une richesse créative à absolument découvrir.

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