Riposte féministe de Perennès et Depardon : Les maitresses des colles

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Alors que les colleuses.res luttent quotidiennement pour graver leur revendication sur les murs de leur ville, Marie Perennès et Simon Depardon se sont lancés le défi de les faire entrer dans la sphère cinématographique, avec leur documentaire Riposte féministe, présenté au Festival de Cannes 2022.

Le titre peut en effrayer plus d’un, tant le mot féminisme est utilisé à tort et à travers, pour désigner des luttes plus ou moins inclusives. Ici, nul objectif d’en donner une définition exacte, ni même d’imposer une morale au spectateur. Les cinéastes assument leur engagement aux côtés de ces militant.es, sans pour autant affirmer une quelconque vérité. Un engagement qu’i.els mènent corps et âme pour lutter contre les violences faites aux femmes. A ce jour, on répertorie plus de 108 féminicides au cours de l’année 2022 en France.

« Cette parole éphémère, on voulait l’archiver, garder une trace. »

Le terme « collectif » est sans doute le plus essentiel pour les cinéastes militants. L’idée de Riposte féministe était bien de faire part d’une action, d’un engagement mené par la nouvelle génération. Un féminisme moderne qui aura fait trembler les marches de Cannes. Avec ce documentaire, les festivaliers ont voyagé à travers la France pour devenir témoins d’une sororité pure, une entraide et une écoute entre femmes. Entre témoignages bouleversants et élan d’espoir, il fut impossible de rester insensibles à ces collectifs de colleuses.res si engagé.e.s. Le lien devient naturel, entre spectateur.rice et protagoniste, et fait appel à ce qu’il y a de plus humain en chacun de nous. S’il n’est pas question de rejeter les colleuses.res, il n’est pas non plus question de rejeter les spectateurs.rices qui pourront se placer comme apprenti.es, curieux.ses, égal.es, compris.es,…

« C’est collectif. Raconter la jeunesse à l’écran, la jeunesse dans la salle, continuer le débat de ce film […] c’est extrêmement important que le public le voit ensemble, dans une salle. On a essayé de faire un film -avec- et pas -sur-»

Mettre en scène un sujet aussi actuel, aussi politique et invisibilisé est d’une nécessité fondamentale. En plus de rendre indélébiles les messages tracés des colleuses.res, Perennès et Depardon les rendent publiques. Une lutte rendue plus universelle à travers un médium plus accessible. Cela traduit bien évidemment une forme de « révolte » mais également un marquage temporel. Même si ces luttes ne font pas partie de notre quotidien, elles font incontestablement partie de notre histoire, de celle de la France et de la société en général. Alors, en tentant de garder une juste distance, on fait certes le constat d’un féminisme moderne, mais plus globalement, celui des incertitudes et des épreuves qu’une femme rencontre aujourd’hui. La multiplication des témoignages permet alors un plongeant vertigineux dans nos propres émotions et expériences, pour en faire ressurgir ce qui nous lie le plus, les uns aux autres.

« On ne posait pas de questions, on n’intervenait pas du tout, pour éviter que ce soit oppressant. »

En dressant ces portraits, il était important que les cinéastes gardent une distance. Se mettre à l’écart pour mieux laisser la parole et créer un lieux d’écoute pour que le.a spectateur.rice puisse au mieux intégrer ces collectifs. Cela permet également aux protagonistes d’être pleinement inclus.es dans la salle de cinéma, dans l’intimité du public et donc d’être enfin vu.es à sa juste valeur. Leur courage est souligné par une mise en image très soignée, un bruitage modelé minutieusement afin de rendre compte de leur travail acharné.

« Le cinéma façonne des images qui parlent de la réalité et c’est très important de la filmer au mieux, d’avoir une exigence d’image et de son [… ] Nos protagonistes ne valent pas un son et une image moins bonne qu’on pourrait donner à Brad Pitt ou Penelope Cruz. »

(c) Palmeraie et désert / France 2 Cinéma

En tant que femme, ce documentaire m’a bouleversé autant dans ces messages inclusifs, dans ma rencontre avec ces autres femmes que dans ses messages d’espoir et de lutte collective. Mais cela ne s’arrête pas là : Riposte féministe n’est pas seulement conçue comme une œuvre pour les femmes ou pour les personnes engagées. Sans donner de grandes leçons, le film nous plonge au cœur de collectifs afin de mieux les comprendre, de faire un constat sur ce qui se déroule sous nos yeux sans que nous le voyons. L’observer traverser les salles de France et les festivals, c’est le voir donner la parole à des centaines de groupes qui luttent quotidiennement pour offrir une voix aux femmes violentées, à l’injustice.

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