Que reste-t-il après la catastrophe ? Trois ans après A Love Song, Max Walker-Silverman tente de répondre à cette question dans Rebuilding, son second long-métrage, avec dans le rôle principal Josh O’Connor.
Quelques flammèches percent la nuit noire de ce premier plan du film Rebuilding de Max Walker-Silverman. Elles laissent place à la désolation d’une réalité très authentique : les méga-feux se multiplient dans le monde et aux États-Unis. Le réalisateur a pu en faire l’expérience il y a quelques années, alors qu’il revenait dans son Colorado natal : « Un jour, ma sœur m’a appelé depuis l’ancienne maison de ma grand-mère « Il y a de la cendre dans l’air », m’a-t-elle dit. J’ai vérifié sur mon téléphone, aucun incendie signalé à proximité. Quelques minutes plus tard, elle a rappelé. Sa respiration était haletante. « Il y a des flammes qui descendent depuis la crête. » Elle s’en est sortie de justesse », raconte-t-il dans sa note d’intention.
« Dans l’Ouest américain, dévasté par des incendies ravageurs, Dusty voit son ranch anéanti par les flammes. Il trouve refuge dans un camp de fortune et commence lentement à redonner du sens à sa vie. Entouré de personnes qui, comme lui, ont tout perdu, des liens inattendus se tissent. Porté par l’espoir de renouer avec sa fille et son ex-femme, il retrouve peu à peu la volonté de tout reconstruire. »

« Dire la vérité »
Ne cherchez pas dans Rebuilding, un film d’action catastrophe similaire à The Lost Bus sorti il y a peu de temps sur Apple TV. Ici, la flamme est passée. S’est-elle éteinte ? Voilà ce qui anime les personnages écrits par Max Walker-Silverman : comment intégrer, digérer une telle épreuve ? Comment repartir de l’avant quand on n’a plus rien ? Souvent, les journaux télé sont là alors que les larmes n’ont pas eu le temps de sécher sur les joues, que les pieds sont encore dans l’eau des inondations ou que les cendres fument encore. Suivent un ou deux reportages sur la reconnaissance du phénomène comme catastrophe naturelle, puis la lumière des projecteurs s’estompe.
C’est à ce moment-là que nous emmène le jeune réalisateur américain de 32 ans, à travers une fiction toute en tendresse car il le dit lui même : « J’ai deux règles qui me guident : tous les personnages doivent être honnêtes et ils doivent essayer de dire la vérité. » On pourrait lui reprocher ce côté « bisounours » mais ce parti-pris fait aussi du bien. Ne chercher pas dans Rebuilding les ressorts dramatiques prévisibles (bagarres, disputes, rebondissements…). On se rapproche plus de Perfect Days de Wim Wenders. Rebuilding c’est la beauté des « petites choses », le quotidien, une discussion simple, la lecture à voix haute d’une histoire, des étoiles phosphorescentes accrochées au plafond comme on a tous eux enfant.
Dans un tableau d’Albert Bierstadt
Pour atteindre cette précision dans les sentiments vous n’avez pas le choix, votre casting doit être impeccable. Et il l’est. Josh O’Connor d’abord, en cowboy bourru, trop grand pour son cheval, tel Don Quichotte. Il surfe dans Rebuilding comme il l’avait fait dans La Chimère, entre introspection et fragilité à fleur de peau. Sa masculinité, celle de l’homme qui ne doit pas laisser transparaître ses émotions, tel le mythe ancré dans l’Ouest américain, est mise à rude épreuve par le petit ouragan Callie-Rose. Sa fille, joué par Lily La Torre, va permettre sa renaissance. Ces retrouvailles avec cette fille à l’aplomb massif et au besoin compréhensible d’avoir une place dans la vie de son père se font, elles aussi, après la catastrophe. Celle d’un divorce.
La renaissance passe aussi par une humanité retrouvée, imagée par ce camping de fortune perdu dans l’immensité du Colorado. La terre natale de Max Walker-Silverman est sublimée, encore une fois, par la photographie d’Alfonso Herrera Salcedo, déjà de la partie sur A Love Song. Des âmes cabossées s’y retrouvent et apprennent à faire lien, à faire communauté. Les mobil-homes apparaissent petits face à la splendeur de la nature filmée en plan large et capable de donner le tournis. On se croît jusqu’au bout dans un musée, à observer des tableaux de paysages d’Albert Bierstadt, tout en écoutant la folk concoctée par Jake Xerxes Fussell qui signe ici sa première bande originale.

Manifeste sous-jacent sur la résilience, Rebuilding installe la sincérité de son auteur, Max Walker-Silverman, dans le cinéma d’auteur américain contemporain. Le réalisateur nous invite à regarder ce qui nous entoure, ce qu’on pense être notre chez nous, dans un film à la beauté saisissante recouvert de sauce aigre-douce, comme une recette de grand-mère, transmise de génération en génération.
