Après Get Out et Black Panther, Daniel Kaluuya est de nouveau à l’écran, cette fois dans le rôle d’un fugitif malgré lui. Queen and Slim est un road trip maladroit mais méritant.
Queen and Slim : Ohio, Etats-Unis. Deux jeunes afro-américains sortent d’un rendez-vous amoureux infructueux. Sur la route, ils sont arrêtés par un policier blanc. Bavure, violence, et Slim (Daniel Kaluuya) abat le gardien de la paix, devant les yeux de Queen (Jodie Turner-Smith) et d’une caméra de surveillance. Commence alors un road trip pour nos deux personnages activement recherchés et érigés bien malgré eux en figure d’un énième conflit sur la question raciale aux Etats-Unis.
Partant de ce postulat, Queen and Slim mêle l’intime au politique, la romance au drame social, l’innocence d’un jeune couple à l’angoisse d’une communauté particulièrement exposée aux violences policières, dans un dosage relativement bien mené. Le film change progressivement de ton, gagnant en ampleur, et le mélange des genres, parfois au sein d’une même scène, se révèle particulièrement réussi. Une bonne surprise de ce côté, qui pâti malheureusement d’un scénario bancal et de dialogues trop superficiels pour générer une empathie suffisante envers ce duo, pourtant parfaitement interprété.
Une faiblesse d’écriture dommageable
C’est en cherchant à nuancer son propos, à éviter les clichés, que Queen and Slim devient paradoxalement maladroit. Cette envie de bien faire et de balayer un ensemble d’individualités plombe l’intrigue qui perd en efficacité. S’il est heureux de montrer que la mort d’un agent de police raciste ne provoque pas de réactions et de positionnements homogènes et stéréotypés, Queen and Slim se perd en en présentant trop et en enchaînant des portraits très inégaux.
Il est d’autant plus dommage de constater cette faiblesse d’écriture que le film profite d’une esthétique particulièrement travaillée. La réalisatrice du film, Melina Matsoukas, tourne ici son premier long-métrage, après une carrière orientée vers les clip-vidéos d’artistes américains telles que Rihanna ou Beyoncé, et ça se voit. Tout, de la photographie à la mise-en-scène en passant par le montage et la bande-son, transpire le clip musical, pour le meilleur comme pour le pire. Bien sûr, cette particularité rend le film plutôt ludique, plaisant et visuellement intéressant. Elle peut également mettre en lumière quelques astuces de mise en scène gratuites et inutiles, prenant parfois même le pas sur le propos du film qui passe au second plan.
Mais après tout, pourquoi pas ? Car l’ensemble est fait avec une telle sincérité, une telle urgence et un tel amour pour son sujet (en témoigne la superbe bande-son, composée de nombreux genres qui ont fait l’histoire de la communauté afro-américaine, du blues au hip-hop), que l’on passe finalement très rapidement au-dessus des maladresses d’un premier long-métrage. Et si Queen and Slim ne marquera sans doute pas l’année comme il ne marquera pas le paysage cinématographique afro-américain, il propose, tente, rate parfois, réussit souvent, et constitue un objet pertinent et particulièrement digne de notre intérêt.