Un criminel est sorti de prison pour retrouver et sauver une jeune fille kidnappée dans un mystérieux monde appelé le « Ghostland ». Aventure et malédiction s’entrechoquent dans ce Prisoners of the Ghostland, voyage aller-retour aux airs de rédemption.
Reconnu à l’international pour son goût de la violence graphique et pour être un acharné du travail (il a réalisé plus d’une quarantaine de films en l’espace de 35 ans), le réalisateur japonais Sono Sion signe cette année Prisoners of the Ghostland, une œuvre attendue au casting attractif. Si la production du film est marquée par des complications liées à la santé de son cinéaste, le film peut tout de même continuer son processus grâce à la volonté d’un Nicolas Cage bien décidé à travailler avec lui. Soulevant un certain engouement avant sa projection à l’Étrange Festival 2021, le film affiche complet pour sa première française. Mais comme un certain nombre d’œuvres diffusées ici, aucune date n’a été fixée pour une sortie dans les salles obscures de l’hexagone.
La ratatouille artistique
Posant ses bases dans un univers fictif haut en couleur avec des codes sociaux bien étranges, Sono Sion s’offre une liberté totale dans la cohérence des interactions entre les personnages. Par ce biais, il avance un monde grandiloquent, véritable mashup de fantasmes de cinéma. Si au premier abord ces décors entre le western et le film de samouraïs tendent à nous séduire, ils finissent par devenir une véritable porte de sortie de la crédibilité de l’univers. On ressent le studio, et c’est un gros problème. Toute la première partie du long-métrage se construit sur des décors qui paraissent faux et qui, couplés à un style de jeu très japonais, créent un décalage total entre la fiction et son spectateur. Mais on ressent rapidement la volonté de Sono Sion de concevoir ce monde dans le but de perturber les repères du public.
Mêlant et démêlant les genres et les procédés scénaristiques, il se plonge dans le développement d’un aspect passionnant qu’il met en scène avec le« Ghostland ». Terre désolée en proie aux malédictions, ce sont les décors les plus intéressants du film. Laissant tomber sa fonction première – être le théâtre de l’action -, le décor prend une tournure symbolique et sert entièrement l’ambiance et le propos du lieu. Si le décalage du film peut laisser une partie de la salle en dehors, c’est également lié à une approche bancale et floue du scénario. Si les enjeux sont clairs, le déroulement des évènements s’enchaine sans trop de cohérence et chaque élément se présente sans s’annoncer, tenu pour acquis par son récit.
Le récit d’une rédemption
Si de nombreux spectateurs ont pu se plaindre d’un scénario basique centré sur un aller-retour du personnage de Nicolas Cage, c’est aussi sur ce point que le récit réussit son exécution. On peut lui reprocher des problèmes de rythme par moment, mais le fil conducteur du récit ne s’égare pas dans des sous-intrigues inutiles, il reste limpide. Néanmoins, un aspect de l’œuvre pose un problème fondamental : la quête de rédemption de personnages antipathiques. En effet tous les personnages sont à la recherche d’une quête intérieure ou d’une tentative de rédemption d’un acte passé.
Sono Sion échoue ici à mêler cette quête avec des caractérisations de personnages subtils et touchants. Par ce biais, il est difficile de se retrouver dans les protagonistes, créant ainsi une nouvelle distance avec le spectateur. Pourtant habitué à une certaine agressivité à l’écran et une patte graphique bien à lui, Sono Sion semble ici changer radicalement son approche. Si l’ironie qui marque leur première collaboration veut que les testicules de Nicolas Cage explosent à l’écran, c’est la seule envolée qu’il se permet. Les scènes de combat manquent cruellement de rythme et les chorégraphies déçoivent, tant le potentiel d’un univers entre cowboys et samouraïs était prometteur.
Longtemps attendu, Prisoners of the Ghostland laisse un goût amer après son premier visionnage. On ressent les envies et le potentiel du film, porté par des acteurs et actrices pleins de volonté mais jouant dans un registre qu’ils ne maîtrisent pas. Mal rythmé mais porteur de quelques flamboyances, le film va sans aucun doute diviser et/ou énerver certains admirateurs du cinéaste japonais. Mais n’étant pas à son premier accroc, on le retrouvera certainement très vite, prolifique comme jamais !