Port Authority est un premier film réussi pour Danielle Lessovitz qui nous démontre qu’il n’y a pas besoin d’écrire une oeuvre complètement fictive avec une beauté plastique pour faire un beau film.
Port Authority dépeint la rencontre entre Paul, un jeune homme blanc n’ayant plus rien et rejeté de tous, et Wye, une femme appartenant à une famille de danseurs noirs et queer adeptes du voguing.
Danielle Lessovitz crée pour cela un aspect très intimiste qui permet au spectateur de se sentir proche du personnage principal sans pour autant le comprendre, car son attitude peut paraitre, de nombreuses fois, étrange. Cela n’altère pourtant pas le visionnage puisque nous nous retrouvons tout de même plongé dans le film dès son commencement.
Une station de bus de New York
Tout commence à Port Authority, une station de bus de New York. A la fois le film mais aussi le début de la nouvelle vie de Paul débarquent là, comme venant de nulle part. Nous ne savons rien de lui, de sa vie avant la prison, il débarque seul, sans endroit où dormir et rejeté de tous. C’est pour cela que « la réalité du garçon blanc » est ironique ici, car ce personnage n’est pas un privilégié, bien au contraire. Le frère de Wye lui déclare « regarde la ville, elle est à toi, mais ce qui est ici, c’est à nous », or cette ville ne veut pas de lui et ses seuls « amis » sont d’autres SDF, homophobes, et dont le travail est d’expulser des sans-papiers de leurs logements.
Cette dure réalité ne se stylise pas, la réalisatrice a déclaré vouloir montrer la réalité des choses, et cette réalité de peut pas être présentée avec de beaux plans panoramiques sur la ville. Les protagonistes n’ont pas d’argent, pas de gloire, ils n’obtiennent pas une fin qui résout tous leurs problèmes, et pourtant ils sont heureux. Paul ne provient pas d’une famille qui le soutien à la différence de celle dont il tombera amoureux, c’est donc pour cela qu’il possède de grandes difficultés pour établir des liens avec les autres. Il semble toujours à l’écart du monde, comme si une bulle le séparait de l’extérieur.
Malgré cela Paul parvient à se rapprocher de cette famille car ils partagent tout de même un point commun: ils n’ont pas trouvé leur place. Ils ont donc du se résoudre à créer leur propre monde, comme Wye l’a si bien dit: « Je reprend l’espace que le monde ne me donne pas ».
Jamais cliché
Malgré les peurs auxquelles on pourrait s’attendre, le film ne tombe jamais dans le cliché. Ce qui pourrait être tabou n’est jamais montré afin que le film puisse être visionné par le plus grand nombre. Par exemple, le public ne saura jamais les détails de l’histoire de Wye, car cela ne regarde pas le spectateur mais uniquement le jeune couple.
L’idée de les faire se rencontrer à une station de bus ne reflète pas le procédé utilisé dans beaucoup de films de romance, mais est encore une fois la volonté de Danielle Lessovitz de montrer la réalité des choses car Port Authority est un lieu où tout types de personnes se croisent et se rencontrent. Fionn Whitehead et Lena Bloom, respectivement dans les rôles de Paul et Wye, forment un duo électrisant qui ne cesse de nous faire vibrer tout au long du film.
Une vision honnête de la transexualité
Le côté peu conventionnel de ce film le fait rester dans l’esprit de toute personne du public. En effet, en plus du thème principal abordé qui est la transexualité, le spectateur découvre également une toute nouvelle façon de voir les choses. On y voit un autre type de famille, avec des membres qui se sont choisis et qui sont prêts à tout pour s’aider mutuellement, c’est quelque chose de très profond à observer. Les scènes de danse sont des véritables chefs-d’oeuvre où l’on surprend les esprits transcender les corps des artistes. Ainsi Danielle Lessovitz parvient à créer de l’art sans pour autant jamais montrer autre chose que la pure réalité des choses.
Port Authority se finit en laissant au spectateur un sentiment de satisfaction, à la fois du film mais aussi de soi-même car le film aborde presque une morale nous faisant entendre qu’il n’y a aucun soucis à affirmer qui nous sommes, et que ce n’est pas grave si nous ne rentrons pas dans la norme. La réalisation neutre n’empêche pas au spectateur de se sentir pleinement intégré au film et crée au contraire une atmosphère intimiste qui en ravira le plus grand nombre. Ce film dégage un élan de tolérance qui justifie pleinement de le voir et de le conseiller à son entourage.