L’Origine du mal de Sébastien Marnier : Ma famille d’abord

ODM - Choix presse 1 - ©Laurent Champoussin The Jokers

À l’occasion de la sortie DVD/Blu-ray, le 15 février dernier, de L’Origine du mal de Sébastien Marnier, retour sur une œuvre aussi déroutante qu’hypnotisante. Ce thriller jouissif au discours âpre sera récompensé par le prix Claude Chabrol du prochain festival du film policier à Reims Polar (4 au 9 avril 2023).

L’Origine du mal : Dans une luxueuse villa en bord de mer, une jeune femme modeste retrouve une étrange famille : un père inconnu et très riche, son épouse fantasque, sa fille, une femme d’affaires ambitieuse, une ado rebelle ainsi qu’une inquiétante servante.
Quelqu’un ment.
Entre suspicions et mensonges, le mystère s’installe et le mal se répand…

Jacques Weber Laure Calamy Danacol Origine du Mal Sébastien Marnier
© The Jokers

La fonction d’un rôle

Stéphane, George, Louise ou Serge. L’Origine du mal déballe une panoplie de personnages aux rôles bien définis. Quand l’un incarne l’insouciance, l’autre se positionne en curieux. Sébastien Marnier, dans ce qui est son quatrième long-métrage, joue la carte de la confusion avec son spectateur. En effet, si le récit tend à dérouter, questionnant tout du long la notion primaire qu’est le bien et mal, celui-ci prend le parti de catégoriser de façon nette ses protagonistes. Le vieux noble, sa femme insatisafaite, la fille modèle ou la jeune rebelle, le spectateur plonge dans une partie de Cluedo à scénario ouvert.

Le réalisateur l’a bien compris. Si un pur personnage-fonction n’a que peu d’intérêt, alors chaque fonction narrative doit être rattachée à un personnage. S’entourant d’un casting de grande envergure (Laure Calamy, Doria Tillier, Jacques Weber, Dominique Blanc… et autres talents), Sébastien Marnier les exploite avec précision. Chaque interaction de Stéphane (Laure Calamy) fait plonger le film plus profondément dans la confusion. Les apparitions de George (Doria Tillier) questionnent la morale des actions de chacun. Serge (Jacques Weber) incarne le pouvoir et l’autorité ; Jeanne (Céleste Brunnquell) l’affranchissement… Mais dans ce quasi huis-clos bien orchestré, une chose subsiste : qui est bon ? Qui ment ?

Questionnement moral

Conditionné par des centaines, que dis-je, des milliers et des milliers d’œuvres, nos attentes de spectateurs cherchent la cohérence. Un récit doit comporter un bon personnage, un mauvais, et éventuellement certains remettant en perspective nos choix moraux. L’Origine du mal ne comporte que ce type de protagonistes. Sébastien Marnier semble s’amuser à mettre en lumière les tensions et les non-dits d’une famille bourgeoise. Mais à travers cette famille aisée, les interactions ne semblent pas si déconnectées de ce que tout un chacun peut expérimenter dans son berceau familial. Les familles ne se comprennent pas, et ne nous comprennent pas.

Les liens familiaux deviennent une obsession dans L’Origine du mal. Une séquence douce ne peut se conclure sans qu’un élément ne déclenche malaise et confusion. Quand Stéphane veut revoir son père, a-t-elle une idée en arrière-pensée ? Quand Louise accueille Stéphane, que raconte son regard ? Le film ne nous offre pas les clés pour répondre à ces interrogations. Mais sans jamais frustrer son spectateur, Sébastien Marnier refuse de le laisser à l’aise. Si l’expérience peut-être remarquable, de bout en bout le malaise s’installe. Et c’est probablement dans ce système que le film tend à se perdre au bout d’une heure de visionnage. Le mécanisme assimilé, on se lasse rapidement et on n’attend qu’une chose : que le récit explose.

Dominique Blanc Doria Tillier Origine du Mal Sébastien Marnier
© The Jokers

Verrez-vous un bon film ? Assurément. Passerez-vous un bon moment ? Rien n’est moins sûr. L’Origine du mal se pose comme un thriller de grande classe, avec une grande maîtrise, à la fois technique et d’incarnation. Si quelques maladresses ou dialogues creux peuvent éventuellement lui être reprochés, le film reste droit dans son intention originale. 

Disponible en DVD/Blu-ray chez The Jokers.



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