La grande date approche, préparez les gros pulls et les petits fours. Cette année, on fête Noël à Miller’s Point avec une interview de son réalisateur.
« Qui aurait cru que mon premier coup de cœur cannois soit un film de Noël ? ». Sur la Croisette cannoise, c’était bien Noël à Miller’s Point qui nous avait fait chavirer. Quelques mois plus tard, alors que le film sort dans nos salles, nous avons eu la chance de pouvoir échanger avec Tyler Taormina, un jeune cinéaste plein de tendresse qui nous ouvre les portes du cinéma indépendant américain, en laissant quelques flocons s’infiltrer au passage.
« Une grande famille turbulente se réunit dans une petite ville de Long Island pour ce qui pourrait être le dernier réveillon de Noël dans la maison familiale. Alors que les célébrations battent leur plein, marquées par des retrouvailles hautes en couleurs, traditions parfois fantasques et autres querelles générationnelles, deux jeunes cousines profitent du chaos pour s’enfuir dans la froide nuit d’hiver et faire de cette fête la leur. »
Ce qui nous a beaucoup marqué dans Noël à Miller’s Point, c’est tout l’effet de surcharge dans la mise en scène. Il y a beaucoup de décorations, de couleurs, de nourriture… On en prend plein les yeux ! Est-ce que c’est un projet sur lequel tu t’es senti libre ou tu as tout de même du faire des concessions ?
T.TAORMINA : Je pense que vous seriez surpris d’à quel point l’expérience était libre. Je pense que c’est lié à deux raisons. La première est que nous n’avons pas réalisé ce film à Hollywood, ce qui nous a donné une totale flexibilité sur comment nous voulions le faire. Et aussi, nous avons eu beaucoup de temps de préparation. Cependant, nous n’avons pas eu autant de jours de tournage que nous en avions besoin. Nous avons tourné en 25 jours, mais je pense que pour faire au mieux nous en avions besoin de 28. Mais pour ce qui est des fondations du film, ça s’est déroulé comme nous l’avions planifié, du moins émotionnellement parlant.
Il y a aussi de nombreux acteurs, autant professionnels que non professionnels. Comment est-ce que tu as fait pour les diriger dans des espaces si étroits ? C’était quoi l’ambiance sur le tournage ?
T.TAORMINA : J’apprécie une bonne ambiance chaotique. Je n’avais pas tellement l’impression que nous étions en train de réaliser un film, c’était une grande fête. Je voulais m’assurer que chaque membre de l’équipe ait un bon fond, soit délicat. Et le résultat a été un moment fun.
Lors du Festival de Deauville, où Noël à Miller’s Point était sélectionné en compétition, tu as parlé des lieux de tournage. En fait, ce n’est pas une seule maison que l’on voit à l’écran mais bien quatre différentes. Peux-tu nous en dire un peu plus ?
T.TAORMINA : Oui, c’est ça ! Ce qui est drôle avec ces maisons, c’est que trois d’entre elles étaient occupées par des personnes tout juste décédées. C’était donc le moment où leurs enfants étaient en train de les vendre. Elles étaient vraiment chargées d’histoire. Pourtant, l’une d’entre elle est devenue un AirBnb, la rendant sans âme… une marchandise. Donc on a vraiment dû lui redonner vie.
« Ces maisons ont été décorées de reliques de toute la ville.»
Et c’est quoi exactement le processus pour leur redonner vie ?
T.TAORMINA : C’est une magnifique chose. Quand vous regardez les crédits, vous remarquez que nous avons beaucoup de noms à la décoration, parce que de nombreux habitants nous ont prêté leurs propres décorations. Ces maisons ont été décorées de reliques de toute la ville. Je crois que sont les japonais qui pensent que les objets ont des âmes. Si c’est vrai, ces maisons débordent d’âmes (rires) !
Dans plusieurs de tes films, tu narres différents récits qui s’entremêlent. Est-ce que cela t’a déjà donné envie de développer ces éléments à travers une série ?
T.TAORMINA : Non. Enfin, oui et non. J’ai commencé dans les séries télévisées pour enfants. J’ai crée une série nommée Suburban Legends, dont vous pouvez retrouver les épisodes sur YouTube. J’aimerais bien faire une série un jour, mais j’ai développé ma créativité à travers le cinéma.
En tout cas, de notre côté, ça nous a donné envie de rester plus longtemps avec eux, comme si on les connaissait déjà d’avant.
T.TAORMINA : C’est chouette, c’est un joli sentiment !
Noël à Miller’s Point est vraiment devenu un comfort movie pour nous…
T.TAORMINA : Oh génial, c’est super d’entendre ça.
Est-ce que toi aussi tu en as ? Pourrais-tu nous en parler ?
T.TAORMINA : Je pense que mon plus gros comfort movie serait Tortilla Soup de Maria Ripoll. Je l’ai découvert juste avant que Criterion ne développe son application de streaming. Et l’histoire fut écrite (rires) ! C’est devenu un de mes films préférés.
Je voulais aussi qu’on mentionne la musique, qui devient presque un personnage à part entière et apporte beaucoup de joie dans tes films. Quel est ton rapport à la musique ? Quelle a été ton processus de travail sur cet aspect du film ?
T.TAORMINA : Pour l’anecdote, un ami avait trouvé une mixtape sur la route, il y a peut être 15 ans de cela. Elle détenait certaines des plus belles musiques que j’ai jamais écoutées. Et pendant plusieurs années, je n’ai même pas regardé le nom des artistes mais j’appréciais juste cet objet comme une sorte d’OVNI. Mais ce que j’ai appris de cette mixtape, c’est que la transition entre les sons et les émotions, c’est là toute la beauté. Et je crois que j’ai approché l’écriture de la même façon, un échange entre les pièces de la maison et d’une musique à une autre.
« Le cinéma peut rendre une musique meilleure qu’elle ne l’a jamais été.»
Et lorsque tu regardes un film, es-tu particulièrement sensible à la bande originale ?
T.TAORMINA : Ce qui est drôle c’est que j’oublie souvent la bande originale des films. Je crois que c’est pas forcément juste de dire qu’on a une scène préférée dans un film, car une scène est contextualisée dans l’entièreté du projet. Mais il y a des moments où lorsqu’une musique passe dans un film, je réalise que le cinéma peut rendre une musique meilleure qu’elle ne l’a jamais été.
Pour terminer, pourrais-tu nous parler de ton travail avec Omnes Films ? Est-ce que travailler avec cette équipe te permet d’envisager ton travail avec plus de sérénité ?
T.TAORMINA : Oui, totalement. Le film a failli se faire à Hollywood. Mais ça n’a pas été le cas. C’est typique d’Hollywood… de te garder de côté au cas où ça se ferait. Mais si ça s’était fait, je sais que ça aurait été un film différent, et pour le pire. J’ai réalisé que je n’avais pas le même degré de confiance en ces personnes. La confiance est très importante, et m’a fait me sentir compris et valorisé pour mes idées.
– Entretien réalisé le 15 novembre 2024 à Paris