Mention du Jury du festival d’Annecy 2022, My Love Affair with Marriage a tout pour capter la curiosité des spectateurs.
La réalisatrice lettone Signe Baumane réalise avec My Love Affair with Marriage une oeuvre profondément personnelle, cynique et musicale. Une œuvre à la croisée du film biographique, du documentaire et de la comédie musicale, qui prouve une fois encore l’audace des sélections du festival d’Annecy.
Les chansons hypnotiques des sirènes autoritaires de la mythologie convainquent Zelma, une jeune fille fougueuse, de se lancer pour 23 ans en quête de l’amour parfait et du mariage qui dure. Cependant, elle n’a pas conscience que sa propre biologie est une force puissante, dont il faut s’emparer.
Il était une fois… la vie
Au détour d’un passage musical chantant les mœurs puis d’une séquence de vie biographique, le film nous mène vers ce qui semble ressembler à des cours de sciences. À l’image de la fameuse série animée de 1987, un personnage nous porte à l’intérieur du cerveau de notre protagoniste pour illustrer et expliquer son fonctionnement selon les situations rencontrées. Ces aides schématiques traitent de sujets variés, allant de l’amour aux questions de genre, en passant par l’influence de la société sur nos prises de décisions. Si ces nombreuses séquences cassent parfois le rythme du récit, force est de constater qu’elles permettent d’aborder des sujets personnels de manière universelle.
My Love Affair with Marriage tend vers une illustration crue des scènes du quotidien. Encore embrumée par ses rêves d’amour, la protagoniste se laisse subir la violence des hommes qu’elle épouse. Pression morale, mensonges, violences physiques et verbales, tout y passe. Difficile de ne pas ressentir de l’empathie à son égard et du dégoût envers les hommes lorsque leur comportement est narré avec des mots d’enfants. Là-dessus, le film joue de sa radicalité. Mais pour autant, il s’attèle à aller toujours un pas plus loin. Dans son dernier arc, Baumane s’intéresse d’une manière très douce à l’identité de genre. Pas de peur, juste de la curiosité de soi et finalement, une révélation générale.
L’œil des sirènes
Fil rouge du récit, les trois sirènes accompagnent notre protagoniste dans les moments charnières de sa vie. Elles chantent les mœurs patriarcales que Zelma a intégrées par son éducation, lesquelles sont à la source de ses quêtes et ses malheurs. Habilement mises en scène, ces séquences musicales permettent à My Love Affair with Marriage d’appuyer les enjeux pour réussir à effleurer la réalité vécue. Sur des airs très rythmés, parfois enivrants, les sirènes incarnent ce que les injonctions imposent aux individus – détruisant des vies à leurs dépens. À l’inverse d’anges ou de démons accompagnant la jeune Zelma, elles n’apparaissent que pour plonger notre protagoniste dans des choix existentiels faisant référence à une époque visiblement révolue. Zelma est bloquée dans l’image de ses contes, en sortir lui coûtera beaucoup.
Les passages musicaux et les passages éducatifs hachent la narration et réussissent à sortir l’œuvre d’une illustration classique des sujets de genre ou patriarcaux. C’est frais, c’est neuf, et le spectateur découvre ou redécouvre de manière ludique l’horreur qui entoure nos vies. Racontant dans les grandes lignes les étapes de sa vie et de ses pensées, la réalisatrice entend toucher un large public. My Love Affair with Marriage veut montrer aux petites filles, mais aussi aux petits garçons que notre société est malade et que comme toutes les maladies, un traitement existe. Se questionner sur notre façon d’être, ne veut pas dire renier qui nous sommes. Et ce message est poignant.
Signe Baumane réussit l’exercice d’emporter le spectateur au cœur de son histoire. L’animation surprend parfois par sa pluralité de techniques, mais reste cohérente de bout en bout. Le rythme est royalement mené par des séquences aussi différentes que complémentaires. Enfin, les comédiens de doublage (Cameron Monaghan, Emma Kenney, Matthew Modine…) accouchent d’un travail exemplaire. En définitive, beaucoup d’enthousiasme et bien peu de réserves.
En effet, un très beau film, malheureusement desservi par une musique presque commerciale, même si bien interprétée. Connaissant bien l’incroyable qualité de la culture vocale lettone, je suis allé assister à la projection en partie pour cela, mais je me suis retrouvé plongé dans les accords à caractère « jazzy »…