C’est une version restaurée d’une oeuvre majeure des années 80 qui arrive en rayons : Mississippi Burning de Alan Parker. L’occasion en cette période particulière de découvrir ou de revoir ce film aussi nécessaire que viscéral, porté par les prestations solides de Gene Hackman et Willem Dafoe.
Jessup County, Mississippi, 1964. Dans cette ville fictive, épicentre de l’Amérique conservatrice et ségrégationniste, deux agents du F.B.I. sont appelés afin d’élucider la disparition de trois jeunes militants pour les droits civiques. Si Alan Parker choisit de situer son récit dans une ville créée de toutes pièces, c’est bien d’un événement réel dont il rend compte dans Mississippi Burning. En 1964, Michael Schwerner, Andrew Goodman et James Chaney, eux aussi activistes pour les droits civiques, furent assassinés par des membres du Ku Klux Klan, une organisation suprémaciste blanche qui vivait alors la période la plus faste de son histoire.
L’intérêt de Mississippi Burning ne réside pas dans la finalité de l’enquête – à savoir, quels sont les responsables de cette disparition – la séquence d’ouverture se chargeant de nous dévoiler sans attendre les coupables de ce forfait. Ici, l’enquête ne s’avère être qu’un prétexte, permettant au réalisateur de mettre sur le doigt sur le véritable enjeu du film : la mise en exergue de cette haine injustifiée de l’autre et son caractère insidieux, pourtant ancrée dans la culture et l’éducation de la population du Mississippi. Le personnage d’Alan Ward, l’un des détectives chargé de l’enquête (un très jeune Willem Dafoe) semble alors s’approprier les pensées du réalisateur lorsqu’il se demande, abattu : « Where does it come from, all this hatred ? ».
Mais Alan Parker ne s’intéresse pas uniquement aux tensions raciales et à leurs conséquences dans Mississippi Burning, il va aussi les expliquer par le clivage économique et social entre le Sud et le Nord des Etats-Unis. Ce clivage est brillamment illustré par la dynamique du duo d’agents du F.B.I. : Alan Ward et Rupert Anderson (Gene Hackman). L’un est originaire du Mississippi, ancien shérif et partisan de la méthode forte ; l’autre est un jeune intellectuel idéaliste, fervent défenseur des protocoles et des procédures. L’agent Ward semble la parfaite représentation du Nord de l’Amérique, emplie d’idéaux de liberté et d’égalité mais inévitablement méprisante envers la partie délaissée du pays, jugée stupide et inéduquée.
Sans être véritablement méprisant envers les habitants de Jessup County, Ward semble être empêtré dans un idéalisme et une innocence sans bornes qui l’empêche de venir à bout de cette enquête. Anderson, lui, est coutumier de cet environnement – même si le shérif adjoint Pell lui rappellera qu’il n’est plus considéré comme un natif du Mississippi car il n’y vit plus depuis trop longtemps – et justifiera l’usage de la méthode forte lorsqu’il évoquera la violence haineuse dont la plupart des habitants liés aux activités du Klan font preuve : « here, they believe that some things are worth killing for ». Le long-métrage repose ainsi essentiellement sur une dynamique good cop/bad cop et sur les différences entre les deux personnages, mais aussi sur le rapport de force entre ce duo d’agents et le groupe de suprémacistes blancs, qui n’est voué qu’à finalement se renverser.
La force de Mississippi Burning réside principalement dans la dimension éducative qu’il renferme. A l’issue du visionnage, on ne peut qu’en conclure que c’est un film destiné à être projeté dans les établissements scolaires, afin de sensibiliser les plus jeunes à la question raciale et au devoir de mémoire de la période ségrégationniste.
Mississippi Burning rend compte, au moyen de scènes tout aussi dérangeantes qu’importantes, de la réalité du quotidien des personnes noires durant cette période. Le film dresse aussi le portrait d’une communauté noire impuissante et résignée, ayant perdu tout espoir de reconnaissance de leurs droits fondamentaux devant la multiplication des crimes racistes perpétrés par le Klan – d’ailleurs composé de politiciens et de membres des forces de l’ordre – à leur encontre. L’arrivée des deux agents du FBI sera d’ailleurs vue d’un mauvais œil par la plupart des membres de la communauté noire de Jessup County, le nombre de saccages et de crimes n’ayant cessé d’augmenter depuis leur arrivée sur les lieux.
Mississippi Burning s’avère alors être un film nécessaire, qui malgré ses quelques facilités et possibles inexactitudes, s’érige comme un pan de mémoire de l’époque ségrégationniste, nous rappelant plus que jamais – à l’image du plan final – que 1964 et ses crimes ne doivent en aucun cas tomber dans l’oubli.
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