Dans un Japon futuriste, l’invasion zombie a été repoussée. Ces revenants ont été domestiqués et servent désormais d’esclaves aux citoyens les plus fortunés. Une riche famille hérite d’une jeune morte-vivante qui va devenir leur servante, et déchainer les passions contre elle.
Qu’il s’agisse de Night of the Leaving dead, de Shaun of the Dead ou de 28 Days Later, le bon film de zombies est toujours une parabole sociétale. Ainsi, quand le réalisateur japonais Sabu décide de tourner Miss Zombie, il a moins envie de faire un film d’horreur sanglant qu’un film engagé politiquement.
Un zombie d’art et d’essai
A observer sa direction artistique, on comprend dès les premières scènes que Miss Zombie ne sera pas un film zombiesque exactement comme les autres. Sa photographie en noir et blanc, sa lumière éclatante, son rythme lent, tranchent avec l’ambiance gore, sombre et énervée des classiques du genre. On remarque ainsi un curieux contraste entre la beauté quasi expressionniste des images, paisibles et apaisantes, et le malaise palpable de son sujet : par un renversement des rôles étonnant, l’homme est un loup pour le zombie.
Car la Miss Zombie, protagoniste principale du film, n’est pas une chasseuse de viande ; elle est la proie du sadisme des humains de son entourage. Chaque jour de sa morte-vie est une torture, durant laquelle elle subit docilement, sans se rebeller, les jets de pierre des enfants, les coups de couteaux des marginaux, les viols des hommes de la maison… parmi toute une collection de petites et grandes humiliations quotidiennes. #ZombieLivesMatter pourrait être le sous-titre du film, mais c’est avant tout, la position subalterne de la femme dans un Japon paternaliste et misogyne qui est allégoriquement dénoncée ici.
Zombie outragée, zombie brisée, zombie martyrisée… mais zombie libérée.
L’altérité du zombie, son humanité derrière les apparences, est au centre de ce genre cinématographique. Day of the Living Dead de Georges Romero par exemple, traitait déjà le personnage du zombie Bub à hauteur d’homme, bien loin de l’image du mort-vivant décérébré. Ici, avoir pour héroïne un zombie féminin approfondit la perspective. La déshumanisation de la morte-vivante figure la déshumanisation de la femme japonaise elle-même au sein du foyer, réduite au rôle de servante ou d’objet.
La morte-vivante agit comme un révélateur du problème social. Sa présence interroge jusqu’à l’instinct maternel de la maîtresse de maison, surprise que son propre fils s’attache davantage à la créature qu’à elle-même, animal craintif et soumise à son mari.
Dans sa dernière partie, l’émancipation de cette héroïne revenante revisite avec ironie le vers d’Aragon : La zombie serait-elle l’avenir de l’homme ?
Sorti en 2014 soit trois ans avant #MeToo, c’est peut-être parce que Miss Zombie était en avance sur son époque qu’il a reçu, un peu à la surprise générale, le Grand Prix au Festival de Gérardmer. Le (re)voir aujourd’hui, permet d’en saisir toute la prophétie de son propos et sa glaçante réalité. Le Japon reste aujourd’hui un des pays où les statistiques relatives aux violences conjugales faites aux femmes sont les plus dramatiquement élevées.
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