Irrévérencieuse à souhait, la mini-série Mary & George débarque sur Canal+ après son passage par le Festival Séries Mania en mars dernier.
Nouvelle entrante dans la lignée des grandes fresques historiques, Mary & George dépoussière crûment l’image déjà controversée de George Villiers, aka le Duc de Buckingham, en contant son ascension fulgurante à force de coucheries au sein de la noblesse britannique. Une chronique grandiloquente et dévergondée, adaptée du livre The King’s Assassin (2017) de Benjamin Woolley, qui n’est pas sans rappeler l’excellente série The Great de Tony McNamara.
« Dans l’Angleterre du XVIIème siècle, Mary Villiers (Julianne Moore) façonne son fils George (Nicholas Galitzine) pour qu’il séduise le roi Jacques 1er (Tony Curran) et devienne son amant tout-puissant. Le duo mère-fils passe ainsi d’une condition modeste à l’une des familles les plus titrées et influentes que la cour d’Angleterre ait jamais connue. »
Un peu d’Histoire mes braves !
Démarrons par un bref point biographique sur George Villiers. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cet homme d’État anglais n’a pas chômé en 35 années d’existence. Premier Comte puis Duc de Buckingham, favori de Jacques 1er puis de Charles 1er, jusqu’à obtenir la place de Premier Ministre, George réussit en moins de deux ans à côtoyer les plus hautes sphères royales. Il en profite pour pousser le roi à dissoudre plusieurs parlements et entraine le pays dans des guerres calamiteuses. Pour n’en citer qu’une (et éviter les spoilers), il est à l’origine du conflit diplomatique entre l’Angleterre et la France après avoir tenté de courtiser la reine de France Anne d’Autriche. Une audace malvenue, mais coutumière du bonhomme, qui se solde par un échec et attire les foudres du roi Louis XIII et du cardinal de Richelieu.
Figure polémique de la noblesse britannique, qui a toujours su manier habilement son membre, le Duc a par ailleurs connu une carrière post mortem dans la littérature. Tandis qu’Alexandre Dumas lui confère une image d’icône romantique souffrant d’un amour impossible dans Les Trois Mousquetaires, les romanciers Robert Merle et Charles Dickens se révèlent moins tendres à son sujet. Le premier le décrit comme un vaniteux abusant de la naïveté d’Anne d’Autriche dans Fortune de France, et Dickens ne cache pas son mépris pour ce gougnafier mesquin dans A Child’s History of England. George Villiers a finalement réussi son coup : celui de devenir un petit mythe à la source de nombreux débats.
Jeux de reins, jeux de malins
Ne lui en déplaise, George partage ici l’affiche avec sa génitrice Mary. Un choix pertinent puisque la série s’attelle à disséquer la relation boostée par l’ambition du duo. George n’aurait en effet jamais pu asseoir son pouvoir à la cour sans sa chère maman aux dents longues. Issue d’une famille noble normande, Mary sait que son fils cadet est moins utile et prometteur que son aîné. La séquence d’ouverture de la série l’atteste avec malaise. Tandis qu’elle vient d’accoucher de George, Mary refuse de couper le cordon (littéralement) et demande à son nouveau-né ce qu’elle va bien pouvoir faire de lui. Ambiance. Cette scène vient cristalliser le rapport de force entre ces deux protagonistes : la gloire pour le fils à tout prix, oui, mais la mère ne doit pas rester dans l’ombre en cas de réussite.
Consciente du physique avantageux de son rejeton, Mary le jette en pâture à la Cour dès qu’elle sent une once d’excitation de Jacques 1er envers George. Elle pousse alors son fiston à forcer le lit royal en y dénichant les rivaux en place. À coups de sexe débridés, George s’affaire, apprend et grandit dans un climat orgiaque tout en courbant largement l’échine. Au départ tenu par sa génitrice et sa volonté de plaire au roi, le Duc finit par faire ses propres choix. Spoiler alert, ils sont rarement bons et sans conséquences. On est pourtant loin d’une série érotique où de jolis mots se susurrent au creux de l’oreille. Crue et cinglante, Mary & George se veut moins sexy que sexuelle et sauvage. Et cela passe par des dialogues savoureux et coquins, et des scènes de sexe scandaleusement charnelles à faire rougir même les moins puritains.
Backstage royal
Le créateur D.C. Moore s’extasie moins des faits purement historiques que de la fièvre et la fougue bouillonnantes qui dictent à l’époque la Cour d’Angleterre. Tenue par l’insaisissable Julianne Moore, Mary & George tisse une toile emplie d’obscène et de joutes verbales éclatantes. Pour briller en société, il faut se trouver dans les bonnes couches, et surtout celle du roi. Présenté comme un couronné à la sexualité débordante, Jacques 1er (brillamment campé par Tony Curran) ne cache pas son attirance pour les jeunes éphèbes. Et ses pairs l’ont bien compris. La reine pousse par ailleurs Mary dans ses manigances, espérant bien faire passer des messages au souverain grâce au jeune Villiers.
Pendant que George se démène pour rester le préféré de Jacques 1er, en n’omettant pas d’aller voir ailleurs si son ascension pointe au bout d’un coït, Mary se révèle plus directe dans ses desseins. Par l’utilisation de son fils et de ses attraits, elle crée un proxénétisme qui tend pourtant étrangement vers l’acte d’amour filial. On oscille régulièrement entre mépris et empathie pour ce personnage infiniment riche et sinueux, froid et implacable ; et surtout prêt à tout pour déjouer son destin tout tracé. Magnifiée par ses décors et ses costumes, la série opte pour une mise en scène soignée et électrisante, qui rappelle parfois les films de Yórgos Lánthimos. Puisant dans l’humour noir, Mary & George s’amuse des secrets de polichinelle des monarques et de leur sexualité débridée. Et tous ces jeux mis en place pour obtenir leurs faveurs sont absolument jouissifs à découvrir.