Dans Lux æterna de Gaspar Noé, Beatrice Dalle réalise son premier film avec Charlotte Gainsbourg. Celui-ci raconte l’histoire d’une sorcière jetée au bûcher. Mais lors du tournage, les problèmes techniques et relationnels s’enchainent, plongeant tout le plateau dans une lumière éternelle.
Présenté en séance de minuit au festival de Cannes en 2019, Lux æterna pointe enfin le bout de son nez.
Des réinventions visuelles
La chasse aux sorcières connaît son apogée dans l’Europe du XVIe siècle. Parmi les nombreuses oeuvres qui s’intéressent de près au sujet, le début du film en fait ressortir deux. Haxan de Benjamin Christensen (1922) et Jour de colère de Carl Theodor Dreyer (1943). Après cette courte initiation à ce cinéma daté dans le temps, Gaspar Noé nous plonge directement auprès des personnages de Béatrice Dalle et Charlotte Gainsbourg. Les deux femmes s’assoient l’une à côté de l’autre. Pourtant il décide de les séparer avec un split-screen fixe où elles discuteront bien pendant de longues minutes. D’abord déroutant, ensuite captivant, il réinvente à sa manière le split-screen qui a fait le succès de réalisateurs comme Richard Fleischer.
Un peu à la manière de Brian De Palma dans Phantom of the paradise, Gaspar Noé s’intéresse aux coulisses derrière le film qui doit être tourné. Ou plutôt, derrière l’unique scène qui sera finalement tournée. Il décide de montrer plusieurs points de vue, parfois de la même action, parfois d’un personnage errant dans ce plateau désorganisé. Il en résulte un déboussolement pour les spectateurs, et des personnages qui parcourent des lieux qui semblent étouffants, clos et à la fois d’une superficie élevée.
On aimerait que cela dure
Derrière cet effet de montage particulier se cachent des personnages auxquels on croit, car on sait qu’ils existent malgré leur aspect caricatural. Par exemple, l’homme qui veut proposer un rôle à Charlotte Gainsbourg pendant le tournage… Le journaliste qui veut gratter des informations… Le film possède alors un humour qu’on voit rarement chez le cinéaste. Les performances de Béatrice Dalle, Charlotte Gainsbourg, le subliment. Sans oublier Félix Maritaud, Clara Deshayes, Karl Glusman et Abbey Lee.
Certains films du cinéaste subversif français par excellence sont difficiles à regarder (Irréversible, Climax…). Celui-ci, par sa durée réduite (51 minutes) contient toutes ses obsessions en un format plus dynamique, moins insurmontable et beaucoup moins dérangeant. Comme pour chacune de ses oeuvres, les dernières séquences envoutent littéralement les spectateurs et les plongent dans une hypnose qu’on ne pensait possible.
Grâce à la technique du « flicker » ou l’effet stroboscopique comme on l’appelle souvent, la fin de Lux æterna fait étonnamment du bien. Ou plutôt, il est impossible de détourner du regard l’effet des strobos mélangé au split-screen. À la fin, on souhaiterait juste que le film continue…
Lux æterna signifie lumière éternelle en latin. Certains spectateurs seront plongés dans la lumière avant d’en ressortir émerveillés. D’autres seront en pleine crise d’épilepsie et se réveilleront à l’hôpital. Le point commun : ils seront touchés par l’ingéniosité et l’originalité du moyen-métrage de Gaspar Noé.