Linda veut du poulet : Les restaurations du coeur

Linda veut du poulet malta laudenbach

Et si la solution à tout résidait dans le plat préféré de son enfance ? Linda veut du poulet est une comédie qui résonne en nous avec beaucoup de tendresse et d’humour.

Présenté à l’ACID au Festival de Cannes 2023, et en compétition officielle au Festival international du cinéma d’animation d’Annecy, Linda veut du poulet fait parler de lui partout où il passe, et en bien. Il s’agit pour Chiara Malta de son troisième long-métrage (après Armando et la politique et Simple Women), et du second long-métrage pour Sébastien Laudenbach après La Jeune fille sans mains, prix du Jury à Annecy en 2016. Le couple réalise ensemble un court-métrage en 2016 intitulé A comme Azur, mais aucun projet d’animation ne les réunit avant Linda veut du poulet !

“Non, ce n’est pas Linda qui a pris la bague de sa mère Paulette ! Cette punition est parfaitement injuste !… Et maintenant Paulette ferait tout pour se faire pardonner, même un poulet aux poivrons, elle qui ne sait pas cuisiner. Mais comment trouver un poulet un jour de grève générale ?”

Linda est face à sa mère, sa mère est à sa hauteur
@gebeka

Bleu, blanc, rouge

Le film semble s’inscrire durablement dans cette esthétique spéciale inaugurée par Sébastien Laudenbach dans La jeune fille sans mains et qui respire la liberté pour offrir une cohérence parfaite entre les images et le son. Les contours des personnages sont tracés en noir, tandis que leur fond est d’une seule couleur. Chaque personnage ou groupe de personnages ont une couleur différente. Ainsi, ce procédé est mis en place dès le générique du film, avec des ronds colorés qui présentent l’enfance de Linda aux côtés de ses parents. En réalité, ce générique, paraissant classique aux premiers abords, condense toute la magie du long-métrage : Linda grandit avec beaucoup d’amour de la part de ses parents. Elle aime ce qu’on lui donne à manger, et enfin, son père décède subitement.

L’animation, en plus d’être esthétiquement réussie, semble répondre à la difficulté financière du cinéma d’animation, grâce à des combines. Lorsqu’ils sont filmés de loin, les personnages sont entourés d’une aura afin de les déplacer plus aisément, et les traits des décors ne semblent pas finis et offrent un aspect artisanal qui nous immerge immédiatement dans chacun des plans du film. La créativité ne s’arrête pas là, et à la manière d’Alain Gagnol/Jean-Loup Felicioli dans Une vie de chat qui sublimaient les scènes dans le noir, Chiara Malta et Sébastien Laudenbach inversent leur esthétique. En effet, dans le noir, les personnages ont leur fond en noir et leur contour prend leur couleur.

Linda est dans la voiture aux côtés de sa mère Colette et du policier Serge
@Gebeka

Chicken little

Mais l’animation ne fait pas tout le film, c’est bien la symbiose entre ce que l’on voit, ce que l’on entend et ce qui est écrit qui forme cette bulle parfaite. Linda est une petite fille de 8 ans qui vit seule avec sa maman Paulette (qui n’a pas refait sa vie après la mort de son mari) et qui déborde d’énergie. Le souvenir est un élément important du film, car même si elle était trop petite au moment où son père est décédé, elle se rappelle d’une chose : la recette du poulet aux poivrons qu’il lui faisait. Les quelques séquences qui suivent le générique, à l’opposé de l’amour et de la sérénité qu’il dégageait, nous indique qu’il s’agira avant tout d’un film sur la reconstruction d’un lien brisé. 

Paulette est dévastée et agit comme un mauvais parent auprès de Linda qui manque considérablement d’amour. C’est par ailleurs une accusation de vol de Paulette envers Linda qui va nous emmener vers le titre du film. Pour se faire pardonner, Linda a un seul désir : manger du poulet aux poivrons. Une personne le remarque, c’est plutôt nul comme voeu. Mais c’est bien celui-là qui permettra à sa mère de faire son deuil, de se reconnecter entre mère et fille, et de la reconnecter, elle, aux souvenirs perdus de son père. Egalement réussi dans sa contextualisation spatiale, Linda et sa mère vivent dans une cité. 

Unis contre la police

Mais contrairement à ce que l’on voit habituellement au cinéma, cette vision de la cité n’est jamais associée à la violence, mais plutôt à l’aspect communautaire de cette cité. Le monde y est comme différent. Les enfants s’occupent des enfants et agissent comme des adultes, tout le monde semble livré à eux-même et s’entraident. Au départ, Linda et sa mère sont seules à rechercher le poulet, et petit à petit, c’est toute la cité qui les aide. Le film se déroule lors d’une journée de manifestations et de grèves et contribue à la difficulté de Linda et Paulette à trouver le fameux poulet pour la recette puisque tout est fermé.

Enfin, la réussite du film est liée à la construction des personnages, tous très naturels. Linda et Paulette ne sont pas les seules à évoluer dans ce récit et plusieurs enfants de la cité et amis de Linda se détachent de la foule, représentée d’une seule couleur. On peut également citer Astrid, sa tante adepte de développement personnel et à la limite du trouble alimentaire, et surtout la police représentée par Serge. Un agent de police débutant tourné au ridicule à la fois par les situations mais aussi pour sa voix (interprétée par Esteban).

Love me tenders

Dans sa façon de faire vivre ses personnages grâce aux situations et à la qualité des acteurs, on pourrait citer Les Voisins de mes voisins sont mes voisins qui fonctionnait avec beaucoup de naturel. Quelques chansons écrites par Clément Ducol dynamisent Linda veut du poulet et offrent de vrais moments suspendus dans le temps, poétiques et à l’animation différente du reste.

S’il y a un élément qu’on aurait aimé sentir plus, c’est l’émotion. Celle-ci existe à travers les thématiques et la quête initiale de Linda, et on peut supposer qu’elle n’a pas voulu être accentuée encore plus. On aurait éventuellement apprécié une chanson de plus ou une scène émotionnelle supplémentaire.

Colette est assise dans sa cuisine, semblant triste
@Gebeka

Après avoir séduit Cannes et Annecy, Linda veut du poulet vous attend en salle le 18 octobre 2023 grâce à Gebeka. En espérant qu’il vous plaise autant qu’il nous a plu !

1 thought on “Linda veut du poulet : Les restaurations du coeur”

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