Swann Arlaud est à l’affiche du film L’Inconnu de la Grande Arche qui sort en salles le 5 novembre prochain. L’occasion pour l’acteur césarisé de tourner pour la première fois avec le réalisateur Stéphane Demoustier.
Dehors, l’agitation des femmes et des hommes d’affaires bat son plein. Au coeur de la Grande Arche de la Défense, le calme est de mise, Swann Arlaud enchaîne les entretiens lors de cette journée presse de L’inconnu de la Grande Arche un peu spéciale. Le comédien vu chez Justine Triet (Anatomie d’une chute) ou encore François Ozon (Grâce à Dieu) tourne pour la première fois avec Stéphane Demoustier (Borgo) qui s’apprête à livrer au public son 4e long-métrage.
Dans L’Inconnu de la Grande Arche, Swann Arlaud campe le rôle de Paul Andreu, architecte français connu notamment pour avoir conçu près de 20 aéroports dont celui de Paris Charles De Gaulle. Il retrouve au casting, Xavier Dolan ou encore Michel Fau, mais aussi l’acteur principal Claes Bang.
« 1983, François Mitterrand décide de lancer un concours d’architecture international pour le projet phare de sa présidence : la Grande Arche de la Défense, dans l’axe du Louvre et de l’Arc de Triomphe ! A la surprise générale, Johan Otto von Spreckelsen, architecte danois, remporte le concours. Du jour au lendemain, cet homme de 53 ans, inconnu en France, débarque à Paris où il est propulsé à la tête de ce chantier pharaonique. »

Qu’est-ce qui t’a attiré dans ce projet de L’inconnu de la Grande Arche ?
Swann Arlaud : Le scénario était vraiment passionnant, cette histoire que je ne connaissais pas du tout. Un grand film d’architecture mais pas seulement. Cela parle aussi de la question de la création – et pas seulement dans l’architecture – l’intime et le politique. Il y a vraiment cette triangulaire, à lire c’était passionnant. Et puis je connais Stéphane (Demoustier) depuis longtemps, c’est quelqu’un que j’apprécie beaucoup.
« Le point de départ absurde permet au film d’avoir une dimension de comédie. »
Quel est ton rapport à ce « cube » personnage clé de L’inconnu de la Grande Arche ?
S.W : Je la vois de loin. Je ne sais pas si je suis venu ici une fois dans ma vie (avant la journée presse) et en plus ce bâtiment ne me fascine pas plus que cela. Mais par contre, toute son histoire, de ce point de départ absurde, un grand concours d’architecture pour un grand monument dans l’axe royal, on ouvre l’enveloppe et tout le monde dit « Mais qui est ce type ? ». Même dans son propre pays, les gens ne savent pas forcément qui est Johan Otto von Spreckelsen. Ce point de départ absurde permet aussi au film d’avoir une dimension de comédie.
Tu disais bien connaître Stéphane Demoustier, y’a-t-il une œuvre dans son cinéma qui t’a touché en particulier ?
S.W : Il a fait un film qui s’appelle Allons enfants, avec ses deux enfants, qui est un film formidable. Et en fait j’ai aimé tous ses films de Terre Battue à La fille au bracelet. Et puis c’est une personne que j’aime bien que j’ai toujours plaisir à voir, donc j’étais ravi qu’on puisse collaborer de cette manière là pour la première fois.
« Je ne voulais pas aller chercher du mimétisme »
Tu joues l’architecte Paul Andreu dans le film, un architecte qui a vraiment existé, comment tu t’es préparé au rôle ?
S.W : Je pense qu’il faut partir de soi. Il ne faut pas aller chercher les personnages trop loin. Stéphane m’a donné rendez-vous à une exposition où il y avait les dessins de Paul Andreu. On est rentrés par là, ensuite il m’a offert un bouquin qu’il avait écrit (Paul Andreu) sur l’architecture. Il faut savoir que c’est une vraie figure et que, déjà, je lui ressemble pas du tout physiquement. Donc je ne voulais pas aller chercher du mimétisme. Souvent la personne en charge de la réalisation à une vision quand il propose un personnage à un acteur donc il faut faire confiance à cela.
Tu as fait, avant de faire du cinéma, une école d’Arts Décoratifs, est-ce que tu as un rapport particulier à l’architecture ?
S.W : Je n’y connais pas grand chose mais cela m’intéresse. Je suis plus passé par le dessin quand j’étais en Arts Décoratifs, je passais mon temps à cela, maintenant je ne dessine quasiment plus. Et à l’école j’avais fait un peu de scénographie, j’avais un peu appris à penser les espaces mais pas de manière aussi monumentale bien sûr.
« On est tous sur des registres bien différents et c’est l’intelligence de Stéphane de trouver le bon équilibre pour que cela fonctionne »
Tu joues le collaborateur de Johan Otto von Spreckelsen, joué par Claes Bang, acteur danois qui a appris le français pour le rôle. Comment vous avez construit sur le tournage cette relation entre respect et friction ?
S.W : Cela s’est fait de façon assez fluide avec Claes. C’est quelque chose qui se passe un peu avec tous les autres acteurs dans le film je trouve, on est tous sur des registres bien différents et c’est l’intelligence de Stéphane et du casting de trouver le bon équilibre pour que cela fonctionne ensemble et que cela crée un monde. Moi j’étais content de pouvoir parler un peu en anglais. Stéphane avait à cœur de me dire “tu n’es pas au dessus de lui mais tu n’es pas en dessous”, donc il fallait trouver cette juste place entre respect mutuel et défense de ses propres limites.
Vous avez deux visions dans le film, tu joues quelqu’un de pragmatique et Claes Bang joue le “jusqu’au boutisme”, dans ta vie tu te ranges de quel côté ?
S.W : Je pense que c’est un équilibre entre les deux. Le métier de comédien c’est un métier où l’imagination, l’imaginaire, à une place extrêmement importante et donc une certaine forme d’idéalisme et de poésie. Et en même il faut quelque chose de très ancré, de très terrien, de pragmatique justement. Donc je dirais que je me situe à peu près entre les deux, après c’est une frontière mouvante.
« Je pense qu’il y a une volonté de Stéphane d’éclairer le présent par un moment du passé où les choses étaient déjà en chemin. »
Le film parle aussi du rapport entre l’art et la politique, en étant né dans les années 80, est-ce que c’est quelque chose qui t’a marqué à l’époque ?
S.W : Ce qui est intéressant c’est qu’il y a une réunion dans le film avec Alain Juppé et en fait cela raconte quelque chose sur la société dans laquelle on est aujourd’hui. Sur la question du financement privé, de l’entreprise privée. Je pense qu’il y a une volonté de Stéphane d’éclairer le présent par un moment du passé où les choses étaient déjà en chemin.
Est-ce qu’il y a un autre édifice qui t’interpelle ?
S.W : De chez moi, je vois la tour de Choisy, où le haut est en déport. Et de chez moi cela n’a aucun sens, je me disais “mais pourquoi ?” Et il m’est arrivé de la voir une fois de près et j’ai trouvé cela assez impressionnant. Et je me suis dit que selon l’échelle cela ne fait pas le même effet.
Je me rappelle aussi que quand j’étais adolescent il y a eu la construction de la pyramide du Louvre et je trouvais que c’était une hérésie. Je trouvais ça absurde comme idée et maintenant je me suis attaché à cette pyramide.
– Entretien réalisé le 7 octobre à Paris par Julien Vaurillon.
