Dans Light of my life de Casey Affleck, Un père (Casey Affleck himself) et sa fille (Anna Pniowsky) se regardent droit dans les yeux. Ils sont dans une tente. La fillette, pré-adolescente, demande à son père de lui raconter une histoire.
Quinze minutes sont alors passées dans ce Light of my life, à écouter le père en train d’imaginer un conte parallèle à l’Arche de Noé. Quinze minutes dans l’intimité d’une relation père-fille, d’un plan fixe, qui donne au spectateur toute l’intensité et la beauté du lien qui les unit. Pourtant, en dehors de cet abri de fortune, en dehors de cette bulle temporelle, se trouve un monde en ruines. En ruines ? Pas tant que cela. Le père et sa fille avancent au gré de leurs besoins et semblent passer la majorité de leur temps en campagne ou en forêt. Règne la solitude, mais aussi la sécurité et le calme : on n’est jamais plus protégé qu’éloigné de la civilisation, qui vit une étrange apocalypse dont on tait la raison jusqu’à la moitié du métrage.
À situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle : le père, lorsqu’ils rencontrent des inconnus, fait passer sa fille… pour un fils. La question de l’identité se retrouve alors projetée en plein coeur du film de Casey Affleck : comment rester ce que l’on ne peut pas être ? Que dire quand Rag (la fillette) entre dans une maison abandonnée et se jette sur une jupe pour l’essayer ? En lançant ce simple questionnement, l’acteur/réalisateur/scénariste en aborde finalement tant d’autres. En passant outre le contexte post-apocalyptique qui ne bouscule pas les situations du film, le spectateur tombe nez à nez avec une oeuvre qui parle bien plus de la féminité et de sa définition, de la parentalité/mono-parentalité, et finalement de la relation homme-femme.
Vaste programme. Mais c’est finalement dans tous les non-dits que toutes ces pensées fusent. On ne parle pas mais tout est transmis, comme le regard du père pour sa fille qui justifie à lui tout seul qu’elle soit la Light of [his] life. Alors finalement, dans la tension omniprésente, la peur de mourir, la peur d’être séparé de la chair de sa chair, une lumière scintille. Chaque petit moment de répit se vit alors comme un instant de douceur et de partage, à l’image de la séquence d’introduction du film. Le plus humain des hommes devient alors ce père qui, contrairement aux autres, protège au lieu de se protéger.
Drôle de façon de faire sa rédemption pour Casey Affleck qui, il y a quelques temps, recevait deux accusations d’harcèlement sexuel et qui se met finalement lui-même en seul défenseur de la féminité, quand tout autour s’agglutinent de potentiels dangers. Pour autant, malgré le trait grossier qu’il s’accorde, impossible de nier qu’il réussit à créer une ambiance singulière dans un film qui touche à l’intimité et qui façonne, par moments, une certaine pureté. Light of my life se vit sans aucun doute plus comme un voyage introspectif tout en délicatesse que comme une aventure dangereuse et sanguinolente, même si, parfois, les deux finissent par se mêler.