Le Royaume de Kensuké de Boyle & Hendry : I’m just Ken(suké)

Neil Boyle et Kirk Hendry Royaume de Kensuké

Le 7 février sort en salles, un film d’animation adapté du roman éponyme de Michael Morpugo. À l’inverse des canons jeunes publics infantilisants, Le Royaume de Kensuké fait confiance à son audience, et ça se sent.

De l’aveu de ses réalisateurs, le film ne se veut pas uniquement destiné à un jeune public. Une proposition déjà amorcée en partie dans Mon ami robot de Pablo Berger puis assumée dans Le Royaume des abysses de Tian Xiaopeng. Et, sans aller dans le jusqu’au-boutisme de l’édifiant Mars Express de Jérémie Périn, nous pouvons espérer une nouvelle pierre dans l’édifice de l’animation (hors Disney) qui semble bien reprendre du poil de la bête !

« L’incroyable histoire de Michael, 11 ans, parti faire un tour du monde à la voile avec ses parents, avant qu’une terrible tempête ne le propulse par-dessus bord avec sa chienne Stella. Échoués sur une île déserte, un mystérieux inconnu vient alors à leur secours. C’est Kensuké, un ancien soldat japonais vivant seul sur l’île avec ses amis les orangs-outans depuis la guerre. »

Sous un crépuscule qui donne des teintes pastels du jaune au bleu au ciel. Michael et Censure sont haut-perchés dans une cabane surplombant la canonnée de l'île. Des oiseaux s'envolent au milieu du vert-bleuté des feuilles.
©Le Pacte

Ohé Matelot !

Avec une ouverture maritime qui dénote directement du livre, les réalisateurs installent tout de suite une ambiance qui détonne avec l’attente d’un film « pour enfants ».

D’abord dans ses graphismes : les personnages sont réalistes, jusque dans leurs déroutants détails. On peut trouver cela banal, mais montrer dans la gueule de Stella des dents pointues et acérées est un signe clair : Vous n’éviterez pas le danger.

Lesdites silhouettes claires ainsi que la 3d utilisée pour la mer alourdissent cela-dit un peu le tout, et malgré la fluidité chirurgicale des mouvements et de la synchro labiale, cela paraît comme un petit « hic ». Mais cela ne transparait plus une fois que la vraie magie du film se découvre : son environnement.

Gorilles dans la brume

Car, comme promis, Le Royaume de Kensuké est certes un récit d’aventure, mais il est surtout une merveilleuse fenêtre sur un monde que nous sommes entrain de perdre. Et au lieu de nous culpabiliser en donnant à voir le triste spectacle de l’humanité s’auto-détruisant, le film fait un pas de côté pour nous montrer la richesse de ce qui nous reste.

La faune et la flore sont luxuriantes, et l’amour porté à cette nature s’exprime jusque dans l’ingrat, lorsqu’on réussit à nous faire prendre en empathie même le plus petit des insectes.

Onoda à Jardiland

Au milieu de ces (sublimes) décors évolue depuis des dizaines d’années Kensuké. Ermite malgré lui, ayant sublimé l’art de la survie dans une entente cordiale avec des orangs-outans. Comme ces soldats laissés pour morts après la fin de la Guerre, Kensuké se bat, mais pas pour un drapeau ou une nation, bien pour la famille qu’il s’est construit au fil des ans.

Cette famille finit par inclure tous ceux qui gravitent sur l’île, jusqu’à cette dernière-même. Et Michael en devient un membre à part entière aussi. En arrivant sur l’île et se faisant piquer par une méduse, c’est une nouvelle maison et une nouvelle tâche de naissance qui l’accueillent. Paradoxalement, c’est une nouvelle famille qui lui permettra de se rendre compte de la chance qu’il avait d’en avoir déjà une.

L’évolution du jeune homme est comme un écho dans le récit. Quand, sur la fin, nous voyons des braconniers emporter des animaux dans des cages, on peut y voir un cercle vicieux avec le début du film, quand Michael enferme Stella dans un coffre pour l’emmener avec lui sur le bateau. Si l’intention est différente, les motivations égoïstes aux yeux du bien-être de l’animal, restent les mêmes.

Dans une immense crique aux rochers ciselés, Michael et Stella se baladent sur le banc de sable qui les a accueilli. La mer d'un bleu de cobalt et le gris des roches les encercle et les enclave.
©Le Pacte

Si l’on peut trouver une simplicité au tronc du récit du Royaume de Kensuké, il serait dommage de passer à côté de ses indéniables qualités. Les couleurs sont superbes, l’animation est maîtrisée et le film chaloupe entre le rire et l’angoisse avec aisance. Comme voulu par ses réalisateurs, c’est un spectacle sur lequel pourront se laisser voguer les plus âgés comme les plus jeunes. Une belle entrée dans ce royaume oublié.

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