Malgré la violente censure qu’il subit en Chine, Li Ruijun continue de semer de belles graines avec Le Retour des hirondelles
Sélectionné en compétition à la Berlinale 2022, Le Retour des hirondelles de Li Ruijun (sortie en salles le 8 février) raconte avec tendresse une histoire d’amour entre deux êtres fragiles et méprisés par tous. Le tout dans une Chine pauvre et rurale que le Parti souhaite cacher.
Dans une Chine actuelle et paysanne, bien loin de l’effervescence de l’urbanisation à marche forcée des gigantesques villes, un mariage arrangé est acté entre deux familles. Tous deux dénigrés, Cao et Ma vont apprendre à s’apprivoiser, vivre, jusqu’à s’aimer. Entre extrême pauvreté et irrésistible tendresse, nos deux personnages réduits à l’errance s’affirment et se subliment, lentement, au rythme des saisons.
Voyage au cœur de l’autre Chine
Dans son sixième long métrage, Li Ruijun revient sur les traces de son enfance, dans son petit village du Gansu, dans le nord de la Chine. Depuis son premier film The summer solstice en 2007, le réalisateur chinois s’est donné la mission de montrer une autre facette de son pays, bien loin de l’imaginaire que nous, occidentaux, nous faisons de la Chine et de son hyper-développement effréné. Et même si le président chinois Xi Jinping annonçait en 2021 « la fin de la pauvreté absolue », Le Retour des hirondelles semble démonter le contraire. En cinéaste engagé, Li Ruijun filme cette Chine pourtant bien existante. Une Chine oubliée par le régime et désertée par la jeunesse, là où seules vieillesse et misère règnent.
Seuls mais unis
Ici, Le Retour des hirondelles impose un autre rythme, un autre temps (et on ne dit pas non) : celui des saisons, de la timidité, de la patience des hommes et des bêtes. Ma, interprété par Wu Renlin (l’oncle du réalisateur, The Old donkey, Fly with the crane), et Cao (Hai Qing, Sacrifice) se retrouvent mari et femme sans se connaître, ni sans l’avoir choisi. Un point commun les rapproche cependant : tous deux font la honte de leurs familles. Battue et violée durant son enfance, Cao souffre d’incontinence, et sa fragilité crève l’écran. Ma, renié et marginalisé par les siens, s’est habitué à la solitude et semble s’y être fait. Tandis que ses frères sont appelés « Or » et « Argent » par les membres de la communauté, lui, le maillon faible, a hérité du surnom « Fer ». Seul son âne, unique présence jusqu’à l’arrivée de Cao dans sa vie, lui arrache le peu d’affection qui lui reste.
« La terre est propre et juste »
Pourtant, l’hiver s’achève et les hirondelles commencent par se faire entendre de nouveau. Dès lors, les deux protagonistes s’apprivoisent et se comprennent de plus en plus. C’est la terre, chère au réalisateur, qui va rapprocher ces deux individus au destin initialement tragique mais que le labeur des récoltes et des bêtes va éclairer. Cao l’admet elle-même : « Je n’aurais jamais imaginé que dans ma vie, j’aurais un chez moi », lorsque le couple parvient enfin à terminer sa maison de ses propres mains. Par la pauvreté jaillit une extrême bienveillance envers eux-mêmes mais aussi envers les gens qu’ils croisent. « La terre est propre et juste », souffle Ma à Cao lorsque la pluie s’acharne sur eux.
Fascinant de tendresse, d’humilité et de respect envers la terre, Le Retour des hirondelles a de beaux arguments à faire valoir : des paysages magnifiques qui changent au fil des saisons, des personnages émouvants et profonds, le tout sur fond de contestation politique. Malgré la violente censure dont il a été victime en Chine, Li Ruijun continue de semer de belles graines dans une industrie chinoise de plus en plus contrôlée et limitée.