Le Dernier des Mohicans de Michael Mann : Little Big Mann

© Splendor Films

Le Dernier des Mohicans ressort le 25 décembre au cinéma, en version restaurée en 2K. C’est l’occasion de (re)voir ce classique de Michael Mann, trop longtemps sous-estimé.

En adaptant Le Dernier des Mohicans de James Fenimore Cooper en 1992, Michael Mann s’attaquait à un classique de la littérature américaine. Bien avant de réaliser ses polars urbains cultes Heat ou Collateral, Mann épatait par sa diversité dans ses choix de genres. La culture amérindienne dans le cinéma américain n’a pas toujours été des plus justes… il était temps de changer la donne.

« En 1757 dans l’Etat de New York, alors que la guerre fait rage entre Francais et Anglais pour l’appropriation des territoires indiens, un jeune officier anglais, Duncan Heyward, est chargé de conduire deux soeurs, Cora et Alice Munro jusqu’à leur père. Ils sont sauvés d’une embuscade par Hawkeye, un frontalier d’origine européenne, élevé par le Mohican Chingachgook et son fils Uncas. Les trois hommes acceptent d’escorter les deux jeunes filles jusqu’à leur destination. »

oeil de Faucon capturé par les anglais
© Splendor Films

Cowboy est envahisseur

L’âge d’or des westerns n’épargna pas les indiens, les rendant alternativement antagonistes, méchants, inhumains, insensibles et sans âme. La Prisonnière du désert de John Ford en est un exemple. Pourtant, des westerns plus modernes vont apparaître après les années 1950. La date n’est pas anodine car c’est celle de l’entrée de la loi américaine reconnaissant les mêmes droits aux Amérindiens qu’aux Américains.

Avec Jeremiah Johnson, La Flèche brisée, Bronco Apache, Little Big Man, Danse avec les loups et bien-sûr, Le Dernier des Mohicans… les indiens ne seront plus pris pour cible par Hollywood. Ces films vont réhabiliter l’image des indiens dans la culture américaine.

Un indien sans la ville

Dans cette fable épique, redonnant à la nature son immensité par rapport à l’homme, Michael Mann narre une histoire d’un tragique shakespearien et d’une beauté sans nom. Grâce à des travellings qui dynamisent le film, Mann arrive à capter toute la grandeur de la nature. Le Dernier des Mohicans est tourné dans des décors naturels à nous couper le souffle.

Le thème musical de Trevor Jones, qui sera terminé par Randy Edelman (Trevor Jones n’ayant pas voulu finir le thème pour des soucis d’entente avec Michael Mann) apporte tout l’onirisme et amplifie la beauté et la puissance de la nature. La partition est quelque peu classique, avec des arrangements nous transportant dans la célébration de cette nature, de la pureté et de l’imaginaire. Un thème musical que l’on rattache forcément au film, tant il est marquant.

La photographie de Dante Spinotti vient capturer les plus beaux moments du film. Elle rend inoubliable ces lieux magnifiques, tout en immortalisant cette histoire entre poésie et tragédie.

Le dernier des actors studio

Daniel Day-Lewis était l’acteur parfait pour ce rôle. Connu pour ses méthodes d’actor studio, Michael Mann expliquera “S’il ne chassait pas ce qu’il mangeait, il ne mangeait pas”. Souffrant après le tournage, il a même dû recevoir des soins pour se réhabiliter à la vie citadine !

Son personnage, Oeil de Faucon, est empreint de liberté et désireux d’aventure. Un indien de culture mais un colon de sang. Il est élevé par les Mohicans et symbolise ainsi dans le film, le mélange culturel entre l’occidental et l’indien. Le jeu de Daniel Day-Lewis est mémorable, viscéral, d’une profondeur intense. Une incarnation douloureuse pour lui et complètement authentique pour le spectateur.

Oeil de Faucon et Chingachgook
© Splendor Films

Compter ses Sioux

Michael Mann gagne encore des points dans son choix millimétré des acteurs l’accompagnant. On aura Russell Means qui jouera le rôle de son père Chingachgook ; Eric Schweig jouant son frère Uncas ; Dennis Banks dans le rôle d’Ongewasgone; et bien sûr, le terrifiant Cherokee Wes Studi, incarnant un frissonnant Magua.

Tous sont indiens : descendant Inuit pour Eric Schweig ; pour Dennis Banks et Wes Studi : activistes pour les droits des amérindiens. Pour faire court, ce sont des grands messieurs, aux combats impressionnants (allez voir leur page Wikipedia). Sans oublier les autres rôles merveilleusement interprétés. Que ce soit Madeleine Stowe, Jodhi May et Steven Waddington.

En bref, Le Dernier des Mohicans constitue un vrai devoir de réhabilitation des droits amérindiens dans l’histoire du cinéma. En respectant leur culture, leur coutume, il rend un bel hommage à travers un film d’aventures, de liberté, sensible et romanesque.

Colony Vice

Le Dernier des Mohicans n’est pas un simple film de commande, mais se base sur une documentation importante. Michael Mann a solidement structuré son récit, parfois même au prix de quelques longueurs inévitables mais nécessaires. Il arrive également à apporter de la profondeur à chacun de ses personnages. Y compris pour l’antagoniste Magua, qui échappe au manichéisme : il est aussi et avant tout un être profondément blessé et rongé par une haine légitime. A l’opposé, Mann parvient à illustrer la force injuste des colons. L’abus de pouvoir par le mensonge, le contrôle d’un peuple par la peur, la trahison, le non-respect des cultures et la privation de liberté.

Michael Mann illustre enfin, par contraste, la différence entre l’harmonie de la nature et une une nature humaine des plus souillées. Le Dernier des Mohicans est une ode à la vie dans son élément primaire, n’oubliant pas d’y intégrer amour et pureté dans certains des plus beaux personnages de l’histoire du cinéma (Uncas et Oeil de faucon dans mon coeur à jamais).

Foncez (re)découvrir Le Dernier des Mohicans au cinéma, pour une expérience unique. Un western plus intemporel que l’on ne peut l’imaginer, et surtout, l’un des chefs-d’œuvre des années 90.

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