22, c’est le nombre conséquent de films composant le cinéma de François Ozon.
Des récompenses qui émanent de la terre entière (Berlin, Bangkok, Valladolid, San Sébastian, Toronto…). Sept nominations aux Césars et trois films présentés au Festival de Cannes… Mais finalement tous boudés par presque toutes les grandes instances du cinéma français. François Ozon est un réalisateur aguerri dont on ne doute plus de la qualité de son cinéma aujourd’hui.
Une filmographie variée
On retrouve absolument tout ce dont on a besoin dans le cinéma de François Ozon. La douceur visuelle qui se mêle à merveille aux personnages. L’intrigue cachée derrière l’intrigue comme pour nous faire découvrir une réussite derrière la réussite même d’un film. Les différentes interprétations possibles. Le travail toujours pertinent entre l’histoire et le style de narration choisi pour la raconter au mieux…
Chacun de ses films est attendus, redouté, regardé et analysé. Heureusement pour nous, le réalisateur français est d’une grande productivité puisqu’il tourne quasiment un film par an.
En bref, si vous n’avez pas vu tous ses films, cet article est fait pour vous.
1. Sitcom – 1999
Déjà avec son premier long-métrage, Sitcom, François Ozon marque ses obsessions dans un tourbillon familial : au milieu d’une famille bourgeoise sans histoires, un rat blanc offert par le père révèle l’invisible chez chaque membre de la famille. Comme son titre l’indique, la sitcom (en français « comédie de situation ») est un genre appartenant à la série télévisée. Et quoi de mieux qu’un premier film ayant pour titre un genre pour parler de la diversité de son cinéma ?
Certains réalisateurs marquent à jamais les mémoires des spectateurs en approfondissant un genre de cinéma. On pense tout de suite à Martin Scorsese et les films de mafia, ou Alfred Hitchcock et le cinéma d’horreur… Mais François Ozon n’approfondit pas un genre en particulier malgré son nombre conséquent de films. Ceci étant dit, le genre est différent des thèmes, et ce sont eux qui restent perceptibles tout au long de sa filmographie.
2. Les Amants criminels – 1999
Un an plus tard, il réalise Les Amants criminels. Un drame qui côtoie le thriller lorsqu’un jeune lycéen décide de tuer un élève qui aurait violé sa petite-amie. Une preuve de la diversification de son cinéma puisqu’il s’agit d’un second long-métrage (habituellement pas le plus simple à réussir et à produire) et qu’il se permet déjà de proposer un cinéma inhabituel.
Dans ce film, François Ozon laisse transparaître une des obsessions les plus intrigantes de son cinéma. L’homosexualité et sa découverte, souvent intériorisée. Luc (interprété par Jérémie Renier) découvre malgré lui une impossibilité à résister à sa vraie sexualité. Et le réalisateur en fait film à contre-courant des moeurs du cinéma français en brisant les tabous dans cette version gay du conte de Hansel et Gretel.
3. Gouttes d’eau sur pierres brûlantes – 2000
Un an plus tard, il réalise deux films : Gouttes d’eau sur pierres brûlantes et Sous le sable. Si le second est un des films les plus réputés de la filmographie de François Ozon, peu de personnes connaissent Gouttes d’eau sur pierres brûlantes. Et pourtant, c’est un des premiers films qui va révéler la talentueuse Ludivine Sagnier (qui tournera à nombreuses reprises à ses côtés) et le jeune Malik Zidi.
Pour son troisième long-métrage, il adapte une pièce de théâtre de Rainer Werner Fassbinder qu’il a écrit à l’âge de dix-neuf ans. Un huis-clos que le réalisateur allemand n’a jamais mis en scène, que ce soit au théâtre ou au cinéma. Dans les années soixante-dix en Allemagne, un vieil homme de cinquante ans séduit Franz, mais tout ne se passe pas comme prévu.
Le film est une réflexion à la fois oppressante, froide et esthétique des relations toxiques. Avec uniquement quatre acteurs, le réalisateur parvient à jouer de la mise en scène pour tromper le spectateur : qui est le personnage dominant ? Toujours mené par un personnage distancé (le personnage-type de François Ozon), la froideur pesante entre les personnages finit par nous émouvoir.
4. Sous le sable – 2000
La même année, François Ozon frappe fort avec Sous le sable, grâce à la puissance émotionnelle du jeu de la légendaire Charlotte Rampling. Alors qu’ils sont en vacances dans les Landes, Marie et Jean, mariés depuis 25 ans, vont à la plage. Absorbée par son livre, son mari qui se baignait dans l’eau disparaît… Noyé ou disparition volontaire ? Un film sur le deuil impossible qui commence par l’expression d’un amour profond pour le naturalisme et qui se transforme au fur et à mesure en un tout autre film.
Avec un niveau de subtilité qu’il n’avait pas en faisant ses précédents films, François Ozon captive le spectateur avec sa mise en scène proche d’un Antonioni, et un choix de casting parfait. Le visage aux nombreuses facettes de Charlotte Rampling est magnifié par les nuances de couleurs de la plage, la faisant errer toujours seule mais dans un cadre somptueux (à contrario de son appartement sombre). Des interrogations qui nous atteignent, une femme auquel on s’attache, mais un film qui ne donne pas les réponses que l’on désire. Parfois des personnages, parfois de l’intrigue, la force de son cinéma réside dans cette ambiguïté constante.
5. Huit femmes – 2001
Culte aujourd’hui, c’est en 2001 qu’il prend véritablement son envol avec Huit femmes, l’adaptation d’une comédie policière écrite par Robert Thomas. Il réunit un casting (exceptionnel) exclusivement féminin composé d’Emmanuelle Béart, Catherine Deneuve, Danielle Darrieux, Fanny Ardant, Isabelle Huppert, Ludivine Sagnier, Virginie Ledoyen et Firmine Richard. Il décide à nouveau de créer de la nouveauté : un huis-clos situé dans les années 1950, à la veille de Noël où le maître de maison est découvert mort et huit femmes sont soupçonnées de son meurtre.
Encore une maitrise d’un genre mais surtout la première adaptation (parmi tant d’autres) qu’il fera au cours de sa longue carrière. Parfois d’un roman ou d’un film, très souvent d’une pièce de théâtre, mais également en s’inspirant de faits divers. À chaque fois, le film dépasse le statut d’adaptation puisqu’il ne s’agit pas de captations de théâtre, ou la retranscription linéaire d’une oeuvre littéraire, mais bien de films possédant des partis pris forts et une mise en scène qui transcende son appartenance d’origine.
6. Swimming Pool – 2003
En 2003, François Ozon réalise la seule et unique adaptation de film de sa longue filmographie : Swimming Pool, qui se veut être une relecture de La Piscine de Jacques Deray (avec Alain Delon et Romy Schneider). Une auteure à succès anglaise en panne d’inspiration décide de s’installer dans la villa vide de son éditeur pour écrire, mais elle y rencontre sa fille, Julie…
Véritable tremplin dans la carrière de Charlotte Rampling, Swimming Pool s’inspire librement d’un classique du cinéma français pour faire ressortir des thématiques qui sont propres au cinéma (bien installé) de François Ozon. Parmi elles, cette obsession pour l’écriture mais surtout l’impact de la rencontre de l’autre dans cette écriture, influençant directement la narration du film et transformant radicalement les personnages. Ici, l’auteure frigide dans sa cinquantaine fait la rencontre d’une jeune fille frivole et à son opposé, elle utilise alors cette rencontre pour ravitailler ses inspirations mais sans être lucide sur la part de fiction et la part de réalité.
7. 5×2 – 2004
Un an après, François Ozon étonne tout le monde avec 5×2, un drame romantique plutôt simple qui ne joue pas sur plusieurs genres à première vue. Dans 5×2, on y découvre cinq moments marquants de la vie d’un couple : le divorce, une soirée, la naissance de leur enfant, leur mariage, et enfin leur rencontre. Stéphane Freiss et Valeria Bruni Tedeschi nous bouleversent dans cette oeuvre intimiste qui présente ces cinq instants dans l’ordre inverse de la chronologie.
Même si l’histoire est souvent basique, c’est souvent la narration qui fascine dans le cinéma de François Ozon. Ici, rien que le fait d’inverser la narration dans le sens contraire du déroulé livre une vision dynamique et incomplète de la vie du couple, et permet de ne pas sombrer dans une histoire d’amour déchirante mais déjà-vue des centaines de fois. Malgré la réussite de ses oeuvres précédentes, c’est celle-ci qui coule de source de la manière la plus fluide qui soit grâce à un paradoxe : nous savons comment finit le couple puisque le film commence par le divorce, et pourtant, François Ozon décide de ne pas livrer toute leur vie et de laisser une part d’incompréhension et d’imagination au spectateur, terrassé par la beauté flottante de cet amour éphémère.
8. Le Temps qui reste – 2005
En 2005, c’est dans une certaine continuité avec la sensibilité du film précédent que le réalisateur français décide de raconter l’histoire de Romain, un homme qui découvre qu’il ne lui reste plus que trois mois à vivre. Le Temps qui reste, comme son nom l’indique, ressemble de près à une tragédie grecque. Le destin du héros est funeste et identifiable dès le départ même s’il n’est pas explicite. Inhabituel pour le cinéma de François Ozon de filmer un homme, mais il parvient à lui offrir une empathie et des motivations de ne pas soigner son cancer.
La mort et plus particulièrement le deuil est une thématique qui revient souvent chez Ozon. Le film s’inscrit même dans une trilogie incomplète à ce jour. La gestion de la mort de l’autre dans Sous le sable. Aborder sa propre mort dans ce film. Eet enfin la mort d’un enfant (que l’on verra peut-être dans le futur). Lorsqu’on voit ce film, on pense immédiatement à Xavier Dolan qui, dix ans plus tard, réalise Juste la fin du monde et aborde de manière plus frontale le deuil auprès de la famille. Un climax qui manque vraiment à Le Temps qui reste pour devenir plus qu’une simple oeuvre bouleversante.
9. Angel – 2006
En 2006, il adapte le roman anglais éponyme d’Elizabeth Taylor. Angel, c’est l’histoire d’une jeune femme vivant dans les années 1900 et bénéficiant d’une ascension sociale rapide grâce à ses talents d’auteure… De toute sa carrière (actuelle), c’est le seul film qui ne sera pas en français mais bien en anglais. Avec une distribution internationale qui compte notamment Romola Garai, Sam Neill, Michael Fassbender et Charlotte Rampling.
C’est sous la forme d’un « rise and fall » qu’on assiste à l’ascension d’Angel, un des personnages les plus antipathiques du cinéma de François Ozon : capricieuse, hautaine, têtue… Elle n’en fait qu’à sa tête et il est difficile pour le spectateur de la supporter pendant deux heures. On sent néanmoins le plaisir qu’il prend à s’approprier le film d’époque pour laisser transparaître un des thèmes qui revient le plus dans sa filmographie : la littérature. Une manière de prendre possession de son identité. Mais aussi de gravir les échelons tout en étant une femme dans les années 1900. C’est elle qui dicte le récit, mais la littérature n’est pas un animal qu’il est possible de dresser et faire obéir jusqu’à la fin de ses jours…
10. Ricky – 2009
2009 est une année à retenir. En effet il s’agit pour François Ozon des seuls et uniques effets spéciaux (du moins, de ce genre) utilisés dans sa filmographie. Trois années après l’échec commercial et critique d’Angel, il fait sa quatrième apparition au festival du film de Berlin avec Ricky. Un film adapté d’une nouvelle tirée du recueil Les Ténèbres de Wallis Simpson. Une jeune femme élevant seule sa petite fille rencontre Paco et conçoivent un bébé avec des ailes qui lui poussent dans le dos. Comme vous pouvez vous en douter, les effets spéciaux sont liés au bébé volant. Et plus particulièrement sur une grande partie du long-métrage, sur la naissance et le développement de ses ailes.
Commençant comme un film des frères Dardenne ou Ken Loach, tout semble nous diriger vers un cinéma social. Le travail à l’usine, le bâtiment délabré, la vie difficile d’une maman seule, la rencontre avec un homme… Et pourtant, la naissance de Ricky chamboule ce film. Toujours dans le plus grand des réalismes sans faire un film de science-fiction, presque d’une façon organique comme David Cronenberg, derrière un bébé volant, François Ozon s’intéresse à la maternité et aux relations familiales complexes. Aucune famille ne se ressemble dans son cinéma, et c’est un film ouvert à toutes les interprétations possibles.
11. Le Refuge – 2010
Le cinéma de François Ozon débute la dernière décennie avec deux films. Le premier s’intitule Le Refuge. Un enchainement de films extrêmement cohérent dans sa filmographie… Et une volonté pour François Ozon d’aller encore plus loin dans son obsession avec la mort. On évoquait plus tôt une trilogie. Mais on pourrait très bien parler de quadrilogie avec ce film, racontant l’histoire de Mousse et Louis, un couple ravagé par la drogue et tuant Louis suite à une overdose. Une réflexion tout en douceur sur la vie. Après la mort de son compagnon (Melvil Poupaud), Isabelle Carré excelle dans ce rôle de femme enceinte (elle était réellement enceinte lors du tournage). Certains réalisateurs portent un regard (positif ou négatif) sur les sujets qu’ils abordent. François Ozon banalise tout ce qu’il touche. De de l’homosexualité (un thème présent dans chaque film) à la drogue, ce n’est jamais le sujet principal du film.
Certains pourraient voir une facilité derrière ce manque d’engagement. Mais en réalité, les sujets n’en sont que plus forts puisqu’ils existent sans jamais être questionnés. Lorsque l’on parle d’homosexualité au cinéma, on ne peut s’empêcher de parler du cinéma de Xavier Dolan. Mais il ne faut pas oublier François Ozon qui joue avec l’ambiguïté des sexualités sans jamais porter un regard critique dessus, et ainsi, en les incluant dans la réalité.
12. Potiche – 2010
En 2010, il décide d’adapter une pièce de théâtre en comédie historique. En 1977, un patron misogyne fait une attaque cardiaque et sa femme décide de prendre la direction de son entreprise. Se rapprochant du kitsch de son premier long-métrage Sitcom, pour certains, Potiche est un des pires films de François Ozon par son statut comique dépassé et sur-joué. Il l’est peut-être. Mais en prenant du recul sur lui, on découvre une capacité hors-du-commun à nous plonger trente ans plus tôt. Que ce soit avec les costumes, les tenues, les coiffures, les paysages, mais surtout les personnages et les situations.
Lourd aujourd’hui, mais représentatif du cinéma français des années 80, François Ozon prouve sa maitrise des styles une nouvelle fois. Tout en y insufflant quelques références modernes politiques comme le slogan de Nicolas Sarkozy en 2007 (« Travailler plus pour gagner plus ») ou bien le fameux « Rassemblement pour la fraternité » de Ségolène Royal de septembre 2008. Une inspiration du réel insufflée dans la fiction… Mais nous en parlerons plus en détails avec Grâce à Dieu en 2018.
13. Dans la maison – 2012
Deux années plus tard (donc, presque une éternité vu sa productivité), François Ozon réalise Dans la maison. Une nouvelle adaptation de pièce de théâtre, peut-être bien sa plus réussie d’un point de vue dramaturgique. Un professeur de français et sa femme découvrent les écrits voyeuristes d’un élève brillant qui s’infiltre chez un de ses camarades de classe. Fabrice Luchini, Ernst Umhauer, Kristin Scott Thomas, Emmanuelle Seigner et Denis Ménochet se donnent la réplique dans un film où François Ozon met en avant la littérature et l’écriture comme brouilleur de la réalité.
Très souvent une arme du réalisateur pour raconter ses histoires (cf Swimming Pool), le voyeurisme de l’écriture qu’il développe est une arme à plusieurs utilités. L’élève qui peut rester dans cette maison en continuant à écrire. Le professeur qui comble son manque de talent en aidant le jeune élève. La femme du professeur qui s’y intéresse pour retrouver une passion commune avec son mari comme un feuilleton quotidien… Tout comme les différents personnages, le spectateur veut continuer à suivre cette histoire. Et surtout découvrir les limites entre la fiction et la réalité, brillamment cachées grâce à la mise en scène ingénieuse de François Ozon.
14. Jeune et jolie – 2013
En 2013, François Ozon marque la Croisette avec Jeune et Jolie. Un long-métrage qui raconte les déboires d’une jeune fille de 17 ans qui va s’adonner à la prostitution. On le sait, le sexe a son importance dans le cinéma de François Ozon. Mais il ne s’agit pas de choquer le spectateur en dramatisant des rapports sexuels entre une femme de 17 ans et des hommes plus âgés. La mannequin Marine Vacth (21 ans au moment du tournage) a déjà joué pour Cédric Klapisch et Alexandre Arcady. Mais c’est après Jeune et Jolie que sa carrière va exploser (nous la retrouverons chez lui quatre ans plus tard dans L’Amant double).
Bien plus qu’une plongée dans le milieu de la prostitution, François Ozon fait le portrait de la jeunesse en l’érotisant, comme elle est érotisée à travers les films, les publicités, les médias. D’une extrême modernité et plus actuelle que jamais, la beauté du personnage de Marine Vacth est vécue comme un fardeau. De plus, l’argent n’est pas sa motivation. Elle n’en manque pas, ses parents sont aisés et on la voit même recevoir une certaine somme de la part de son père. En excluant l’aspect financier comme argument de prostitution, François Ozon ne plonge pas dans un cinéma social réprobateur. De la même manière, il ne sur-explique pas les motivations d’Isabelle par des éléments déclencheurs du passé (malgré la présence du psychiatre spécialisé dans l’adolescence).
15. Une nouvelle amie – 2014
Adapté de la nouvelle Une amie qui vous veut du bien (1985) de Ruth Rendell. Une nouvelle amie est une comédie dramatique réalisée par François Ozon en 2014. Commençant comme un nouveau film sur le deuil lorsque Claire perd sa meilleure amie, le film change radicalement lorsqu’elle découvre un jour que le mari de son amie se travestit. Comme à chaque fois, il normalise autant que possible le déguisement de David (le mari) pour lui donner une raison d’exister. Ce n’est pas son point de vue qu’on adopte mais bien celui de Claire, merveilleusement interprétée par la talentueuse Anaïs Demoustier. Ce sont ses réactions et sa trame existentielle qui dominent le récit, entre attraction et répulsion. En perdant sa meilleure amie, elle en découvre une nouvelle…
Logiquement nommé aux Césars, Romain Duris marque les esprits par son rôle. Comme à chaque fois, François Ozon évite le glauque, le malaise, le mélodrame. Et il joue plutôt avec le travestissement comme un déguisement amusant que pourrait concocter un enfant. Bien évidemment, derrière le déguisement se cache une quête d’identité, une réflexion profonde sur la dualité de l’être humain. Derrière la vie normale que peut mener une personne peut se cacher une vie parallèle, et il s’agit pour Une nouvelle amie de nous montrer la vraie identité, celle cachée et finalement assumée.
16. Frantz – 2016
La guerre est une thématique surexploitée au cinéma et il est facile de tomber dans ses travers. Le seizième film de François Ozon s’intitule Frantz et relate la rencontre troublante au sein d’un cimetière entre Anna (rendant visite à son fiancé mort lors de la Première Guerre mondiale) et Adrien (un français qui se recueille sur la tombe de son ami allemand). À l’aide d’un noir et blanc sombre et représentant l’état d’esprit de l’après-guerre, il peint l’espoir qui renaît petit à petit avec cette relation incongrue. Les blessures sont profondes, ouvertes et pourtant, Anna, allemande, et Adrien, français, s’attachent. Pour lui, il s’agit de se faire pardonner pour se pardonner soi-même, et pour elle, c’est l’unique moyen de faire son deuil.
Frantz est un film bouleversant, beau, poétique, mettant en scène un Pierre Niney sobre et une Paula Beer hypnotisante. On parlait plus tôt de quadralogie de la mort, et s’il s’agisait finalement d’une filmographie entière qu’il ne peut lâcher ?
17. L’Amant double – 2017
Après son drame historique en noir et blanc, François Ozon réalise L’Amant double en 2017. Un thriller dans lequel Chloé, une jeune femme en couple avec son thérapeute découvre qu’il lui a caché une partie de sa vie… Inspiré librement du roman Lives of the Twins de Joyce Carol Oates, il parvient à se hisser en compétition au Festival de Cannes. Il développe à nouveau la dualité. Mais cette fois-ci, elle est organique et ne vient, à première vue, pas de soi-même puisqu’elle concerne un jumeau maléfique.
Toujours dans l’originalité, François Ozon s’intéresse au phénomène médical méconnu du jumeau cannibale (le terme scientifique exact est ischiopagus). Assez explicité par la psychothérapie et l’état mental fragile de Chloé (l’excellente Marine Vacth), il est également question de réalité et d’imagination… Mais aussi de fantasmes et de peurs. Le travail à la photographie de Manuel Dacosse (notamment le directeur photo de Grâce à Dieu et Adoration de Fabrice du Welz) est presque un personnage à part entière de L’Amant double. Il livre des plans sublimes qui renversent souvent la hiérarchie entre les protagonistes.
18. Grâce à Dieu – 2018
On s’intéresse maintenant à son avant-dernier long-métrage intitulé Grâce à Dieu. Impossible de ne pas avoir entendu parler de ce film sorti en 2018. Assez intelligemment pour ne pas être censuré grâce à l’argument suivant en référé : « il n’invente ni ne dit rien qui n’ait déjà été porté à la connaissance du public par la presse, les livres ou les documentaires consacrés déjà à cette affaire », Grâce à Dieu relate le combat mené par les victimes d’abus sexuels sur mineurs dans l’Église via l’association La Parole Libérée.
Ce film social a une dimension quasi-documentaire. Par exemple, les noms des victimes ont été changés mais ceux du diocèse de Lyon ont été conservés). Un choix étonnant, après de nombreuses oeuvres de fiction. Un sujet ambitieux permettant aux spectateurs d’entrer en profondeur dans une actualité médiatisée, d’un oeil intimiste sans provoquer un malaise forcé. À l’aide de Melvil Poupaud, Denis Ménochet, Swann Arlaud (récompensé en tant que meilleur acteur dans un second rôle aux César), François Ozon aurait mérité d’obtenir le César du meilleur réalisateur.
19. Été 85 – 2020
Son dix-neuvième long-métrage s’intitule Été 85 et s’inspire du roman La Danse du coucou d’Aidan Chambers. À l’été 85 en Normandie, Alexis fait la rencontre de David, une rencontre qui va radicalement changer sa vie d’adolescent. Félix Lefebvre (énorme espoir masculin) et Benjamin Voisin sont accompagnés de Valeria Bruni Tedeschi et Melvil Poupaud. Été 85 est un film impossible à ne pas aimer pour les fans du cinéma de François Ozon. On y retrouve sa dualité, la sensualité de ses personnages, la normalisation de l’homosexualité. L’introspection d’un personnage et de l’époque dans lequel il se trouve… C’est tout le cinéma de François Ozon condensé dans ce film sans avoir l’impression qu’il n’est qu’une répétition de ses oeuvres précédentes.
20. Tout s’est bien passé – 2021
Avec Sophie Marceau, André Dussollier et Géraldine Pailhas
21. Peter von Kant – 2022
En réalisant cette oeuvre en miroir, d’un cinéaste à lui-même, François Ozon poursuit fondamentalement sa thématique sur l’amour-prison. Celui qui cherche à posséder et à mettre en cage, déjà entrevue dans Eté 85 ou l’Amant Double. Mais il parvient aussi, formellement, à renouer avec son cinéma originel, baroque et iconoclaste. Il prolonge de fait la vie et l’œuvre de Rainer Werner Fassbinder grâce à un Denis Menochet méconnaissable. Ce Peter Von Kant a tout d’une profession de foi.
22. Mon Crime – 2023
Réanimant le sous-genre hollywoodien de la screwball comedy (comédie loufoque), François Ozon livre avec Mon Crime une œuvre aussi surprenante que réjouissante.
En espèrant que cet article vous aura plu et qu’il vous donnera envie de plonger dans le cinéma de François Ozon. Si vous ne l’avez pas encore compris, c’est sans doute l’un des meilleurs réalisateurs français en activité.
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