Lars Von Trier en 6 films majeurs

Lars von trier Cineverse

Vous ne connaissez Lars von Trier que par ses frasques ? On résume sa filmographie pour vous.

Le réalisateur Lars von Trier, réputé pour ses polémiques et sa provocation, est aussi un des plus grands réalisateurs du siècle. Avec son style radical, sombre et pessimiste, il interroge la nature humaine dans sa noirceur la plus profonde. Prix du jury, Palme d’or, Meilleur film étranger aux Césars… Cinéaste profondément moraliste, son oeuvre s’analyse par ce prisme selon 6 films majeurs.

1. Breaking the Waves (1996) : Marriage Story

Breaking the Waves est le premier film de la trilogie Coeur d’or (avant Les Idiots (1998) et Dancer in the dark (2000)) et se caractérise par son pessimisme pour l’amour et le mariage. C’est son film le plus attaché à la religion et à l’importance des péchés par rapport à une communauté et une morale.

Bess (Emily Watson) se marie avec Jan (Stellan Skarsgard), lorsqu’il fait face à un accident, il devient paralysé. Lars von Trier marie l’innocence à l’expérience et développe l’Envie comme un trait de caractère qui s’est décuplé à cause de quelqu’un : ici, à cause de Jan. Il y a une double-envie dans ce film, une envie de Jan qui agrandit celle de Bess, un cercle vicieux et interminable où le sexe est un témoin et une preuve de l’amour, un amour pour dieu et un amour pour Jan qui a sans cesse besoin d’être alimenté. La religion a ici pour but de limiter cette envie mais il n’en est rien…

Lars von Trier dépeint une vision invincible de l’envie. On ne peut s’en libérer, et quand on s’en libère, on en souffre. D’après lui, il semble que nous sommes intrinsèquement lié à elle, dépendant mais nécessaire avant tout, même si les destins funestes et les nombreuses tragédies font partis des effets secondaires du péché. Peut-être est-il lui aussi atteint de ce péché, car en créant le Dogme95 (mouvement cinématographique), il a finalement cette envie de faire mieux que les autres en adoptant une vision plus radicale.


2. Dogville (2003) : Mes vies de chien

Dans Dogville, Grace (Nicole Kidman) est poursuivie par des gangsters et recueillie dans une petite ville américaine par une communauté soudée. Si les villageois sont bien au courant de l’existence des péchés (ils semblent croyants), ils font tout pour les oublier et les considérer comme de simples actes, oubliant le statut de vice et profitant pleinement du pouvoir conféré par la domination que peut engendrer l’Envie.

Dogville analyse la différence entre l’envie et le besoin. Pour rester dans la ville, Grace doit effectuer de nombreuses tâches superflues (jusqu’à en devenir exténuée) en travaillant à droite à gauche toute la journée. Si les tâches sont d’abord perceptibles comme du travail (payé), face au danger, les habitants décident d’augmenter la charge de travail tout en baissant sa paye. Un acte qui signe le début de la bassesse humaine et la décadence extrême de l’envie.

Là où elle devait s’occuper d’enfants, faire le ménage, apprendre à un homme à jouer aux échecs, elle devient désormais la bonne à tout faire, celle qui signe une bonne fois pour toute cette différence entre l’envie et le besoin. Les tâches ne sont donc plus des besoins, mais bien des envies, et comme toute envie, il y a une insatisfaction éternelle : l’esclave sexuelle qu’elle devient perd littéralement sa liberté (jusqu’à être enchainée par le cou) et les villageois n’ont plus aucune limite. Dogville représente au mieux la nature humaine dans sa forme la plus pessimiste, dans les dégâts moraux qu’elle inflige à sa victime.


3. Antichrist (2009) : Mon curé chez

Antichrist crée le scandale lors de sa sortie et sa projection au Festival de Cannes. Il lie en effet religion, sexe et violence. Ici, l’extrême douleur mentale se prolonge dans une violence physique insoutenable. Si l’envie de faire l’amour des personnages de Charlotte Gainsbourg et Willem Dafoe provoquent la mort accidentelle de leur fils, c’est elle qui provoque également la dégringolade dans les abysses de la violence.

C’est le sexe qui est au cœur des questionnements : l’envie est réprimée, très durement (la bûche sur le pénis du personnage de Dafoe en atteste, tout comme le clitoris et les lèvres du personnage de Gainsbourg. C’est une mort à l’envie, une envie qui est meurtrière et qui rend la violence obligatoire, même dans cette thérapie qu’il tente d’effectuer et dans sa résolution finale…


4. Melancholia (2011) : L’envie d’avoir envie

Justine (Kirsten Dunst) doit se marier, et elle agit justement comme une personne qui a totalement exorcisée l’envie. Quoi de mieux pour faire barrage à ce péché qu’en développant un état dépressif ?

La mélancolie dont souffre Justine empêche totalement le simple désir de posséder le bien d’autrui. Pour preuve, elle ruine son mariage sans le regretter, elle fait face à l’apocalypse sans en avoir peur. Cette non-envie (à la fois de posséder un bien, mais également de produire ne serait-ce qu’un simple désir), cette indifférence au monde, produisent des dégâts moraux considérables à sa propre personne… et au monde entier.

5. Nymphomaniac (2013) 

Le très long (5h) Nymphomaniac s’intéresse à la vie sexuelle de Joe (Charlotte Gainsbourg). Si le sexe est une force majeure de son cinéma, il l’exploite ici pleinement en mettant en avant de nombreuses scènes explicites et en exposant un trouble du désir rare qui est la nymphomanie. Il pose alors, logiquement, des questions d’insatisfaction et de cette recherche interminable et constante du plaisir.

A partir du moment où elle en veut toujours plus, on peut facilement la lier à l’envie qui prédomine sa vie (ce n’est pas une simple phase puisqu’on l’a voit plus jeune grâce au personnage de Stacy Martin). L’envie et l’amour pour le sexe sont intimement liés, comme une relation plus globale, toutes les relations sexuelles appartiennent à quelque chose de plus grand, de plus fort, de plus insatisfaisant.

6. The House that Jack built (2018) : La cabane au fond des bois

The House that Jack built mêle l’immoral et la violence à l’écran. Lars von Trier s’intéresse à l’envie en tant que moteur et essence de la créativité (aussi sombre soit-elle). Jack (Matt Dillon) est un tueur en série qui sévit dans l’Etat de Washington des années 70 à 80. Un tueur en série qui nous plonge dans cette réflexion sur l’envie, la mort, mais aussi cette descente vertigineuse dans la religion. Verge lui apparaît et le guide en Enfer (Virgile en réalité qui guide Dante).

Cette descente aux Enfers surprend, aussi bien dans un contexte narratif, poétique ou visuel. La figure du tueur en série est étudiée, quelques minutes sont même dédiées à la pulsion, et on voit l’envie de Jack prendre le dessus à la fin de chaque meurtre, parce que pour lui, chaque meurtre est un art. La violence est présente à l’écran à cause de son envie de vouloir toujours plus, de faire toujours mieux, ce qui provoque des scènes choquantes… et donc inoubliables.

1 thought on “Lars Von Trier en 6 films majeurs”

  1. Pingback: Pauvres créatures, le fiancé de Frankenstein - MaG

Laisser un commentaire