Trois ans après son controversé Silvio et les autres, Paolo Sorrentino, cinéaste de l’oscarisé La Grande Bellezza, est de retour avec un film qu’il décrit comme étant son plus personnel. Distribué sur Netflix, La Main de Dieu (È stata la mano di Dio) est une ode à la liberté, la famille, le cinéma italien et à sa ville natale.
Portant le nom de cette fameuse remarque de Diego Maradona sur son but de la main contre l’Angleterre en 86, La Main de Dieu raconte de l’histoire de Fabietto Schisa, un adolescent mal dans sa peau vivant dans une famille napolitaine haute en couleurs, mais dont le quotidien va se retrouver bouleversé par un drame et par la légende planétaire du football.
Balade Napolitaine
Après une ouverture aérienne sur la baie de Naples, c’est lors d’un repas de famille théâtral et hilarant que Sorrentino dévoile sa galerie de personnages aux identités très marquées, mais instantanément attachants. On y retrouve son acteur fétiche Toni Servillo en patriarche, mais aussi la délicieuse Teresa Saponangelo en mère au caractère au bien trempé ainsi que leurs trois enfants dont l’ingénu Fabietto joué par Filippo Scotti, offrant une vision autobiographique du jeune Sorrentino. Entre la magnifique mais malheureuse tante Fabrizia, le grand-père aigri ou encore la grande tante bourrue portant une fourrure en plein été, le réalisateur italien fait du portrait de ce clan napolitain celui d’une famille universelle. Les rires, les insultes, les cris et les disputes amicales nous plongent au cœur d’une énergie qui nous est familière en un instant.
Paolo Sorrentino filme Naples avec tendresse et transforme cette simple toile de fond colorée en personnage important dans l’évolution de Fabietto. Le port, les balades nocturnes et les immeubles vieillissants du centre-ville sont magnifiés sous l’œil du réalisateur et de la directrice de photographie Daria D’Antonio. Malheureusement, cette vie paisible prend une tournure plus tragique quand un drame force Fabietto à dire adieu à l’enfance. A travers lui, le réalisateur revient sur ces jeunes années et son désir naissant de cinéma pour combler le vide à l’âge de 16 ans.
Du drame à la vocation
Paolo Sorrentino mêle sa tragédie personnelle à sa passion pour le footballeur de légende Maradona. La mort va fracturer l’équilibre de la famille et de Fabietto qui recherche alors comment donner un sens à sa vie et comment se construire en tant qu’homme. Errant dans les rues de Naples et enchainant les rencontres, il va s’aventurer sur son propre chemin et observer ce monde qui l’entoure sans vraiment le comprendre jusqu’à se découvrir une passion pour le cinéma. Lors d’un échange violent avec Antonio Capuano, le réalisateur napolitain le pousse dans ses retranchements pour révéler sa vocation et Fabietto réalise alors qu’il a quelque chose à raconter. Son regard terni par la mort va se transfigurer en ambition artistique. Il veut créer pour pallier la douleur et utiliser la beauté de l’art pour combler l’ennui de la réalité.
Loin de la grandiloquence de La Grande Belleza, mais toujours ponctué d’envolées Felliniennes, La Main de Dieu se révèle être le film le plus sage et intime de Paolo Sorrentino. Une œuvre nostalgique et vibrante sur la famille, le deuil, l’errance de l’adolescence et la difficulté de trouver sa voie. Sans doute l’un des plus beaux films de cette année et de son réalisateur.