La France nous montre une nouvelle fois qu’elle peut se démarquer en terme de cinéma : après le succès du Règne Animal de Thomas Cailley ou encore la proposition de Just Phillipot pour son film Acide. C’est Bertrand Bonello qui propose avec La Bête un film romanesque à travers le temps et les genres.
En adaptant librement la nouvelle de Henry James : « La Bête dans la jungle » (déjà adaptée en 2023 par Patric Chiha, avec Anaïs Demoustier) Bertrand Bonello plonge son spectateur dans 3 époques différentes : que l’on soit en 1910, 2014 ou encore 2044, c’est une expérience à part entière à vivre en salles dans La Bête.
« Dans un futur proche où règne l’intelligence artificielle, les émotions humaines sont devenues une menace. Pour s’en débarrasser, Gabrielle (Lea Seydoux) doit purifier son ADN en replongeant dans ses vies antérieures. Elle y retrouve Louis (George MacKay), son grand amour. Mais une peur l’envahit, le pressentiment qu’une catastrophe se prépare. »
Un mélange des genres
Au fil de notre rencontre avec le réalisateur, Bertrand Bonello aborde avec précision son désir de « confronter et marier la peur et l’amour »
Ce désir se retrouve dans la multitude de genres que propose le film : l’oeuvre débute en 2044 dans un monde futuriste où l’intelligence artificielle demeure importante dans la vie des individus. Gabrielle (interprétée par Léa Seydoux) va devoir retourner dans ses vies antérieures pour purifier son ADN, et enlever toutes émotions.
Oncle Bonello, celui qui se souvient de ses vies antérieures
Retourner dans sa vie antérieure, oui, mais quand ?
Tout d’abord en 1910 : dans cette époque, Bertrand Bonello souhaitait un genre « romanesque » dont l’intention était d’ailleurs d’inclure certains dialogues en anglais, représentant la sensualité des 2 protagonistes : Gabrielle et Louis (interprété par George MacKay).
Tandis que la période en 2014 se situe aux Etats-Unis, le genre romanesque disparaît pour passer sur du slasher : créer de la tension, de la crainte dans une villa californienne peuplée de caméras de surveillance.
Une direction artistique minutieuse
Le mélange des genres est rejoint par une direction artistique minutieuse. En effet, le réalisateur nous a confié les dessous du tournage considéré pour lui comme « physiquement compliqué avec 40 jours de tournage « .
La Bête propose une esthétique soignée : on peut penser par exemple aux scènes dans les boites de nuit qui outre leurs spécificités uniques (sur le choix des chansons) propose un éclairage élégant rempli de néons bleus, rouges et verts (qui peuvent rappeler dans une certaine mesure l’esthétique d’un John Wick 4 par exemple).
L’échelle des plans également diffère en fonction des époques : le présent du film (se situant en 2044) propose un format carré. Selon le réalisateur, ce choix a été fait pour montrer ce « futur aseptisé qui enlève de l’air ». Cependant, en 1910, le plan est élargi et est d’ailleurs filmé en pellicule (à la différence de 2014 et 2044 filmé en numérique).
La photographie et le son sont également un vrai atout pour l’oeuvre, permettant l’immersion pour le spectateur n’ayant pas de point de vu omniscient (il est au même niveau que le personnage) dans ce sentiment mystérieux. Le spectateur peut même parfois ressentir un montage fait en direct devant soi avec des bugs dans l’image etc..
Un puzzle façon Cloud Atlas
Pourtant, rien n’est ici improvisé ou accidentel. Bertrand Bonello affirme en note d’intention que « Tout est vraiment écrit sur le scénario (…) très très précis ».
Le spectateur se laisse emporter en ayant conscience que la compréhension du scénario n’est pas totalement claire. Il faut voir le film comme un puzzle entrain de se faire : chaque pièce du puzzle permet de compléter cette histoire.