Indomptables de Thomas Ngijol : Pour la lose d’un flic

Présenté à la Quinzaine des cinéastes du 78e festival de Cannes, Indomptables de Thomas Ngijol brosse le portrait d’un commissaire de police camerounais paumé dans son enquête et dans sa vie familiale.

Tout échappe au commissaire Billong. Ses suspects, sa femme, ses enfants, les aléas d’un Cameroun en voie de développement comme les coupures d’électricité ou les tracas administratifs d’un système de santé encore fragile… Le décor d’Indomptables est planté.

Le deuxième long métrage réalisé en solo par Thomas Ngijol est librement inspiré du documentaire Un crime à Abidjan (1999) de Mosco Boucault, dans lequel on suit le commissaire Kouassi au cours d’une véritable enquête visant à élucider le meurtre d’un officier de police judiciaire. Le film est-il cette fois une réussite, qui plus est au Festival de Cannes ?

« À Yaoundé, le commissaire Billong (Thomas Ngijol) enquête sur le meurtre d’un officier de police. Dans la rue comme au sein de sa famille, il peine à maintenir l’ordre. Homme de principe et de tradition, il approche du point de rupture. »

Why Not Productions

Inspiré d’une histoire vraie

Même crime, même intrigue transposée de la Côte d’Ivoire au Cameroun, dans le film de Thomas Ngijol. Avec là encore des moyens et des principes rudimentaires adoptés pour parvenir à ses fins.

Dans IndomptablesBillong, interprété par le réalisateur himself doublé de son éternelle nonchalance, doit en plus composer avec une cohésion familiale à rebâtir. Au bout de multiples mésententes, la fille aînée a préféré fuir le marasme pour trouver refuge auprès de ses amis. Le deuxième enfant, pas des plus virulents, insulte ses professeurs. Forcément, les maladresses éducationnelles du père exaspèrent la mère, ajoutant toujours de l’huile sur le feu du conflit permanent.

Les trois plus jeunes doivent subir, hébétés, l’ensemble de ce spectacle navrant qu’ils cherchent tant bien que mal à esquiver au travers d’une glace ou d’un épisode du Burger King camerounais. Sur le plan professionnel, le commissaire Billong bute sur chacun de ses suspects comme autant de fausses pistes. Il faut dire qu’il n’est pas aidé par son équipe de pieds nickelés, plutôt concernés par les combats de MMA de la gloire locale Francis Ngannou.

Le gang des Pieds Nickelés

Il y a quelque chose de très réjouissant dans l’intention de Ngijol de sortir des sentiers battus par le genre policier et la comédie, avec des dialogues minutieusement écrits sans verser dans l’excès de vannes trop faciles. Le résultat est un humour pince-sans-rire versé çà et là à petites doses dans quelques répliques bien senties, même si contrairement à Case Départ (coréalisé avec Fabrice Éboué et Lionel Steketee) par exemple, le registre grave finit par prendre le dessus.

Le hic, toutefois, réside dans la durée du film, qui n’est que de 1h20. C’est trop peu pour à la fois dépeindre rigoureusement un marasme familial et pour survoler une enquête sur le papier exaltante. Cette dernière, qui longtemps fait du surplace, connaît trop soudainement son dénouement.

La réconciliation familiale donne aussi cette amère sensation. Dans Indomptables, l’écueil est peut-être d’avoir voulu traiter d’une durée équitable la vie privée et la vie professionnelle de Billong, ce qui occasionne un déséquilibre général plutôt que l’inverse.

Réalisme socialo-comique

Néanmoins, il faut saluer la finesse d’esprit et l’audace de Thomas Ngijol qui nous offre, mine de rien, un long métrage cocasse et atypique. Ce qui fait avant tout la force du film, c’est donc son ton réaliste qui dresse un portrait implacable de la société camerounaise à travers le regard d’un homme au bord de la rupture.

L’œuvre explore intelligemment les tensions entre forces de l’ordre et communautés locales dans un geste rappelant Les Misérables de Ladj Ly, la corruption régnante et les dilemmes moraux des protagonistes confrontés à la violence et à l’injustice.

Le comédien et réalisateur Thomas Ngijol brille avec sa mise en scène sobre, immersive et ancrée dans un réalisme social pour ouvrir les yeux du spectateur face aux dysfonctionnements prégnants au Cameroun. Indomptables reflète l’ambition de rupture de Thomas Ngijol, plutôt habitué aux comédies. Nul doute que l’on a envie de très vite le revoir caméra au poing… avec des films plus denses peut-être ?

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