Pneu-tueur-en-série dans Rubber et mouche géante dans Mandibules : chaque nouveau film de Quentin Dupieux est une surprise. Incroyable mais vrai ne déroge pas à la règle et ravira grandement les fans de ce réalisateur si singulier qui s’impose une nouvelle fois comme le champion de la comédie absurde.
Dans Incroyable mais vrai, Alain (Alain Chabat) et Marie (Léa Ducker), emménagent dans une maison qui a une certaine particularité : dans la cave se trouve une trappe ouverte sur un mystérieux trou qui va déstabiliser leur couple et bouleverser leur existence…
Blague à retardement
Incroyable mais vrai débute par un montage alterné où l’on découvre Alain et Marie, couple de quinquagénaires à la recherche d’un habitat en banlieue. Pendant la visite d’une maison en apparence banale, l’agent immobilier leur parle d’une mystérieuse trappe située dans la cave. Quentin Dupieux s’amuse d’abord à maintenir le suspense dans des dialogues interminables, et comme dans les différents teaser du film, va même jusqu’à couper les scènes brutalement avant toute révélation. Un running gag ludique qu’il distille tout au long du film pour mieux jouer avec l’impatience de ses personnages et l’imagination du spectateur.
Une fois le secret de la trappe révélé, c’est au tour du couple d’amis formé par Jeanne (Anaïs Demoustier) et Gérard (Benoît Magimel) de mettre 5 minutes à faire une annonce improbable dans une scène de diner-embrouille absolument hilarante. On peut penser que la plupart des dialogues sont improvisés, mais c’est surtout le talent d’écriture de Quentin Dupieux et son sens précis du timing comique qui donnent vie à ces discussions toujours plus absurdes.
Comme à son habitude, le réalisateur s’entoure d’un excellent casting. Alain Chabat (qu’il avait déjà dirigé dans Réalité) est parfait en mec lambda et l’impassibilité de son personnage devient presque touchante face à l’obsession destructrice de Léa Drucker pour cette mystérieuse trappe dans la cave. D’ailleurs, parlons-en de cette trappe, une idée géniale, mais peut-être pas autant que l’interprétation de Benoît Magimel, hilarant dans un rôle de beauf macho à la virilité fébrile. Mais revenons-en plutôt à la fameuse trappe.
Un trou sans fond
Le mystère de la cave est un prétexte pour explorer des thématiques philosophiques inédites dans l’œuvre du réalisateur. À travers ses deux duos et les évènements absurdo-fantastiques de l’intrigue, il aborde l’effet du temps sur le corps, l’amour, le couple, mais aussi le culte de l’apparence et de la performance. Malheureusement, si le pitch de départ est intrigant, on constate que Dupieux à un peu de mal à approfondir son sujet, qui tourne rapidement à vide.
Résultat : dans ses dernières minutes, Incroyable mais vrai troque ses dialogues contre un montage de saynètes muettes accompagnés d’un fond musical. Le temps s’accélère et condense toutes les interrogations du cinéaste, avant de conclure subitement sur un hommage à Buñuel. On se demande alors si tous ces dialogues interrompus et ces explications retardées ne serviraient pas plutôt à camoufler un film qui n’a finalement pas grand-chose à dire.
Avec Incroyable mais vrai, Quentin Dupieux navigue habilement entre absurde et surréalisme et nous plonge à nouveau dans son univers si fantasque. La satire sur le vieillissement et la vanité est intéressante, mais les réflexions du réalisateur ne vont jamais jusqu’au bout et nous laisse le sentiment d’un film inachevé, voire bâclé. Reste un casting amusant porté par un Benoît Magimel absolument génial !