Une affiche colorée, des personnages qui sourient tout en profitant du soleil. On pourrait croire qu’avec In the summers, Alessandra Lacorazza nous offre le film familial “feel good” de l’été. Préparez vous plutôt à plonger dans un monde de paradoxes et de complexité.
Il n’est jamais aisé de se lancer, de réaliser son premier long-métrage. Alors imaginez que la base de celui-ci s’inspire en grande partie de votre propre histoire. Voilà l’exercice dans lequel s’est lancée Alessandra Lacorazza, la jeune réalisatrice américano-colombienne repérée avec le court-métrage Mami (2019). Avant Lacorazza, Charlotte Wells avait elle aussi mis beaucoup de soit dans son Aftersun. Et on peut dire qu’In the summers suit un peu les traces de l’oeuvre portée par Frankie Corio et Paul Mescal, puisque les deux long-métrages ont triomphé au festival de Deauville.
« Violeta et Eva rendent visite chaque été à leur père Vicente, à la fois aimant et téméraire. Il crée un monde merveilleux mais, derrière la façade enjouée, lutte contre l’addiction qui érode progressivement la magie. Vicente essaie de réparer les erreurs du passé, mais les plaies ne sont pas faciles à refermer. »

Voyage en terres complexes
« J’ai compris que mon père était d’une plus grande complexité que ce que j’imaginais, que c’était un homme blessé mais qui avait aussi un amour profond pour ses filles. Mon but était d’étudier cet homme qui, pour le meilleur ou pour le pire, a été à l’origine de tant de choses en moi ». Le postulat de départ posé par Alessandra Lacorazza quand elle parle du processus de création d’In the summers est limpide. Alors, comment a-t-elle fait pour retranscrire cela à l’écran ?
Aussi à la baguette du scénario, elle fait le choix de construire son histoire en quatre actes. Chacun s’ouvre sur un plan fixe, tel une nature-morte moderne fourmillant de détails du quotidien. On suit Violeta et Eva, enfants, adolescentes puis adultes, évoluer dans les décors de la ville de Las Cruces et du Nouveau-Mexique, magnifiés par la photo d’Alejandro Mejia. Sans beaucoup plus d’éléments de contexte, nous allons vivre à travers le prisme de chacun des personnages des bouts d’été qui resteront gravés, pour le meilleur et pour le pire.
Si Lacorazza maîtrise forcément ces thèmes presque universels de la monoparentalité, de l’enfant face à la rupture du couple et de ce que cela implique dans son quotidien, l’appareil narratif s’essouffle rapidement. C’est touchant, poétique mais on peine à s’attacher réellement aux personnages, là où il était facile de le faire pour Moonee dans The Florida Project. Peut être que le procédé décousu en quatre actes y est pour quelque chose.
Un casting de jeunes pousses au diapason
Un constat paradoxal, tant le casting étoffé est la grande force du film. Le processus de création, libre, patient, décrit par Lacorazza dans son entretien accordé à The Moveable Fest y est sans doute pour beaucoup :
“Si nous tournions une scène très émouvante, j’invitais Lio (Mehiel), qui joue Violeta adulte, sur le plateau pour qu’il puisse s’imprégner de ce souvenir. J’ai également demandé à tous les acteurs d’entrer dans la maison, seuls, à différents moments. Il était important qu’ils puissent s’imprégner de l’espace de sorte que lorsqu’ils tournaient une scène dans cette même pièce plus tard et que la maison avait changé, ils puissent se souvenir de la façon dont elle a changé et de ce qu’ils auraient pu ressentir à l’époque où ils étaient plus jeunes”.
On savoure le rôle du père joué par René “Residente” Pérez Joglar. Ce dernier trouve ici un premier rôle au cinéma, tout en nuances, lui le chanteur portoricain multi récompensé aux Grammys. On pense aussi aux différents duo d’actrices (Luciana Quinonez/Dreya Castillo, Allison Salinas/Kimaya Thais Limon, Sasha Calle/Lio Mehiel) qui se succèdent devant la caméra, sans accroc à l’évolution des sentiments, des rancœurs et des attentes qui s’étiolent avec le temps.
