How to Have Sex de Molly Manning Walker : Un drame britannique démystifiant

Molly Manning Walker How to have sex

Grande lauréate de la catégorie Un Certain Regard et de la Queer Palm au Festival de Cannes 2023, Molly Manning Walker nous offre en premier long métrage un drame adolescent britannique totalement captivant : How to Have Sex.

Avec How to Have Sex, Molly Manning Walker n’en est pas à son premier essai dans le domaine de la réalisation.  Par le passé, la Semaine Internationale de la Critique avait sélectionné son court métrage de 13 minutes : Good Thanks, You ? au Festival de Cannes 2020. La réalisatrice a ainsi à cœur de retranscrire les agressions sexuelles subit par des jeunes femmes adolescentes et les conséquences visibles (ou invisibles) qu’elles occasionnent.

“Trois adolescentes britanniques partent en vacances pour un rite de passage : elles boivent, sortent en boîte et se mettent en couple, alors que ce devrait être le meilleur été de leur vie.”

Scène de How to Have Sex. Tara est débout, au milieu d'une foule bruyante et délirée, et remplit d'une sentiment de solitude extrême.
@Condor Films

Un fardeau hors norme

Molly Manning Walker décrit le rapport qu’ont les jeunes femmes aux relations charnelles. La réalisatrice soulève, de ce fait, une question primordiale. Qu’est-ce que le consentement et comment s’intègre-t-il face à la pression sociale qui les affecte ? Tara, son personnage principal, est vierge de toutes relations sexuelles. Chacune de ses interactions le lui rappelle et s’ajoute à la lourde charge mentale qui s’accumule sur ses épaules. Par opposition à Tara, Molly Manning Walker introduit deux autres jeunes femmes beaucoup plus aguerries à ce niveau. Malheureusement, elles seront loin d’être un soutien. Skye et Em favorisent directement et indirectement (respectivement) le retranchement de Tara dans ses agissements.

Ainsi, au-delà de toute volonté et de toute croyance, Tara tombe fatalement dans l’attitude qu’elle pense attendue d’elle par la société. Molly Manning Walker ne cache jamais son intention de représenter l’acte impardonnable, mais évoque avec attention toutes les facettes et la subtilité perverse qui y amène et voire ne permet pas d’y échapper. De ce fait, lors du premier rapport sexuel de Tara, la réalisatrice joue sur la faible nuance de son approbation. Le personnage ne vocalise aucunement son véritable ressenti face à la situation dans laquelle elle se retrouve. Car celui-ci est piétiné par la pression qu’elle subit.

Un pamphlet déconcertant

De même, Molly Manning Walker dépeint l’insouciance de la jeunesse qui s’accompagne inexorablement d’une quête d’appartenance. Elle introduit ses personnages à une période déterminante de leur vie. En bon film d’adolescent, How to have sex est l’exposé d’une vie de liberté où tout semble permis et où l’on peut être qui on veut. Tout en démontrant que cette liberté est différente selon les genres et possède ainsi des conséquences distinctes. Les hommes “objectifient” les femmes et sont habitués à disposer du corps de celles-ci comme ils le souhaitent. En outre, certains sont des acteurs indirects de v*ol et le justifient, tandis que ces jeunes femmes crient de souffrance. Cherchant absolument à plaire, ces dernières réitèrent des comportements qu’elles glorifient et qu’elles pensent glorifiants. Puisqu’elles sont, injustement, en « compétition » l’une contre l’autre.

De ce fait, How to have sex souhaite responsabiliser. Il plonge le spectateur, indubitablement, dans un drame qui suscite le questionnement, en dépit de cette ambiance festive omniprésente et de cet humour décalé « british » qui semblent apporter au film un côté estival.  Effectivement, la réalisatrice donne enfin de l’importance à des actes qui ont été pendant trop longtemps tus et normalisés. Le film parle à ce jeune sommeillant en chaque spectateur qui peut ainsi s’identifier et s’interroger sur ses propres agissements et pensées sur le sujet. Il s’agit d’un film de transition assez brutal allant de l’âge de l’imprévoyance à l’âge soucieux.

Une mise en scène captivante

Qui plus est, Molly Manning Walker reflète brillamment les émotions de ces personnages principaux par le biais de sa scène. C’est l’ambiance extérieure qui matérialise ce qu’ils ressentent et par moments, les rues sont aussi vides de monde que le regard de Tara est vide d’espoir. Pareillement, certains plans fixes sont subtils et se refusent de montrer les scènes dans leur entièreté. Ils se concentrent davantage sur les expressions faciales immanquables et compréhensibles. Par ce procédé, la réalisatrice crée ainsi un étau physique et émotionnel, qui mime et transmet au spectateur l’enfer dans lequel Tara tombe irrévocablement. Ces quelques effets horrifiques emprunté au genre, évitent de tomber dans la représentation crue et facile du crime. Pour un premier long métrage, ces plans restent classiques, mais ils apportent tout de même l’effet recherché.

Parallèlement, les différences de colorimétrie et d’exposition sont ingénieusement utilisées. Elles intensifient ces dissemblances d’évolution que connaissent respectivement les trois jeunes héroïnes de ce récit. Malgré sa proximité indéniable avec ses meilleures amies et le surpeuplement de son lieu de vacances, Tara endure une solitude oppressante. Elle ne peut que très peu se confier à celles-ci sur l’agression dont elle été victime. De nouveau, Molly Manning Walker permet au spectateur de se reconnaitre dans ces agissements opposés. Afin de toujours l’interpeller à mieux faire.

En somme, How to Have Sex est riche de sujet et de thématiques familiers aux femmes. Dépeignant un crime irréparable, Molly Manning Walker nous montre comment celui-ci altère irrémédiablement le cours de la vie de son personnage principal. Le film est troublant de justesse et de subtilité.

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