Dans Holler, Ruth et son frère vivent dangereusement pour subvenir à leurs besoins. Alors que les industries manufacturières américaines périssent, elle est résolue à changer de vie lorsqu’elle décroche une place dans une université…
Le festival du cinéma américain de Deauville s’est engagé à une meilleure parité et à soutenir de jeunes cinéastes. Après un court-métrage sorti en 2016, Nicole Riegel l’adapte et en fait son premier long-métrage intitulé Holler. Elle met en avant Jessica Barden, Gus Halper et Austin Amelio dans un drame social assez banal.
Lors d’un discours il y a deux ans, Donald Trump faisait les louanges du parti républicain en répétant les mots suivants : « Jobs, jobs, jobs ». Au début du film, les personnages entendent son discours à la radio. Quelques instants plus tôt, nous les voyons voler des détritus pour les revendre malgré le dur travail qu’ils accomplissent la journée en tant que manufacturiers.
Critique cinglante et plutôt logique du gouvernement de Trump sans la marteler, Holler est surtout un drame social qui se construit comme un film de Ken Loach dans l’état d’Ohio. De la même manière qu’elle fait l’exposition de Ruth (son personnage principal), on découvre qu’ils ne peuvent exister sans la ville, essentielle à notre compréhension de la vie qu’ils mènent. Nicole Riegel filme les lieux qui hantent les personnages. De l’usine désaffectée où ils travaillent au loyer qu’elle et son frère ont du mal à payer, il en découle une esthétique chirurgicale, froide, et qui nous fait définitivement comprendre que la vie qu’ils y mènent n’est pas idéale. En tournant quasi intégralement le film en caméra épaule, elle capture des moments éphémères et dans un mouvement constant (le chat étant l’exemple parfait d’un moment qui ne peut rester figé).
Un monde repoussant qui nous perd dans sa seconde moitié, malgré l’utilisation intelligente du Super 16mm qui confère au métrage un aspect naturel et l’imprègne d’une poésie réaliste, comme pour montrer cette communauté abandonnée par le reste du pays et livrée à elle-même. Malheureusement, la thématique pertinente de l’affranchissement de sa classe sociale par l’éducation est trop rapidement délaissée au cours du récit, au profit des intrigues liées au travail des personnages. Lorsque le film se termine, Ruth va de l’avant en se détachant de son passé, soutenu par une musique (un travail musical des cordes particulièrement touchant dans son intégralité) enjouée. Mais comment comprendre son choix lorsque les intrigues (sa fac, son travail, sa mère…) s’entremêlent jusqu’à ne plus distinguer leur origine ?
Un premier film engagé pour ses choix de réalisation (le Super 16mm) qui équilibre difficilement les trames pour donner au film le poids idéal.