Figurant dans la liste des best-seller du New York Times en 2016 et 2017, le livre autobiographique Hillbilly Elegy (Une ode américaine) écrit par James David Vance (auteur et homme d’affaire) séduit les lecteurs par son habile explication des valeurs Appalaches et des problèmes sociaux qui régissent l’Ohio.
Annoncé comme une catastrophe par les premiers retours presse, Hillbilly Elegy (Une ode américaine) est loin d’être le désastre annoncé par certains journalistes. Il y a quelques années, les débats autour du cinéma se focalisaient en grande partie sur la présence d’une plateforme comme Netflix dans des grands festivals et cérémonies. Aujourd’hui, les journalistes ne discutent plus et ne débattent plus mais détruisent des films pour la seule et unique raison qu’ils semblent calibrés pour mener campagne aux Oscars. Dès lors, la question se pose : être un Oscar bait fait-il d’Une ode américaine un mauvais film ?
À deux doigts de décrocher le stage de ses rêves, un étudiant en droit du nom de J. D. Vance se voit contraint de retourner dans sa ville natale afin d’aider sa mère qui a cédé à nouveau à son plus gros vice : la toxicomanie.
Je suis dans un état proche de l’Ohio
Malgré la crise sanitaire qui a impacté l’année 2020 et handicapera une partie de l’année à venir, la qualité des films présentés n’en demeure pas moins jubilatoire et de haut niveau. À quatre mois des Oscars 2021, certains films comme Nomadland de Chloé Zhao, Mank de David Fincher, The Trial of the Chicago 7 d’Aaron Sorkin ou encore Minari de Lee Isaac Chung semblent favoris à l’obtention d’une future nomination. Aujourd’hui, on vous parle d’un film qui est critiqué pour ce qu’il semble être au lieu de ce qu’il est vraiment. Disons le tout de suite pour en être débarrassé : oui, le film cumule les éléments qui font de lui un film parfait pour les Oscars (sans oublier la présence bénéfique de Ron Howard derrière la caméra, Oscar du meilleur réalisateur pour Un homme d’exception en 2002), mais il est bien plus que cela.
Si certains éléments comme la narration et le scénario peinent à réinventer le drame américain, Une ode américaine parvient à nous saisir grâce à sa mise en scène et à ses personnages. La narration qui joue entre le passé et le présent est classique, mais les transitions d’une époque à une autre sont toujours justifiées et représentent l’introspection de la vie d’hier pour montrer les impacts sur celle d’aujourd’hui. À travers la mise en scène déployée par Ron Howard, on comprend qu’il dépeint un monde conflictuel et dans un changement constant. Chaque environnement a sa propre dynamique et est régit par des codes différents qui nécessitent une acclimatation et parfois des connaissances que ne possède pas J.D. Vance.
Des confrontations systématiques
Certaines séquences en particulier, filmées avec entrain plaident cette cause, mais c’est en réalité tout le film qui suit cette logique. Il y a sans interruption une opposition entre les personnages, les idées, les mentalités qui accentuent l’effervescence de notre époque et plus particulièrement la nervosité de l’Amérique. Des situations normales et à première vue positives, finissent souvent en confrontation.
J.D. Vance est sans cesse tiraillé d’un côté puis d’un autre sans savoir vers lequel pencher : qu’il soit en soirée mondaine ou dans son patelin, la mentalité urbaine et rurale divergent, et sa profonde gentillesse décuple l’attachement quasi-immédiat qui se crée entre lui et nous (les acteurs adolescents et adultes de ce personnage étant aussi bons l’un que l’autre).
Amy Adams exceptionnelle
Ainsi, Ron Howard refuse de poser la caméra et attendre que les situations se déroulent, comme lors d’une scène d’enterrement filmée avec une énergie à réveiller les morts. Glenn Close (la grand-mère de J.D. Vance) et Amy Adams (la mère de J.D. Vance) livrent deux des plus belles performances de l’année, dans une intensité et une sensibilité qui finira par mouiller vos yeux, et espérons-le, viendra offrir à Amy Adams sa toute première statuette dorée.
C’est en particulier le personnage d’Amy Adams qui nous marque par son imprévisibilité mais également par le lien qu’on parvient à créer avec malgré ses nombreuses erreurs et crises auxquelles on fait face près de deux heures. On pourra noter une absence quasi-totale des traditions de l’Appalache pour se consacrer entièrement aux relations familiales entretenues avec ses grands-parents, sa mère et aussi sa soeur (interprétée par Haley Bennett).
Si le constat de départ du film semble déprimant, Une ode américaine ou Hillbilly Elegy est une ode à la vie, à la compréhension et à la construction de sa propre identité. C’est le passé qui fait de nous ce que l’on est aujourd’hui, mais ce sont surtout les actes qui changent le cours de notre destin.
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