Dans Grève ou crève, le réalisateur Jonathan Rescigno propose un portrait multiple d’une ville marquée par son passé de luttes sociales. Par le témoignage de jeunes en quête d’un avenir meilleur jusqu’à celui de l’ex-mineur, il apparaît clair que ce sont les vestiges de la lutte d’hier qui nourrissent celles d’aujourd’hui.
Pour cette neuvième édition, le Champs-Elysées Festival propose une programmation documentaire résolument engagée et ancrée dans l’actualité. Après 17 Blocks, centré sur le quotidien d’une famille afro-américaine en proie à la pauvreté et à la violence puis Le Kiosque qui évoquait les affres d’un métier durement impacté par la crise du secteur de la presse écrite, Grève ou Crève est un film qui propose un subtil parallèle entre les luttes d’hier et celles aujourd’hui.
A l’heure où la convergence des luttes est encore un sujet tabou et ô combien difficile à faire entendre, le réalisateur Jonathan Rescigno démontre avec Grève ou crève que ce sont bien les luttes du passé qui nourrissent celles du présent. Le documentaire situe son sujet à Forbach, ville de tradition minière qui fut l’un des principaux théâtres des grèves ouvrières de 1995. On y suit plusieurs destins fondamentalement différents, mais qui sont – chacun à leur manière – tous fortement influencés par les évènements de 1995.
La caméra s’attarde tour à tour sur le quotidien de deux jeunes qui errent dans les fêtes foraines de Forbach en évoquant leurs projets de vie, leur volonté d’élévation sociale, mais aussi la difficulté d’être considéré professionnellement au même niveau qu’un blanc lorsqu’on est arabe ; celui d’un ex-ouvrier en proie à un litige avec son patron suite à un accident du travail ; celui d’un ancien mineur qui conserve sans relâche les preuves de son engagement dans la lutte ouvrière de 1995… et sur tant d’autres encore.
A travers ces destins, le réalisateur prouve qu’à Forbach, la lutte perdure malgré la désindustrialisation du territoire. Si aujourd’hui, la condition minière n’en est plus l’objet dans nos sociétés contemporaines, cette lutte sociale a su évoluer et prendre des formes diverses. Grève ou crève nous montre que la violence symbolique s’exerce encore de nos jours, malgré toutes les avancées concernant le droit des travailleurs – avancées largement contestables suite aux dernières réformes du Code du Travail – à Forbach, comme ailleurs.
Les vestiges des luttes sociales passées ne se retrouvent pas seulement dans les musées – le film nous montre le Musée de la Mine Wendel près de Forbach – mais se sont ancrées dans la conscience même des hommes en quête d’une nouvelle forme de justice sociale. Pour Jonathan Rescigno, il est clair que le peuple ne s’endormira jamais, car il est conscient qu’il doit continuer à se battre pour construire un avenir meilleur. Le titre du film rend compte de toute cette violence symbolique qui découle de l’injustice sociale : Grève ou crève, soit : bats-toi pour tes droits ou tue-toi à la tâche.
Alors que la neuvième édition du Champs Elysées Festival se clôture dans quelques heures, on ne peut que saluer la volonté des programmateurs de proposer une sélection documentaire engagée et ancrée dans l’actualité. Car dans une période où la lutte sociale est à son paroxysme, il est bon de voir des cinéastes tels que Jonathan Rescigno utiliser leur caméra comme un outil de lutte face à l’injustice sociale et la violence des institutions.
Pingback: Linda veut du poulet ! de Malta & Laudenbach | Critiques