Avec Grand Paris, périple noctambule à la croisée du road et du buddy movie, le jeune réalisateur Martin Jauvat fait ses armes.
Leslie et Renard, deux jeunes glandeurs de banlieue parisienne, trouvent un mystérieux objet sur un chantier de la future ligne de métro du Grand Paris. Artefact, talisman antique, ou relique d’une civilisation disparue ? Persuadés d’avoir trouvé la poule aux œufs d’or, les deux amis mènent l’enquête, avec les moyens du bord, le temps d’une folle nuit aux quatre coins de l’Île de France.
Des pérégrinations franciliennes
Dans ce premier long-métrage, et s’entourant d’une belle troupe de comédiens (William Lebghil, Sébastien Chassagne, Mahamadou Sangaré), le réalisateur Chellois (77) de 26 ans propose un récit d’une grande clarté et d’une ambiance oisive.
À l’image de ses personnages, Grand Paris annonce la modestie de son récit et des enjeux que le spectateur se verra affronter aux côtés de Leslie et Renard. Point de grand voyage initiatique ou de quête d’introspection, seulement une aventure sans prétention. C’est justement cette force scénaristique qui permet de tenir le spectateur dans sa première demi-heure. À travers le circuit d’une nuit en Île-de-France, Martin Jauvat réussit une prouesse pourtant peu évidente au cinéma : maintenir la cohérence géographique de son récit. Si pour le spectateur de région ce point n’a que peu de sens ou d’intérêt, il vient enrichir l’expérience du Francilien aguerri. Chaque trajet devient imaginable et chaque distance devient mesurable. De Saint-Rémy-lès-Chevreuse (78) à Romainville (93), il devient concret d’imaginer et d’accompagner les deux compères dans leurs pérégrinations au cœur de cette région-ville que représente l’Île-de-France.
L’Axe-Majeur de Cergy (95) en exemple, Martin Jauvat travaille sur la représentation des décors de l’agglomération parisienne, éclipsé par l’attraction de la capitale. Des blocs HLM, des pavillons de Grande Couronne ou des mornes tunnels tout de béton armé, les paysages oubliés de 10 millions de Français semblent prendre une nouvelle ampleur et symbolique à la caméra de nuit du jeune réalisateur de Chelles.
L’acte manqué
Au lever du jour, le voyage des protagonistes prend fin. De la douceur de son propos à la délicatesse de son image, le film annonce une fin touchante venant s’imprégner dans la rétine du spectateur pour un long moment. C’est ce que le film aurait pu être si le choix de se conclure avait été fait à l’heure où Paris s’éveille.
Manque de chance pour le spectateur, celui-ci gardera comme dernière image de l’œuvre un étrange montage de 3D sans le sou et la rencontre de nos deux compères (après une très touchante séquence le matin du réveil) avec des extra-terrestres. Petit rajout de fin de récit ou scénario terminé, si réponse il existe, celle-ci ne viendra pas combler la petite déception qui émane après une heure de visionnage plutôt agréable.
Loin d’un spectacle pétaradant, Grand Paris offre 71 minutes d’innocence et de comédie au milieu de décors jamais vu dans un road movie. Situations cocasses, rencontres atypiques sous un fond de réalité des banlieues se tiennent la main pour rendre compte de ce qu’est le cinéma intimiste : raconter des bonnes histoires.
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