Depuis le 4 juin, en salles, on peut admirer quelque chose de terriblement commun, donc d’intéressant. Fragments d’un parcours amoureux, de Chloé Barreau, se penche et s’épanche sur la pluralité de l’amour.
« Fragments d’un parcours amoureux : Depuis ses 16 ans, entre Paris et Rome, Chloé a filmé ses amours. Coup de cœur adolescent, relation à distance, passion charnelle : alors qu’elle vivait une histoire, elle en fabriquait déjà le souvenir. Mais de quoi se souviennent ces ex ? Quelle est leur version des faits ? »

La chambre claire
En prolongeant le titre de Roland Barthes, Fragments d’un discours amoureux pour en faire sien, Chloé Barreau prend le risque de se mesurer à la figure tutélaire du philosophe. Courageux ou présomptueux, l’exercice ne manque pas de faire réfléchir.
Filmer son entourage, en capturer tellement de moments qu’on finisse par faire oublier la caméra, est un exercice aussi périlleux que salutaire. À cet effet, on devient un paparazzi, un intrus de ses propres moments de vie, on devient l’œil non plus qui observe, mais qui écrit.
On en saisit des choses rares, des choses trop vraies pour être simplement qualifiées de cinéma, on touche au sublime au travers du banal. Fragments d’un parcours amoureux est un travail d’une intense sincérité, dont le montage et le mouvement dessinent une forme de grâce qui en font tout de même un bel instant de poésie.
Pourtant, quand bien-même le découpage nous ouvre en grand les portes de l’intimité des personnages, il semble le faire moins pour nous que pour se dévoiler de manière presque ostentatoire. Comme si ce cinéma du réel particulier ne parvenait pas à toucher le sentiment amoureux dans son universalité
L’île de la cité de la tentation
C’est d’autant plus frappant que l’imaginaire auquel fait appel Fragments d’un parcours amoureux sont… des fictions. La Belle personne (Christophe Honoré, 2008), L’Amour l’après-midi (Eric Rohmer, 1972), Baisers volés (François Truffaut, 1968), autant de films qui ne se penchent pas tant sur la véracité des relations dépeintes que sur la sincérité de cette représentation. Un point important, mais qui met aussi en exergue peut-être le superficiel des questions soulevées.
Malheureusement, Fragments d’un parcours amoureux reste accroché dans ses témoignages à la lente construction du mythe du personnage principal. Dans tous les sens, on nous le décrit, grandiose même dans ses torts. Et, quand bien-même on ressort de la salle avec un vrai sentiment de proximité, le tout transforme le documentaire en un projet d’amis qui, s’ils sont attachants, ne sont toutefois pas les nôtres. C’est un beau documentaire, vraiment, mais a-t-on encore besoin de cette seule beauté pour parler d’amour aujourd’hui ?
