Du rêve au cauchemar, il n’y a qu’un pas, qu’une goutte. Et il ne faut que quelques secondes à Flow pour passer d’un onirisme mignonnet à une fable dure mais pas sans chaleur.
L’animation comme médium cinématographique continue de prendre du galon comme on l’a vu au cours de cette année. Et avec cet élargissement public vient souvent la fameuse question : un film d’animation est-il de facto un film dirigé vers la jeunesse ? Flow vient aussi bien répondre que rediriger cette question.
« Un chat se réveille dans un univers envahi par l’eau où toute vie humaine semble avoir disparu. Il trouve refuge sur un bateau avec un groupe d’autres animaux. Mais s’entendre avec eux s’avère un défi encore plus grand que de surmonter sa peur de l’eau ! Tous devront désormais apprendre à surmonter leurs différences et à s’adapter au nouveau monde qui s’impose à eux. »
Stray to the point
Comme le montrent beaucoup de commentaires sur la page letterboxd du film, ce dernier divise en son point le plus frontal : ses visuels. Ceux-ci, intégralement en 3D, sont plus proches d’une esthétique régressive Playstation 2 que du cartoon-réaliste qu’on retrouve dans beaucoup (trop ?) de production animées récentes.
Mais ce qui fait la beauté finale, toujours visuelle, de l’œuvre, ce n’est pas le prétendu-réalisme de ses textures, mais bien la justesse de son animation. Tout d’abord, de bons graphismes ne sont rien sans une bonne direction artistique. Internet l’a prouvé maintes fois, et la tendance à retourner à des graphismes du début de la 3D le confirment bien. Mais surtout, comme dit précédemment : le cœur battant de ce film et sa beauté finale revient bien à son animation.
Le détail apporté aux expressions, aux mouvements, à la vitalité tant des animaux que des décors rappelle la perfection singulière des dessins de la série Blacksad, et forgent une atmosphère concrète et des personnages attachants.
Personnages, d’ailleurs, multiples et bien traités. Le titre Flow, le chat qui n’avait plus peur de l’eau se cache bien de nous dire que notre noir minou sera accompagné dans son aventures par, entre autres, un capybara, un singe ou un oiseau.
Capypapa
La maîtrise de la construction de ses derniers et la parfaite balance entre comportement humain et animal force le respect. Certes ils sont tous plus intelligents que leurs homologues du monde réel, mais ils gardent la même vertu que ces derniers, une forme de pureté. Ils se font emporter par le récit et par les flots, et leur impuissance force notre attachement. Car qu’y a-t-il de plus innocent que l’incompréhension ?
La fluidité du récit, encore une fois plus proche du vidéoludique, fait écho, comme l’animation dans sa fluidité, à la nature aqueuse du long-métrage. Cette impression de glissement, d’incontrôlé, est partout. Et quoi que puisse représenter cette eau, sûrement la mort si l’on y songe prosaïquement, elle le fait de manière pesante mais sans lourdeur.
La question, ici, du public visé, est déviée et reposée dans ce sens : qu’y voyez vous, vous ? Car Flow est bel et bien un conte certes onirique, mais surtout entièrement métaphorique. Ainsi l’on suit nos personnages évoluer dans un monde ou l’apocalypse ne semble déjà plus être qu’un lointain souvenir, nous laissant, loin de notre sale humanité, le choix de reposer nos attentes et questionnements sur tout ce que le film à a nous offrir. Écologie, amitié, justice, nombreux sont les sujets abordés, et encore plus nombreuses, les portes à ouvrir.