Martin Bourboulon ravive la mémoire du passé et lui promet un regard neuf avec son film Eiffel.
Qui n’a pas déjà rêvé de pouvoir remonter dans le temps et d’assister à la création d’un monument historique ? Avec Eiffel, le réalisateur redonne à Paris sa grandeur et surtout le romantisme qui lui est peut-être, de nos jours, oublié.
Martin Bourboulon s’éloigne du registre de la comédie pour appuyer sur une corde plus sensible. Ses précédentes réalisations Papa ou Maman 1 et 2 mettaient le couple au coeur de son histoire. Un couple vacillant en plein divorce, mais un couple attachant, porté par le binome Marina Foïs/ Laurent Laffitte. Son nouveau film, Eiffel, n’a ici rien de comique mais la romance reste bien présente où le couple – et ses conflits – s’impose toujours comme une thématique principale.
Revivre une épopée Parisienne avec panache
La Tour Eiffel est aujourd’hui indissociable de la capitale Parisienne. L’une ne se conçoit pas sans l’autre, mais combiens de gens passent devant ce monument sans vraiment connaître son histoire émotionnelle ? Et pourquoi cette fameuse Tour porte-t-elle la forme d’un A ? Si Martin Bourboulon implante à son œuvre toutes ces réponses, il prend toutefois une certaine liberté de stylisation de ses personnages. De même que, en amont d’une volonté de retranscrire l’événement qui a marqué son époque – la construction de la Tour -, l’histoire garde aussi une part fictive. L’histoire d’amour entre Gustave et Adrienne peut de ce fait, être étoffée et sublimée même si peu de choses sont inventées.
Si la Tour Eiffel repose solidement sur ses deux jambes grâce à la forme de son » A « , cette lettre est également le symbole d’une romance ancrée dans le temps, intemporelle. Adrienne, jouée par la solaire Emma Mackey (connue pour son rôle phare de Maeve dans la série Netflix à succès Sex Education) adopte le rôle d’une Muse qui n’a de cesse d’inspirer le grand créateur, Gustave Eiffel. Martin Bourboulon fait ainsi vivre aux spectateurs une aventure à différents degrés : l’aventure d’une vie, d’une création et surtout celle d’un amour à haute altitude. Digne de celui des plus beaux chefs d’œuvres de cinéma. Romain Duris, qui interprète de Gustave Eiffel, est mythique dans ce rôle sur mesure d’amoureux transi et de génie incompris.
Une apparence moderne
L’apparence des personnages n’est effectivement pas à négliger. Afin de donner ce sentiment d’intemporalité qui traverse le couple au fil des années – puisqu’on suit l’histoire des protagonistes sur une vingtaine d’années -, les codes vestimentaires identiques à l’époque ne sont pas toujours respectés à la lettre. La touche de modernité, propre à l’œil du réalisateur, est réellement efficace. La volonté n’étant pas de faire un film historique mais bien de rendre la construction de la Tour Eiffel attractive et haletante.
C’est ainsi qu’il faut partir d’une histoire intimiste et enfouie – celle de Gustave et d’Adrienne – et l’élever au rang de grande épopée. Romain Duris avec ses quelques boucles rebelles et son aspect ténébreux, ne dira pas le contraire. Grâce aux choix entrepris par Martin Bourboulon, les différents événements historiques sont successivement vécus sans que ce ne soit jamais rendu scolaire. Et quelle immense joie que de pouvoir assister à la grande exposition universelle de Paris et à la matérialisation de son emblème. Comme si les portes du passé s’ouvraient pour accueillir le spectateur, le temps du spectacle. C’est ainsi que cette belle histoire, qui débute d’abord d’un sentiment profondément intime (l’amour que porte Gustave à Adrienne) devient progressivement l’histoire de tous.
Grandeur et intimisme
Il n’est pas exclu de penser que la mise en images du processus de création de la Tour Eiffel, est en réalité presque un prétexte pour illustrer l’amour entre Gustave et Adrienne. Le binôme incarné par Emma Mackey et Romain Duris fait preuve d’une alchimie redoutable. Tous les deux sont des amants heurtés par les aléas de la vie. Bien qu’impossible et condamné par la société dans laquelle ils évoluent, leur amour est intensément vécu. C’est par cette intensité-là, cet enthousiasme d’un cœur qui bat, que la caméra gigote souvent avec ardeur. L’impulsion du moment est toujours mise en avant. Comme ci les actions vécues dans le film n’avaient jamais de freins. Excepté pendant les moments intimes entre Adrienne et Gustave qui sont comme une bulle qui suspend le temps.
Par sa création, Gustave donne à sa dulcinée une promesse d’éternité et répare l’inachevé de leur amour. Un amour plus grand qu’eux, tout comme l’est la Tour Eiffel et ses plus de trois cents mètres de hauteur. A souligner que même si cet amour qui anime les deux personnages pourrait être appréhendé avec nostalgie et regrets, il n’en est rien. Le réalisateur, malgré de nombreux flashbacks – ceux de la rencontre entre les deux amants – privilégie toujours l’instantanéité du moment. Le récit n’en paraît que plus vivant et plein de charisme.
Eiffel, ne se prétend pas être un biopic mais se soucie tout de même de ne point trop s’éloigner de la vérité. Un véritable travail de recherches ayant été fait au préalable. Il ne reste plus qu’à prendre de la hauteur, lever les yeux et trinquer à l’éternité si ce n’est de l’amour, du souvenir qu’il laisse.