À sa manière, Egoist de Daishi Matsunaga est un petit évènement.
Rares sont les films LGBT japonais à avoir atteint nos salles, bien que nous puissions citer quelques exceptions, comme les classiques Grains de sable (Hashiguchi, 1995) et Les Funérailles des roses (Matsumoto, 1969). La sortie d’Egoist permet de combler quelque peu ce manque en nous plongeant dans le quotidien d’un homme gay s’étant installé à Tokyo afin de vivre comme il l’entend.
« Kōsuke (Ryohei Suzuki) travaille pour un magazine de mode. Très soucieux de son apparence, il embauche Ryūta (Hio Miyazawa) comme coach sportif. Au fil des entraînements, une romance s’installe entre les deux hommes. Mais Ryūta décide de mettre brusquement fin à leur relation et disparaît… »

Cinquante nuances d’amour
Egoist nous entraîne avec facilité dans l’univers de Kōsuke grâce à une image soignée. Elle est largement composée de gros plans, qui font ressortir les émotions des personnages et nous permettent de nous sentir proches d’eux. La façon de filmer les corps et les scènes de sexe, intime et sensuelle, fait ressortir l’alchimie entre Kōsuke et Ryūta.
Pour autant, la mise en scène permet aussi de rappeler que malgré leur rapprochement, nos deux protagonistes viennent de deux mondes différents : Kōsuke, lui, a réussi à se faire une place à Tokyo. Il n’y a pas de rapport d’égal à égal entre nos protagonistes, et c’est quelque chose qui ressort à travers différents niveaux du film : leurs métiers, leurs âges, leurs logements, leurs tenues, et bien sûr, la relation qu’ils entretiennent. Pourtant, ils parviennent à satisfaire un manque chez l’autre.
Alors que nous nous attentions à découvrir une simple romance, Egoist nous surprend avec un retournement de situation inattendu, qui bouleverse la vie de Kōsuke et lui permet de découvrir l’amour maternel à travers sa rencontre avec la mère de Ryūta. Ceci nous permet de réfléchir aux différentes formes d’amour possibles : tout ne tourne pas autour de la romance. Pour Kōsuke, prendre soin de la mère de Ryūta l’aide à aller mieux : il s’occupe d’elle comme il n’a pas pu le faire avec sa propre mère. Le film s’interroge sur l’attention que l’on porte aux autres ; sur la façon dont on donne de l’amour et dont on le reçoit. Qui en profite le plus ? Kōsuke, Ryūta, sa mère ? Est-ce si important que cela, si la situation leur convient ?
On est tous ego
Si Egoist a un point fort à ne pas négliger, c’est la performance de Ryohei Suzuki (Kōsuke). Alors que l’acteur nous a plutôt habitué·es à des performances parfois surjouées dans des films d’action (on a récemment pu l’apercevoir dans l’adaptation Netflix de City Hunter), il livre ici une interprétation émouvante, qui semble réfléchie au geste près.
Malgré son aspect mélodramatique, le film arrive à rester humain. En effet, un certain côté naturaliste ressort des scènes où Kōsuke est avec ses amis. Ces personnages, interprétés par des acteurs non-professionnels, permettent de rendre le film plus authentique et offrent, autant à Kōsuke qu’au public, un espace bienveillant, en marge de la société hétérosexuelle.
Le film en profite pour dénoncer la situation de la communauté gay au Japon : difficile de se tenir la main dans la rue, d’être ouvertement soi-même auprès de sa famille, et bien sûr, de se marier. Pour autant, Egoist aurait gagné à être plus transgressif, sans se laisser consumer par le mélo, afin d’être véritablement marquant.
