Divertimento de Marie-Castille Mention-Schaar : Un orchestre mal accordé

Divertimento Mention Schaar les deux actrices avec les femmes qu'elles incarnent se tiennent par l'épaule

Divertimento de Marie-Castille Mention-Schaar ambitionne de raconter l’histoire vraie des soeurs Ziouani, étoiles de la musique classique, en collant au plus près à la biographie de ses héroïnes. Au risque d’abandonner son propre point de vue ?

L’histoire vraie de la création de l’orchestre Divertimento, entre Pantin, Paris et Stains, via l’adolescence et le parcours initiatique des sœurs Ziouani, Zahia cheffe d’orchestre et Fettouma violoncelliste.

Oulaya Amamra et Zahia Ziouani dirigent un orchestre
© Le Pacte

Si la légende est plus belle que l’histoire …

Les sœurs Ziouani, à l’initiative de l’orchestre Divertimento, ont la musique classique dans le sang.

Un amour transmis par leur père et qui les conduira jusqu’au lycée Racine, peu habitué à accueillir des jeunes de banlieue dans leur cycle Musique, a fortiori des femmes, a fortiori quant elles ambitionnent de devenir cheffe d’orchestre. Malgré une solidarité de genre qui s’exprime entre élèves et professeures, elles devront affronter les bizutages et une défiance qui remonte jusqu’aux plus hautes sphères de l’institution, puisque même Sergiu Celibidache (Niels Arestrup) se montrera – dans un premier temps – dubitatif quant aux chances de Zahia (Oulaya Amamra) de réaliser son rêve.

Amour qu’elles transmettent à leur tour, donnant des cours dans leur MJC, à un public pas prédestiné à en recevoir, mues par la foi que la musique classique est l’affaire de toutes et de tous, et non pas un genre élitiste dont la beauté n’est accessible qu’aux classes supérieures.

Amour qu’elles partagent tandis qu’elles s’entraident, Fettouma (Lina El Arabi) faisant réviser sa sœur – qui prépare le concours de chef d’orchestre de Besançon – jusque tard dans la nuit, la protégeant discrètement tout en poursuivant des études de violoncelliste, études exigeantes qu’il lui faudra concilier avec ses autres activités, sa vie de famille et sa vie amoureuse.

Lina El Arabi joue du violoncelle en classe
© Le Pacte

… Écrivez quand même l’histoire

Un de ses professeurs lui reprochera d’ailleurs de faire « trop de choses à la fois ». Le résumé ci-dessus – qui n’est même pas exhaustif – pourra en attester, le même reproche pourra aussi être fait au film. En effet, celui-ci déborde de thématiques  et de sous-genres : le choc des cultures entre la banlieue et la bourgeoisie parisienne, la misogynie inhérente à la pratique de la musique classique, le film de concours, la figure du Pygmalion et la toxicité de la relation maître/élève, le poids de la pression familiale, la mystérieuse importance du rôle du chef d’orchestre, et le rapport presque organique de Zahia Ziouani à la musique, elle qui entend les rythmes et les percussions jusque dans les cadences du métro.

Dans un premier temps on croira y voir une réussite : le scénario semble vouloir prendre des chemins de traverse et ne pas nous donner le(s) film(s) que l’on s’attendait à voir. En particulier, il n’est pas un énième film « de conversion » (comme Haute Couture ou Tenor par exemple), qui nous raconterait  « la domestication de la fougue banlieusarde dans la découverte de la Grande Culture ».

Puis, on comprend devant cette accumulation que ce trop-plein de sujets naît de sa nature biographique, et de l’envie de coller au plus près à la réalité de l’histoire. Les amorces scénaristiques se multiplient et se concluent rarement, ou trop vite, si bien que tout est survolé, car le film ne peut pas raconter en même temps comment les sœurs Ziouani vivent leur intégration dans un lycée parisien, comment elles font vivre leur MJC, comment Zahia prépare son concours, comment elle vit sa relation avec le maestro Celibidache, comment sa sœur concilie les exigences de la pratique à haut niveau du violoncelle avec ses amours naissantes.

Musique Partout, Bourdieu Nulle Part

Les personnages de Niels Arestrup et celui de Lina El Arabi résument assez bien les problèmes du film. Le premier parce qu’il semble venir d’un autre film, plus proche de Whiplash de Damien Chazelle, et jouer une autre partition. La seconde parce que le film se refuse, par respect pour l’histoire commune des sœurs et pour montrer à quel point leur parcours s’est fait à deux, à en faire un personnage secondaire. Ce qu’on y gagne en fidélité biographique, on le perd en efficacité dramatique. Finalement, le film échoue là où la cheffe d’orchestre réussit : à faire d’un concert d’idées un ensemble harmonieux, à faire d’une suite de scènes un mouvement.

On regrettera aussi le silence sociologique assourdissant dans lequel le film ne déroule. La violence des enseignements de Celibidache nous est montrée comme nécessaire, et socialement rien n’est interrogé. Ni le mépris de ses camarades, simple canevas narratif mais dont la portée systémique est balayée ; ni l’appareillage bourgeois qu’exige la pratique de la musique classique. L’histoire racontée, à trop vouloir être positive, en devient un biais du survivant ambulant, qui semble satisfait au moment de conclure que « quand on veut, on peut ».

Niels Arestrup et Oulaya Amamra discutent, appuyés sur un balcon
© Le Pacte

Divertimento, en voulant coller au plus près à l’étonnant parcours de ses héroïnes, peine à démêler les noeuds de la biographie pour en faire un ensemble cohérent. La réalisatrice Marie-Castille Mention-Schaar joue pourtant une partition scénaristique d’abord surprenante, mais qui vire progressivement à la cacophonie.

Divertimento est disponible à partir du 31 mai en Blu-Ray et DVD chez Le Pacte

 

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