Dalva de Emmanuelle Nicot : Libérée, délivrée, retrouvée

Dalva Emmanuelle Nicot

Après son court-métrage richement récompensé, A l’arraché, Emmanuelle Nicot poursuit sa route avec son premier long-métrage, Dalva.

Une nouvelle fois immergée dans un foyer pour enfants, la réalisatrice nous fait découvrir l’histoire d’une jeune fille victime d’inceste. Si le malheur de cette enfant en choque assurément plus d’un, Dalva ne manquera pas d’alerter davantage le public sur une réalité bien plus insoupçonnée.

Dalva a 12 ans mais s’habille, se maquille et se vit comme une femme. Un soir, elle est brusquement retirée du domicile paternel. D’abord révoltée et dans l’incompréhension totale, elle va faire la connaissance de Jayden, un éducateur, et de Samia, une adolescente au fort caractère. Une nouvelle vie semble alors s’offrir à Dalva, celle d’une jeune fille de son âge.

Dalva
© Diaphana Distribution

Un sujet peu à peu mis en lumière

Le sujet difficile de l’inceste obtient progressivement un éclairage bienvenu au cinéma. On pense notamment aux douloureux mais nécessaires Les Chatouilles de Andréa Bescond ou bien Un amour impossible de Catherine Corsini, tous deux sortis en 2018. Emmanuelle Nicot connait aussi ce thème. La réalisatrice a passé 6 ans dans un centre d’accueil d’urgence pour enfants pour réaliser son court-métrage A l’arraché. C’est pendant cette période qu’elle a entendu parler d’une petite fille de 6 ans, violée par son père. Cette enfant avait été recueillie par un éducateur, père d’une amie d’Emmanuelle Nicot. Avec lui, la fillette entretenait un jeu de séduction, ayant été longtemps sexualisée. C’est ainsi que l’histoire de Dalva est née. La réalisatrice a voulu imaginer comment se serait comportée cette petite fille à l’âge de 12 ans, où la puberté et les débuts de l’adolescence font surface.

Emotion dominante tout le long du film, le choc, qui ne cesse de ressortir, maintient le public en haleine. Telle est la stratégie audacieuse mais surtout ingénieuse de la part d’Emmanuelle Nicot : choquer pour mieux captiver, et surtout, pour informer d’une réalité alarmante. La réalisatrice a construit un assemblage efficace de différents éléments qui provoquent et abasourdissent spontanément. Nombreuses sont les phrases, qui, d’ordinaire, ne sortiraient pas de la bouche de jeunes adolescents. Mais dans un foyer qui accueille des enfants victimes de maltraitance, les propos entendus sont aussi inattendus qu’absurdes. En réalité, ils représentent oralement une situation traumatique non visible (car non montrée à l’écran) mais malheureusement réelle. Courtes et dépourvues de tout terme difficilement compréhensible, ces répliques résonnent et percutent inévitablement, jusqu’à l’indignation.

L’inconscience de Dalva et sa conviction sur « l’amour » qu’elle croit partager avec son père constituent l’aspect le plus choquant du film. Sa libération de l’emprise de ce dernier semble sans espoir. Cette idée accablante contribue au développement naturel d’une empathie prononcée pour le sort de l’enfant. Si le déni de la jeune fille se manifeste d’abord par la violence de ses paroles et de ses gestes, son apparence en témoigne tout autant. En l’habillant de tenues chics et avec un maquillage sophistiqué, le père de Dalva a fait de sa fille, « sa petite femme », comme l’explique Emmanuelle Nicot. Ce choix visuel indique distinctement le décalage entre l’âge de Dalva et la fausse idée d’elle-même que son père lui a transmis. Il souligne aussi la différence entre Dalva et ses camarades qui ne peuvent s’empêcher de remarquer ce contraste.

La lumière au bout du tunnel

Bien que l’histoire de Dalva s’avère éprouvante et rude, son récit ne s’arrête pas là. Inespérée au début, une délivrance progressive opère et permet à la jeune fille de réaliser petit à petit l’horreur qu’elle subissait. Cette évolution se révèle aussi visuellement et poursuit le cheminement logique et bien pensé par Emmanuelle Nicot. Les tenues que portent Dalva deviennent plus adaptées à son âge. Ses coiffures expriment la libération qu’elle vit. Son comportement plus ouvert et ses gestes plus légers expriment la fin de l’emprisonnement dont elle souffrait mais qu’elle ignorait.

Un message d’espoir se dessine à mesure que l’émancipation de Dalva prend forme. Emmanuelle Nicot use du pouvoir émotionnel de son scénario jusqu’au bout. Le choc ressenti tout le long du film, se transforme finalement en apaisement. Une lumière ne cesse d’intervenir au début de plusieurs scènes tel un indice très révélateur. Elle représente l’espoir qui illumine splendidement le parcours tumultueux de la petite Dalva.

Malgré cette belle fin, l’accompagnement psychologique qui permet l’évolution de l’héroïne demeure quasiment absent de l’écran. Cette longue étape n’est pourtant pas négligeable puisqu’elle joue un rôle majeur et indispensable dans la vie de l’enfant autrefois maltraitée.

© Diaphana Distribution

Toutefois, nul besoin de mots pour conclure de manière mémorable ce film poignant. Un seul geste célèbre la beauté de l’aboutissement du chemin parcouru par Dalva. Avec cette fin marquante, Emmanuelle Nicot illustre avec brio un passage des ténèbres à la lumière.

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