Seulement deux ans après sa dernière œuvre, Michel Hazanavicius signe un retour en grande pompe ! Film d’ouverture du Festival de Cannes 2022, Coupez ! est l’adaptation pour le public francophone du très ludique Ne Coupez pas !, film japonais sans prétention sorti en 2017. Diffusé simultanément sur la Croisette et dans les salles de l’Hexagone, il est sans conteste la sensation du début du Festival. Contrairement à son prédécesseur nippon, le film peut, ici, s’entourer d’un casting assez costaud incluant Bérénice Béjo, Romain Duris, Jean-Pascal Zadi, Grégory Gadebois ou bien encore Finnegan Oldfield – liste non exhaustive. Détracteurs d’humour potache, abstenez-vous. Coupez ! vous plonge dans un récit hyperactif au rythme comique bien inégal mais qui ne manque pas de toucher juste par certains éclats.
Une équipe de cinéma se retrouve dans un bâtiment désaffecté pour finaliser la production d’un film de zombies bas-budget. Comédiens à bout, techniciens fatigués, seul le réalisateur semble porter le projet à bout de bras, s’emportant jusqu’à l’excessif. Mais le tournage se retrouve perturbé quand de vrais morts-vivants apparaissent…
Une adaptation (trop) fidèle ?
Si le public français s’amuse à prendre de haut nos camarades outre-Atlantique et leur culture du remake (The Dinner, The Upside…), nous voici empêtrés dans la même situation. En 2017, Ne Coupez pas ! fait beaucoup parler de lui dans le cercle cinéphile, notamment car il est diffusé dans un grand nombre de festivals – dont chez nous à Gérardmer. Mais en dehors de cette sphère, le film ne prend pas vraiment. On compte près de 2000 entrées sur notre territoire, un score dérisoire en somme. Dans ce contexte, Hazanavicius part déjà gagnant pour séduire le public francophone qui se laissera surprendre par l’intelligence et l’aspect ludique du scénario et de la mise en scène. De ce postulat, il s’accroche à ce qui a fait la force de l’original : c’est-à-dire tout.
Ctrl C + Ctrl V. Le cinéaste s’attarde sur tous les détails pour les rendre exactement conformes au film de Shin’ichirô Ueda. De la manière de filmer ses acteurs aux gags de situation, tout est conservé. Sans surprise, le tempo comique fonctionne comme il avait fonctionné cinq ans auparavant. Le film s’autorise donc un hommage vibrant au matériau de base, en lui faisant explicitement référence et en réintroduisant par exemple l’actrice Yoshiko Takehara. Le récit joue de cet aspect « méta » mais semble tout autant en pâtir, notamment dans sa note d’intention. Mention spéciale à l’un des seuls ajouts originaux : le personnage de Jean-Pascal Zadi, qui ne manque pas de faire rire lors de ses (trop rares) apparitions.
L’intention
À la sortie de la première séance du film, déjà deux camps s’opposent. D’un côté, les spectateurs qui ont passé un joli moment de comédie et se sont laissé surprendre par la tournure d’un récit en trois parties. De l’autre – plus cinéphile –, ceux qui se pose des questions sur l’intérêt d’un film identique à celui découvert cinq années auparavant et les intentions du cinéaste. Hazanavicius revient ici à son début de carrière (notamment chez Les Nuls), plongeant dans la comédie grasse aux comiques de situation bien ficelés. Sans mauvaise foi, tout cela fonctionne dans Coupez !. Mais il n’est ici que faiseur et pas vraiment créateur.
Toutefois, ce qui questionne essentiellement, c’est la crédibilité du message et de l’intention face à un budget qui est 181 fois supérieur à celui du film original (4 millions d’euros face à 22 000). Quand Shin’ichirô Ueda rend hommage à la série B et à la débrouille, c’est littéralement ce que le film expérimente au cours de son tournage. De son côté, Coupez ! ne peut s’en vanter. Avec un budget correct, des acteurs et actrices professionnels et un réalisateur oscarisé, le film a davantage des airs de parodie. Si ce n’est pas l’intention originale, c’est malheureusement la direction que prend le film dès sa seconde partie (la première étant maitrisée avec brio).
Coupez ! vient malgré lui relancer un débat sans fin sur la pertinence des remakes. Le film réussit sans difficulté ce qu’il entreprend et reste plaisant à regarder. Mais si Coupez ! n’a rien de nouveau à apporter – à part le fantastique Jean-Pascal Zadi –, a-t-il une raison d’exister ? Accordons-lui au moins le crédit d’avoir réussi à faire parler du film original, qui mérite lui aussi toute votre attention.
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