Cinéthème #1 | Les sept péchés capitaux sont un thème majeur du cinéma. Voici une analyse qui les classe par réalisateurs et par films.
Nous avons donc voulu délivrer une série d’articles en lien avec Les sept péchés capitaux, une sorte de prolongement mêlé d’un hommage au travail des rédacteurs de La Septième Obsession
. La principale différence avec le travail de ces derniers et le nôtre ? Nous avons souhaité mettre en relation des réalisateurs avec les péchés, au lieu de plusieurs films. Bonne lecture à tous !
La Rédaction
1. Premier des sept péchés capitaux : Scorsese et la Gourmandise
“On ne lave pas ses péchés à l’église, on le fait dans la rue et chez soi. Le reste c’est des conneries et tu le sais ». Voilà les mots choisis et employés par Martin Scorsese lui-même, en voix-off, dès les premières secondes de Mean Streets (1973), long-métrage charnière dans sa carrière. Attribuer un des sept péchés capitaux à un réalisateur est un exercice qui peut s’avérer hasardeux, en ce sens qu’évidemment faire ressortir avec cohérence et sans surinterprétation un vice distillé en filigrane dans la quasi-totalité d’une filmographie n’est pas chose facile. Mais avec Martin Scorsese, c’est tout l’inverse. A l’image de l’ouverture de Mean Streets citée plus haut, la thématique des sept péchés capitaux et plus largement de la tradition chrétienne est une dimension déterminante de son cinéma. Si certains de ses films traitent frontalement du sujet (La dernière tentation du Christ, Silence), la majorité de son œuvre demeure parsemée de symboles, imageries et thématiques en lien avec la religion chrétienne. Dès lors, la véritable difficulté avec Martin Scorsese réside au contraire dans le fait de devoir se contraindre à ne lui attribuer qu’un unique péché capital parmi les sept péchés capitaux, tant ils semblent tous parcourir ses films et protagonistes, de l’avarice de Jordan Belfort (Le Loup de Wall Street, 2013) à la colère de Max Cady (Les Nerfs à vif, 1991). Toutefois, en y réfléchissant bien, il y a un péché en particulier qui apparait plus pertinent que les autres quand on parle de Martin Scorsese : celui de la gourmandise. Le péché capital de la gourmandise (premier des sept péchés capitaux) c’est d’abord la définition stricte qu’en a fait le théologien Saint Thomas d’Aquin : celle d’une consommation épicurienne de la nourriture, afin de satisfaire le goût et non un besoin vital. En partant de cette vision purement alimentaire de la gourmandise, on peut déjà facilement la déceler chez Martin Scorsese. Ses origines italiennes expliquent évidemment en partie cette passion, autrefois prohibée, pour la bonne nourriture qu’il parsème dans ses films. Car plonger son spectateur dans le milieu de la pègre italienne implique nécessairement d’accorder un temps à l’image aux repas de famille et surtout aux recettes traditionnelles. Dans Les Affranchis (1990), il y a la scène devenue mythique du dîner en prison, qui s’attarde presque religieusement sur les différentes étapes de préparation d’une véritable sauce bolognaise. C’est Henry Hill (Ray Liotta) qui en voix-off se charge de décrire avec précision la recette, à la manière de Clemenza (Richard S. Castellano) dans Le Parrain (1972), débutant par les fines lamelles d’ail coupées au rasoir par Paulie (Paul Sorvino). La gourmandise chez Scorsese, c’est également celle d’un de ses personnages les plus mythiques, Jack LaMotta (Robert de Niro) dans Raging Bull (1980). Le déclin du boxeur y est symbolisé par une prise de poids conséquente, ne parvenant plus à se nourrir raisonnablement afin de maintenir sa condition physique. De Niro aura d’ailleurs dû prendre près de 30kg en 4 mois pour le rôle, une bonne partie en se goinfrant dans les 3 étoiles parisiens. Pas certain que Saint Thomas aurait validé la démarche. Mais comme tout péché capital, la gourmandise est avant tout une allégorie et ne se limite donc pas à une définition stricto-sensu ; bien au contraire, elle couvre un bien plus large éventail de vices. Il importerait même de revenir sur le terme employé et, notamment pour s’aligner avec le terme anglais de « gluttony », de parler plutôt de gloutonnerie ou goinfrerie. Car le péché de gourmandise entend en réalité plus prohiber les comportements démesurés, qui viennent s’opposer à la vertu cardinale de la tempérance, que le simple plaisir gustatif. Vue sous cet angle, la gourmandise chez Scorsese prend alors une nouvelle dimension, cette fois bien plus riche. Parmi les films les plus connus du maître, on retrouve un leitmotiv : le rise and fall. Cette structure narrative relativement classique consiste à raconter l’ascension d’un personnage et la chute brutale qui lui fait suite. La déchéance de nombreux personnages scorsesiens est justement la conséquence d’un comportement démesuré et d’une ambition aveugle ; la maxime « avoir les yeux plus gros que le ventre » a souvent pris tout son sens chez Scorsese. Les Affranchis (1990) et Casino (1995), deux grands chefs-d’œuvre dont les nombreux points communs en feraient presque un diptyque, sont des illustrations évidentes de ces comportements gourmands. En effet, le milieu mafieux a toujours été au cinéma un prétexte pour mettre en scène excès et personnages aux ambitions démesurées, tendance résumée par la citation culte « The world is yours » de Tony Montana (Al Pacino) dans Scarface (1983). Dans Les Affranchis, c’est Henry Hill (Ray Liotta) d’abord qui, une fois intégré à la pègre italienne qui l’a tant fascinée plus jeune, entame une ascension fulgurante dans une communauté de l’excès où l’argent estompe les limites. Dans son fond mais aussi sa forme, Les Affranchis dépeint cette gourmandise de tous les instants, cette spirale infernale où tout le monde cherche à avoir toujours plus. Il en est de même dans Casino, dans une ville de Las Vegas qui polarise déjà à elle seule tous les péchés. Sam Rostein (Robert de Niro), à la tête du plus grand casino, à qui semble tout réussir, ne peut s’empêcher de continuer à être espérer plus. De même pour Nicky Santoro (Joe Pesci), lui qui au début du film décrit le circuit qu’emprunte l’argent engrangé par le casino et la manière dont il a été infiltré par la pègre pour récupérer sa part du butin, ne peut s’empêcher de grappiller de toujours plus. Mais la chute est toujours la suite logique, Scorsese ne pouvant laisser sans condamnation le comportement trop gourmand et amoral de ses personnages. Sam est, dès l’ouverture de Casino, assassiné avec en fond sonore la Passion selon Saint Matthieu de Bach, comme si la sentence divine était la conséquence inévitable de ses péchés. Pire encore peut être, Henry Hill des Affranchis voit sa chute accompagnée d’un retour à la vie on ne peut plus banale d’un Américain moyen, ce qu’il a toujours voulu éviter. Cette condamnation à une vie morne n’est pas sans rappeler celle des gloutons de la Divine Comédie de Dante, assujettis dans un sol boueux sous une pluie noire pour l’éternité. Enfin, aborder la thématique de la gourmandise au sens la démesure chez Martin Scorsese ne pourrait se faire sans mentionner The Aviator (2004), biopic qui dépeint la vie hors norme de Howard Hugues (Leonardo DiCaprio). Le film est justement construit autour de l’ambition aveugle de son protagoniste, de ses projets cinématographiques démentiels aux mastodontes volants qu’il concevait. Relecture moderne du mythe d’Icare, The Aviator dépeint les conséquences dramatiques du comportement inconscient de l’aviateur qui s’est parfois brûlé les ailes à vouloir voler trop haut. Cette gourmandise, au sens du péché capital, le condamne in fine à voir ses relations se détériorer, à perdre peu à peu la raison et à se marginaliser. Mais si le péché de gourmandise sied autant à Martin Scorsese, c’est aussi parce qu’il est un péché singulier et dual, en ce sens que paradoxalement il frise la vertu. Le gourmand n’est pas que le glouton, c’est aussi le gourmet, celui qui sait apprécier et reconnaître la qualité de ce qu’il consomme. Cette nuance est à l’image de Martin Scorsese, de son cinéma et de ses personnages. Le réalisateur est pieux, profondément marqué par son éducation chrétienne, et pourtant fasciné et proche des milieux mafieux enclins à tous les péchés qu’il dépeint dans ses films. Ses personnages ne sont jamais totalement bons, jamais totalement mauvais ; à l’image de de Travis Bickle dans Taxi Driver (1976), ce sont des personnages en quête de rédemption, qui évoluent des environnements amoraux qu’ils subissent parfois plus qu’ils ne les choisissent. La gourmandise vue cette fois comme une vertu, ce serait chez Scorsese indéniablement le rapport qu’il entretient avec sa cinéphilie quasi-encyclopédique. Là où Quentin Tarantino friserait presque la boulimie, Martin Scorsese est un pur gourmet du cinéma. Il suffit de s’attarder sur son documentaire Un voyage avec Martin Scorsese à travers le cinéma américain (1995) pour s’en convaincre, où il apparait comme un passionné mais surtout un fin connaisseur. La culture cinématographique qu’il y affiche est colossale et a été le fruit d’une consommation de films sans commune mesure. C’est finalement cette gourmandise vertueuse que s’efforce, aujourd’hui encore, de prescrire Martin Scorsese. Car au-delà d’une filmographie prolifique et déjà formidable, le réalisateur est également un ambassadeur du cinéma, un passeur. Un auteur qui s’engage pour la restauration et le partage des films qui lui importent, toujours au nom d’une cinéphilie gourmande. Ainsi s’analyse ce premier des sept péchés capitaux. Arthur N.Des personnages épicuriens
« In prison, diner was always a big thing » Henry Hill (Ray Liotta), Les Affranchis (1990)
Un diner comme une Cène
De la gourmandise à la gloutonnerie
Les gourmands affranchis
Le supermarché Casino
Hugues, roi des gourmands
La gourmandise ou le péché vertueux
Une vertu capitale ?
2. Deuxième des sept péchés : l’Envie chez Lars Von Trier
« Semblables à des reptiles impurs, la haine et l’envie sont deux serpents qui naissent et grandissent dans les basses régions du cœur. » -Alfred Auguste Pilavoine La tradition chrétienne expose les sept péchés capitaux comme des vices, c’est également le cas de l’envie. Pour faire court, l’envie est une émotion que l’on ressent lorsque l’on désire posséder le bien d’autrui. Bien évidemment, la religion chrétienne n’a pas une possession unique du péché qui a aujourd’hui une signification bien moins péjorative qui représente ce désir envers un bien. Mais puisque nous développons une réflexion liée aux péchés, nous nous intéresserons en grande partie à l’envie en tant que vice. Comment parler des sept péchés capitaux sans mentionner le réalisateur Lars von Trier ? Réputé pour ses polémiques et sa provocation, il est aussi un des plus grands réalisateurs du siècle. Avec son style radical, sombre et pessimiste, il interroge la nature humaine dans sa noirceur la plus profonde. Prix du jury, Palme d’or, Meilleur film étranger aux Césars… Il permet également à ses actrices de briller par sa direction d’acteur impeccable. Qui de mieux que lui pour parler de l’envie omniprésente à travers les personnages qu’il dépeint ? Le préjudice moral est intimement lié à la notion d’envie, un des pires péchés parmi les sept péchés capitaux. Les personnages de Lars Von Trier sont particulièrement sensibles à cette question dans deux films : Dogville (2003), et Melancholia (2011). Deux oeuvres phares du réalisateur qui questionnent à sa manière et de différentes façons la nature humaine. Dans Dogville, Grace (Nicole Kidman) est poursuivie par des gangsters et recueillie dans une petite ville américaine par une communauté soudée. Si les villageois sont bien au courant de l’existence des péchés (ils semblent croyants), ils font tout pour les oublier et les considérer comme de simples actes, oubliant le statut de vice et profitant pleinement du pouvoir conféré par la domination que peut engendrer l’envie. S’il y a bien un aspect de l’envie qu’exploite Dogville, c’est cette différence entre l’envie et le besoin. Pour rester dans la ville, Grace doit effectuer de nombreuses tâches superflues (jusqu’à en devenir exténuée) en travaillant à droite à gauche toute la journée. Si les tâches sont d’abord perceptibles comme du travail (payé), face au danger, les habitants décident d’augmenter la charge de travail tout en baissant sa paye. Un acte qui signe le début de la bassesse humaine et la décadence extrême de l’envie. Là où elle devait s’occuper d’enfants, faire le ménage, apprendre à un homme à jouer aux échecs, elle devient désormais la bonne à tout faire, celle qui signe une bonne fois pour toute cette différence entre l’envie et le besoin. Les tâches ne sont donc plus des besoins, mais bien des envies, et comme toute envie, il y a une insatisfaction éternelle : l’esclave sexuelle qu’elle devient perd littéralement sa liberté (jusqu’à être enchainée par le cou) et les villageois n’ont plus aucune limites. L’envie dans Dogville est destructrice et représente au mieux la nature humaine dans sa forme la plus pessimiste, dans les dégâts moraux qu’elle inflige à sa victime. Si la force de frappe de l’envie agissait envers le personnage principal, l’envie est cette fois-ci questionnée directement par rapport à son personnage principal dans Melancholia. Justine (Kirsten Dunst) doit se marier, et elle agit justement comme une personne qui a totalement exorcisée l’envie. Quoi de mieux pour faire barrage à ce péché qu’en développant un état dépressif ? La mélancolie dont souffre Justine empêche totalement le simple désir de posséder le bien d’autrui. Pour preuve, elle ruine son mariage sans le regretter, elle fait face à l’apocalypse sans en avoir peur. Cette non-envie (à la fois de posséder un bien, mais également de produire ne serait-ce qu’un simple désir) produit des dégâts moraux considérables à sa propre personne. Vouloir toujours plus, désirer le bien d’autrui, ne plus savoir que faire de sa propre personne… Des faits qui peuvent transformer l’envie en une pulsion violente et meurtrière. Antichrist (2009) et The House That Jack Built (2018) en sont des sommets modernes. Antichrist aurait très bien pu faire parti des dégâts moraux, mais il est dans cette case de violences pour une raison précise : l’extrême douleur mentale se prolonge dans une violence physique insoutenable (qui a énormément posée problème lors de sa sortie et sa projection au Festival de Cannes). Si l’envie de faire l’amour des personnages de Charlotte Gainsbourg et Willem Dafoe provoquent la mort accidentelle de leur fils, c’est elle qui provoque également la dégringolade dans les abysses de la violence. C’est le sexe qui est au coeur des questionnements : l’envie est réprimée, très durement (la bûche sur le pénis du personnage de Willem Dafoe en atteste, tout comme le clitoris et les lèvres du personnage de Charlotte Gainsbourg). C’est une mort à l’envie, une envie qui est meurtrière et qui rend la violence obligatoire, même dans cette thérapie qu’il tente d’effectuer et dans sa résolution finale… Si la violence d’Antichrist est atroce, The House That Jack Built mêle l’immoral et la violence à l’écran. Lars von Trier s’intéresse à l’envie en tant que moteur et essence de la créativité (aussi sombre soit-elle). Jack (Matt Dillon) est un tueur en série qui sévit dans l’Etat de Washington des années 70 à 80. Un tueur en série qui nous plonge dans cette réflexion sur l’envie, la mort, mais aussi cette descente vertigineuse dans la religion. Verge lui apparaît et le guide en Enfer (Virgile en réalité qui guide Dante). Et c’est cette descente aux Enfers qui nous paraît surprenante pour les différents meurtres qui sont explicités aussi bien dans un contexte narratif, poétique et visuel. La figure du tueur en série est étudiée, quelques minutes sont même dédiées à la pulsion, et on voit l’envie de Jack prendre le dessus à la fin de chaque meurtre, parce que pour lui, chaque meurtre est un art. La violence est présente à l’écran à cause de son envie de vouloir toujours plus, de faire toujours mieux, ce qui provoque des scènes choquantes comme une partie de chasse sur des enfants ou une femme qui se fait découper les seins. L’amour est un thème présent dans tout ses films et qu’il exploite avec un pessimisme récurrent, mais on ne peut parler de Lars von Trier sans mentionner Nymphomaniac (2013) et Breaking the Waves (1996). Son très long (5h) Nymphomaniac s’intéresse à la vie sexuelle de Joe (Charlotte Gainsbourg). Si le sexe est une force majeure de son cinéma, il l’exploite ici pleinement en mettant en avant de nombreuses scènes explicites et en exposant un trouble du désir rare qui est la nymphomanie. Il pose alors, logiquement, des questions d’insatisfaction et de cette recherche interminable et constante du plaisir. A partir du moment où elle en veut toujours plus, on peut facilement la lier à l’envie qui prédomine sa vie (ce n’est pas une simple phase puisqu’on l’a voit plus jeune grâce au personnage de Stacy Martin). L’envie et l’amour pour le sexe sont intimement liés, comme une relation plus globale, toutes les relations sexuelles appartiennent à quelque chose de plus grand, de plus fort, de plus insatisfaisant. Enfin, Breaking the Waves est le premier film de la trilogie Coeur d’or (avant Les Idiots et Dancer in the dark) et se rapproche énormément de Melancholia vis-à-vis de son pessimisme pour l’amour et le mariage. C’est son film le plus attaché à la religion et à l’importance des péchés par rapport à une communauté et une morale. Bess (Emily Watson) se marie avec Jan (Stellan Skarsgard), lorsqu’il fait face à un accident, il devient paralysé. Lars von Trier marie l’innocence à l’expérience et développe l’envie comme un trait de caractère qui s’est décuplé à cause de quelqu’un : ici, à cause de Jan. Il y a une double-envie dans ce film, une envie de Jan qui agrandit celle de Bess, un cercle vicieux et interminable où le sexe est un témoin et une preuve de l’amour, un amour pour dieu et un amour pour Jan qui a sans cesse besoin d’être alimenté. La religion a ici pour but de limiter cette envie mais il n’en est rien… Lars von Trier dépeint une vision invincible de l’envie. On ne peut s’en libérer, et quand on s’en libère, on en souffre. D’après lui, il semble que nous sommes intrinsèquement lié à elle, dépendant mais nécessaire avant tout, même si les destins funestes et les nombreuses tragédies font partis des effets secondaires du péché. Peut-être est-il lui aussi atteint de ce péché, car en créant le Dogme95 (mouvement cinématographique), il a finalement cette envie de faire mieux que les autres en adoptant une vision plus radicale. Ainsi s’analyse ce 2e des sept péchés capitaux. Pravine B.Une envie, un vice
L’envie et le préjudice moral
Le besoin et l’envie
Mélancolie envieuse
L’envie et la violence
L’envie comme moteur de la créativité
L’envie et l’amour
L’envie et la sexualité
3. Troisième des sept péchés capitaux : la Luxure de Gaspar Noé
« L’art et la religion ne sont pas deux choses, mais plutôt l’envers et l’endroit d’une même étoffe » écrivait le philosophe Alain. L’Art, à travers les siècles, s’est évertué à représenter les Sept Péchés Capitaux définis dans la chrétienté. En peintures, en récits, en sculptures… et en films. Cherchez dans votre mémoire, et vous retrouverez aisément chacun de ces Sept vices dans une œuvre des Sept Arts classiques. La luxure est, par définition, l’acte sexuel qui n’a pas pour finalité la procréation. Parmi tous les sept péchés capitaux, ce plaisir de la chair est sans nul doute celui dont la représentation a été la plus sévèrement censurée par les autorités politiques et religieuses. Comme si, de tous les péchés, celui-ci était le moins montrable, le plus sulfureux, le plus grave, le plus coupable. La censure a toujours cherché à contrôler l’Art, interdisant tout ce qui lui semblait subversif vis-à-vis de l’ordre établi. Comme exemple notables, il y eut la censure du marquis de Sade (Les 120 jours de Sodome) en littérature, de Botticelli (la Naissance de Vénus) en peinture, de Baudelaire (Les Fleurs du Mal) en poésie… Le cinéma, art récent et doté d’un pouvoir de l’image particulièrement suggestif, a eu le malheur de naître alors que la censure était déjà bien établie dans ses dogmes et ses normes. A Hollywood, le Code Hays censurait dès 1930 l’atteinte aux bonnes mœurs, et en premier lieu, le fait de filmer des scènes jugées trop « passionnées », de nature à contrevenir aux bonnes mœurs. La censure, d’une sévérité exemplaire, débutait dès le baiser trop appuyé. C’est ainsi que la représentation du sexe, contrairement à celle, par exemple, du meurtre, s’est rapidement retrouvée dans un cinéma parallèle, confidentiel et socialement honteux, le cinéma pornographique. La luxure est devenue de fait, commercialement et artistiquement, persona non grata au cinéma. Pourtant, au fil du temps et de la maîtrise de leurs arts, des réalisateurs ont commencé à vouloir réinjecter du sexe dans le cinéma classique, et lever ce tabou puritain fortement ancré dans le média. Pier Paolo Pasolini est de ceux-ci, et sort en 1975 son film Salò, manifeste antifasciste aux nombreuses scènes orgiaques et sexuellement explicites. Ce film, sulfureux encore aujourd’hui, va profondément marquer les esprits. En 1981, un jeune spectateur argentin récemment arrivé en France ressort bouleversé de la salle de cinéma où il vient de le visionner : Gaspar Noé. Au gré de ses interviews, Noé devenu grand ne cessera de rendre grâce à Pasolini, et de confier à quel point la vision de Salò, le jour de ses 18 ans et sur les conseils de sa propre mère (sic) fut un choc pour sa cinéphilie. Ce film est « l’œuvre la plus éducative sur la domination de l’homme par l’homme » déclarera-t-il (Sight and Sound, 2012). Cette idée d’attraction-répulsion du sexe sera un des fondements de sa filmographie, et va nourrir sa volonté de toujours décloisonner le cinéma classique et le cinéma pornographique. Pasolini était un anticlérical convaincu, Noé est un nihiliste forcené. Pasolini abordait la luxure par l’esprit, par la tête, avec le Christ charnel de Théorème. Noé la dissèque par le bas, par la matière, littéralement par les tripes, avec le boucher de Carne (1991), son premier moyen métrage. La carne, c’est à dire la viande, la chair, contaminent le film jusqu’à sa photographie, constamment rouge. Rouge sang, rouge passion, rouge du crime, Carne narre l’histoire d’un boucher chevalin de la banlieue parisienne (Philippe Nahon), qui, tenaillé de pulsions incestueuse envers fille, va poignarder un ouvrier Arabe dont il croit, à tort, qu’il a violé sa fille. Comme dans Œdipe (encore Pasolini) l’inceste est un corollaire obstiné de la luxure chez Noé, et se retrouvera à plusieurs reprises dans ses films. Dans Enter The Void, dans Climax… et dans Seul contre tous. Seul contre tous (1998) est la suite de Carne. Le personnage de Philippe Nahon sort de prison après avoir purgé sa peine. Humilié, rejeté par les femmes, délaissé par tous, il aimerait tuer le monde entier avec les trois balles de son revolver. Le film, intégralement souligné par la voix-off de l’ex-boucher, est riche en monologues racistes et fascistes. La caméra, constamment fixée sur Nahon, n’est pas sans rappeler Angst de Gerald Kargl (autre film référence de Noé) et renforce cette ambiance paranoïaque. La luxure de Carne débouche ainsi sur l’ensemble des sept péchés capitaux, la colère, l’envie… La luxure, origine du mal ? Ce diptyque Carne/Seul contre tous, sorti au cinéma au cœur des années 90, creuse l’idée du déclassement du mâle blanc à la fin du XXe siècle, que l’on retrouve également dans la littérature de Michel Houellebecq (Les Particules élémentaires, Extension du domaine de la lutte). Ce boucher, peu attractif physiquement et socialement pour la gent féminine, se retrouve dans l’impossibilité de combler son désir charnel. Il y a un désir continu de luxure, qui, inassouvi chez ces personnages frustrés, les pousse à la névrose et la folie. Sigmund Freud a longuement théorisé sur le Thanatos, cette pulsion de mort autodestructrice qui concurrence la pulsion de vie, l’Eros (Au-delà du principe de plaisir, 1920). La pulsion sexuelle frustrée devient pulsion de mort. Cette pulsion de mort, c’est peut-être ce qui pousse Le Ténia (Jo Prestia) à violer Alex (Monica Bellucci) dans Irréversible (2002), troisième long métrage de Noé qui déchaîna Cannes et fit hurler la censure – ce qui contribua au succès public du film. Là encore, la luxure s’associe à la violence, et la scène, d’une durée insoutenable de 10 minutes, se fait face à la caméra. Noé dira s’être particulièrement inspiré de Straw Dogs de Sam Peckinpah, film dans lequel la scène de viol, bien qu’éprouvante, restait toutefois hors-champ de la caméra. Irréversible s’inscrit dans le genre cinématographique du rape and revenge, en vogue dans le cinéma bis des années 70. Toutefois, bien éloignée d’une série B rudimentaire, le film se singularise par une technique de caméra irréprochable. L’action est ainsi filmée, au moyen de quelques trucages numériques, sous la forme d’un plan-séquence unique, monté à rebours chronologiquement. Ce sont ces acrobaties de la caméra, cette certaine virtuosité des mouvements d’appareil, qui vont par la suite caractériser « le style Noé », mêlant spectaculaire et vertige. On retrouve le Thanatos de Freud dès son film suivant, Enter The Void (2010). Ce film, délaissant les tons ocres pour un visuel psychédélique, débute par la mort de son personnage principal Oscar (Nathaniel Brown). Ce dernier, devenu créature éthérée, va errer dans Tokyo à la recherche de sa sœur Linda (Paz La Huerta), fidèle à leur promesse de ne jamais se quitter. Techniquement, si Enter The Void s’inspire des travellings circulaires de 2001 : l’Odyssée de l’Espace, le film partage également avec le classique de Kubrick une certaine recherche des Origines. Si chez Kubrick, elle se trouve dans la chambre du cosmos, chez Noé, le héros retourne à l’unité, jusqu’à une scène d’amour incestueuse avec sa sœur, et une caméra embarquée dans… le vagin de ladite sœur. La luxure chez Noé sait aussi être potache. Symboliquement, la mort mène au sexe, qui mène à la naissance. Le film boucle cet éternel retour. Si Enter the Void est le Thanatos, alors Love (2015) est l’Eros. Peu avare en scènes de sexe explicite, il est le film le plus charnel de Noé, le plus sensuel. Sensuel au point de subir en France, une levée de bouclier d’une association catholique, aboutissant à son interdiction aux moins de 18 ans, et à une distribution tronquée. « Dans ce pays occidental, libre, laïc, les financiers se rétractent dès qu’il y a une bite à l’écran » en rira un Noé finalement philosophe (See-Mag, 2 juin 2018). Car la censure, par effet Streisand, transforme désormais ses films en happening incontournable. Et ceci, le réalisateur argentin sait en jouer médiatiquement. Le scénario de Love narre, en flashback, la naissance d’un triangle amoureux entre le couple Murphy-Electra (Karl Glusman & Aomi Muyock) et leur voisine Omi (Klara Kristin). Si le film ne s’interdit aucune scène érotique et pornographique, cette lubricité n’est pourtant pas joyeuse, elle n’est pas festive. Elle est mélancolique, elle est même désespérée, puisque ces aventures charnelles, vont finalement aboutir à la rupture du couple, pourtant véritablement amoureux. C’est un film fait avec « Du sperme, du sang et des larmes… l’essentiel de la vie » dira Murphy, paraphrasant presque… Churchill. Noé décrit l’amour comme une drogue dure dont le sexe serait la piqûre (Le Figaro, 16 juillet 2015). « L’amour est étrange » dit Murphy « Comment une chose si merveilleuse peut-elle procurer tant de douleurs ? ». L’état amoureux est comme un état addictif, un état qui, physiologiquement, fait secréter endorphine et dopamine, enzymes du plaisir. Et quand cet amour s’étiole, les changements de partenaires des héros de Love sont inéluctables. Le film, tourné en 3D-relief, simule le vertige puis la chute morale des protagonistes. Dans Love, la chair est triste. La chair est triste, et la chair de sa chair l’est également. L’achèvement biblique de l’acte sexuel, la procréation et la naissance de l’enfant ne sont jamais une joie ni une vertu dans le cinéma de Noé. La naissance de l’enfant annonce le malheur. Dans Love, l’enfant illégitime de Omi et Murphy atomise le couple Murphy-Electra. Dans Carne/Seul contre tous, il symbolise l’échec du père et cristallise ses frustrations. Le bébé à naître d’Alex dans Irréversible ne survivra pas à son viol. Les frères et sœurs à peine sortis de l’enfance d’Enter The Void, sont respectivement dealer et strip-teaseuse. Dans Climax (2018), l’enfant meurt électrocuté dans le local électrique où sa mère l’avait enfermée. Après la pulsion sexuelle, il y a la pulsion de la reproduction (« Croissez et multipliez et remplissez la terre » – La Genèse). Il y a, là aussi, la même impasse eschatologique, le même inachèvement de la construction humaine. L’Eros est une drogue, disions-nous. Elle procure un plaisir et puis une extase, un état de jouissance absolu. Quand cet état cesse-t-il ? Dans Climax, étymologiquement « le point culminant », Noé se pose la question de l’apex du plaisir, non seulement orgasmique, mais dans toutes ses acceptions. Que reste-t-il après le plaisir ? Et, comme dans un bad trip, que se passerait-il si ce plaisir ne s’arrêtait jamais, s’il se maintenait à son climax ? Climax est une montée de cette angoisse. Un film catastrophe sur l’implosion d’une société de jeunes gens, pourtant talentueux, heureux et bienveillants. Comme dans l’Ange Exterminateur de Buñuel, Noé observe dans ce huis-clos, le craquèlement du vernis social sous l’effet de l’animalité lubrique. « Le temps détruit tout » concluait Irréversible. Le message est Climax est inverse : création et destruction alternent tel un balancier, selon un même processus réversible. C’est ainsi que la luxure n’est pas un péché capital chez Gaspar Noé le nihiliste, pas plus qu’elle n’est une vertu cardinale. Elle est ambivalente, tour à tour tragique ou heureuse, instrument de malheur ou source de joie, séduisante puis avilissante, constructrice et destructrice. Ce n’est ni un des sept péchés capitaux, ni une des huit vertus théologales. Dans son dernier moyen-métrage présenté à Cannes, Lux Aeterna (2019), les sorcières Béatrice Dalle et Charlotte Gainsbourg incarnent cette force tentatrice, luxurieuse et lumineuse. « Lux », la lumière, racine latine de tout ce qui brille. Que la luxure soit ; et la luxure fut. Ainsi s’analyse ce 3e des sept péchés capitaux. Raphaël C.Cachez ce sein que je ne saurais voir
L’origine du Mal ?
Névrose et Instinct de mort
L’éternel retour
La chair est triste
L’enfant et le malheur
Construction et destruction
Luxure éternelle
4. Quatrième des sept péchés : la Colère de Nicolas Winding Refn
Le réalisateur danois derrière Drive (2011), The Neon Demon (2016) ou plus récemment la série Prime Video Too Old To Die Young (2019) aurait certainement pu correspondre à plusieurs péchés parmi les sept péchés capitaux. Tant par sa propre personnalité hautaine qu’avec la création de protagonistes détestables, NWR est parvenu à construire une aura antéchristique englobant l’entièreté de son oeuvre. Entre orgueil de l’homme et art parsemé par une violence souvent justifiée par arrogance ou envie, ou même par la simple tension sexuelle omniprésente, chaque film de Refn atteint inéluctablement le rang de véritable aventure pécheresse. Pourtant, il semblerait que le vrai moteur derrière cette machine bien huilée soit la colère, la violence, la jouissance pure de moments où il n’y a rien de plus que la puissance d’un coup de poing ou le retentissement d’un coup de feu, car c’est bel et bien par la violence que pèchent avant tout les personnages de Refn : violences conjugales, torture et meurtre dans Bleeder (1999); quête ultime de vengeance dans Only God Forgives (2013) ou l’inoubliable cannibalisme dans The Neon Demon, finalement peu d’exemples qui suffisent à convaincre qu’un film de NWR traverse, presque par nécessité, ces instants d’effervescence. Or derrière la violence se cache constamment une colère palpable, que les protagonistes tentent de dissimuler derrière un masque d’inexpressivité qui finit par tomber et se briser, révélant par la même occasion leur vrai visage, permettant ainsi un crescendo dans la fureur, un déferlement de haine, faisant généralement le charme des films de NWR. C’est donc en cherchant à libérer le trop-plein émotionnel accumulé tout au long de l’histoire que se canalise et se libère la violence. Pour NWR, la colère est ce qui transparaît en chacun, presque dégoulinante, à en croire l’oeil aiguisé du cinéaste. Il n’y a presque plus que la colère qui habite et caractérise chaque personnage mis en avant, comme trait principal de l’humain décrit. Le meilleur exemple de cette caractérisation par la violence est bien évidemment celui du Borgne dans Valhalla Rising (2009), viking muet qui ne s’exprime que par le sang et pour qui le seul oeil valide est la source de visions aux couleurs rougeâtres. La violence devient donc à la fois libératrice et péché, tant pour l’émetteur de ladite violence que pour les multiples receveurs : les antagonistes qui reçoivent leur châtiment, le spectateur qui se purifie en s’identifiant à l’émetteur, et finalement, le réalisateur qui dénonce l’Homme tel qu’il le perçoit. La violence aura donc rarement été aussi cathartique que dans l’oeuvre de NWR qui, par le lien qu’il arrive miraculeusement à créer entre ses personnages et ses spectateurs, permet ainsi cette fusion passionnelle et sanguinolente qui finira par unir les deux entités. C’est d’ailleurs certainement pour cette raison que le cinéma de Refn a cette puissance et cette capacité d’hypnotiser le spectateur, car c’est à travers ses films que chacun d’entre nous peut voir survenir la rage qui se tapit au fin fond de notre âme. Qui est alors le plus condamnable, entre celui qui souhaite exacerber cette violence (le réalisateur), celui qui l’incarne (la colère froide de Gosling dans Drive en est peut-être le meilleur exemple) ou celui qui l’accepte et la reçoit de plein fouet ? Le plus inacceptable reste certainement de cautionner l’inhumanité des actes barbares qui, certes mis en scène, n’en sont pas moins perturbants. Refn pose donc un dilemme à chacun de ses films : Comment devons-nous nous positionner vis-à-vis de la haine qu’il propage ? Loin d’être une violence gratuite et sans but, elle questionne les valeurs constituant la base de notre société. Le fait de pouvoir s’extasier devant un NWR relève donc indubitablement d’un conflit intérieur que le film doit être en mesure de résoudre tout au long de son développement. La lenteur caractéristique des oeuvres de Refn (décuplée dans Too Old To Die Young) revient donc à un long processus censé nous détacher de toutes ces enclaves sociétales. Car au final, l’interrogation qui plane au-dessus de toute la filmographie de Refn est la suivante : Peut-on et doit-on justifier la colère et la violence qui nous sont présentées ? Selon NWR, la réponse est bien évidemment positive. En effet, il ne cesse de renverser les codes (autant scénaristiques que sociaux) pour pousser le spectateur à adhérer à son idée. Peut-on réellement en vouloir à la belle gueule de Gosling (Drive, Only God Forgives)? Bronson (Tom Hardy) a-t-il vraiment tort de cogner la meute de policiers venue le garder docile et captif (Bronson, 2008) ? La perte d’un être cher justifie-t-elle une longue vengeance sanglante (Only God Forgives) ? Difficile de donner une réponse définitive dont nous sommes sûrs et certains. C’est de cette façon que Refn crée un bouillonnement intellectuel et viscéral lors du visionnage de ses oeuvres : impossible de faire face à la représentation pure et dure de la nature humaine, celle des tréfonds, celle que l’on veut cacher, mais tout autant inévitable de ressentir du plaisir à l’instant T de l’explosion de brutalité. Chaque film semble donc pensé pour créer, au sein-même du spectateur, une colère envers l’oeuvre visionnée. « Comment ose-t-on troubler mon ordre préétabli de normes et de valeurs ? » crie le spectateur, toisé par le réalisateur danois. Si Refn n’est ni le premier, ni le dernier à explorer la piste du conflit moral, il s’apparente assez clairement à une sorte de Marquis de Sade des temps modernes : sexe et violence sont au centre de son univers, où luxure et colère y sont constamment dépeints. Pour autant, la colère n’aura jamais été aussi esthétique, aussi magnifiquement transcrite que dans un film de Refn. De par un aspect quasi-onirique, égaré dans une ambiance typée boîte de nuit (les néons si chers à la photographie de NWR), il semble facile de perdre toute notion spatio-temporelle. Alors finalement, pourquoi ne pas mettre de côté et oublier le temps d’un instant toute notion morale, et pleinement profiter de l’émerveillement né d’une grandiose et maléfique colère ? Ainsi s’analyse ce 4e des sept péchés capitaux. Terence S.Colère et violence
Une violence libératrice
Le dilemme du héros violent
Une colère des profondeurs
5. Cinquième des sept péchés capitaux : l’Orgueil dans le cinéma de David Fincher
Casque vissé sur les oreilles. Trent Reznor/Atticus Ross à fond dans les tympans. Clavier branché et note baignant dans les traces de café. Tout est prêt pour un retour derrière l’écran afin de poser des mots sur la carrière d’un des cinéastes américains les plus cryptiques de sa génération : David Fincher. Défi orgueilleux d’analyser, sous le filtre des sept péchés capitaux, un réalisateur qui en a justement fait son premier film culte. L’orgueil, c’est justement le péché parmi les sept péchés capitaux, qui résonne instantanément lorsqu’on évoque cet homme. Péché illustré dans son Seven (1996) par une mannequin choisissant de mettre fin à ses jours plutôt que d’affronter le regard des autres avec son visage défiguré par le monstre John Doe. Fincher définissait alors l’orgueil et la vanité, en un coup ; un pêché sans matière fait de privation et de frustration où la finalité ne peut être que la chute inexorable de l’âme humaine. De Lisbeth Salander qui paye le bienfaits de ses actes par une haine envers les hommes aux malfrats qui refusent par suffisance de voir leur échec d’entrer dans la Panic Room de Jodie Foster, David Fincher a touché à toutes les formes d’orgueil dans sa vaste et quasi-parfaite filmographie. Lorsque David Fincher s’exprime en 2014 pour le magazine Première, lors de la promotion de Gone Girl (2014), il choisit le prisme des médias et du contrôle de l’image pour donner des filtres de lecture à son œuvre. Ainsi la télévision est vue, chez Fincher, comme le miroir d’orgueil par excellence, celle qui entretient l’image et qui contrôle ce que l’on souhaite que l’autre perçoive de nous même. Une recherche de vanité qui s’exprime à son paroxysme au travers du personnage d’Amy. Dans l’adaptation du roman de Gillian Flynn, Rosamund Pike interprète une trentenaire populaire et égérie d’un livre pour enfants. Livre dont elle reste à tout jamais la parfaite petite fille décrite dans « Amazing Amy ». Lors de sa disparition, le suspect est Nick Dunn (joué par Ben affleck), son mari, soupçons étayés par un journal intime accusateur révélant les violences conjugales, morales et physiques que subiraient Amy. Sauf qu’autant que la disparition, le journal et l’image de la parfaite petite fille, s’avèrent faux et montés de toutes pièces. Amy est réalisatrice, scénariste et actrice de sa propre vie grâce aux jeux de manipulation qu’elle opère sur sa famille et les médias. Son mari, Nick est dirigé dans un thriller fictionnel puis utilisé comme couverture médiatique ; et Desi (Neil Patrick Harris), dont elle se joue avec ses caméras et sa sécurité numérique, pour mieux le détruire et s’échapper de sa cage dorée. Fincher se transpose ainsi en Amy pour dévoiler la vanité de l’être humain et l’orgueil qui est produit par son image fictive entretenue par les médias et réseaux sociaux. Deux thèmes qui règnent chez David Fincher. Tout d’abord les médias, quête de popularité qui touche aujourd’hui a des sommets de caricature humaine avec la télé réalité. Fincher en fait une critique acerbe au travers d’Amy dans Gone Girl lors d’une discussion entre elle et Desi. Mais c’est dans Zodiac (2007) que la quête d’égo mène le suffisant tueur aux énigmes a nargué la police et la presse dans une chasse à l’homme. En envoyant ses lettres et aveux cryptés à la presse, c’est une recherche de vanité et donc de reconnaissance de soi que le tueur, toujours inconnu aujourd’hui, tente d’assouvir. Fincher présente le film L’inspecteur Harry, sorti suite à la série de meurtres, dans Zodiac comme une vitrine des exploits morbides du tueur au zodiaque. Dans un second temps, la police, elle, est blessée dans son orgueil face à son impuissance pour capturer le serial killer. Fincher explore une autre des facettes de ce péché par l’intermédiaire de Robert Graysmith, interprété par Jake Gyllenhaal. Par sa curiosité et son amour des devinettes, il est poussé par son orgueil à poursuivre le tueur au delà de ses compétences. Simple pigiste, il tente de devenir justicier nocturne pour assouvir sa soif de victoire. Ensuite Fincher ausculte les réseaux sociaux avec The Social Network (2010). Non seulement il y montre l’arrogance de l’être humain de se montrer et de vendre sa vie à tous, mais il y parle aussi de la mégalomanie d’un Mark Zuckerberg qui, sous l’influence de l’alcool, décide d’investir les relations sociales afin de les contrôler, voire de les refaçonner à sa convenance pour corriger les bugs qui sont parsemés dans le réel. Paradoxalement, le personnage du film se mure dans un isolement de plus en plus ancré au fur et à mesure de ses succès. Solitaire, repoussant les autres pour garder le contrôle surtout et principalement sur lui-même. Son orgueil allant jusqu’à refuser la paternité partagée de Facebook et voyant comme une victoire son ex-petite amie inscrite sur son réseau social. Ce qui renforce ainsi sa position de créateur et formateur de l’image du monde qu’il souhaite produire. David Fincher montre les besoins les plus sombres de l’Homme, qui sont de créer son image, fictive ou non. Au travers des réseaux sociaux, des médias, le cinéaste explore la vanité des hommes et le besoin élémentaire du retour positif des autres. Il dissèque les personnages, qui au contraire, se refusent au monde pour protéger leur « moi », préférant s’enfermer dans leur manoir d’orgueil comme Nicholas Von Horn dans The Game (1997). Taciturne, solitaire, le personnage joué par Michael Douglas s’isole de ses proches pour éviter la vérité ; son arrogance cachant un attachement à son frère tout en l’obligeant à le sous-estimer. Il devrait savoir que si l’arrogance précède la ruine, l’orgueil, lui, précède la chute. Fincher le sait. Dans son final, au bout du rouleau, le milliardaire ruiné et meurtri dans son orgueil n’a plus aucune autre alternative que de se jeter dans le vide pour mettre fin à son malheur. C’est dans sa « résurrection » qu’il trouvera la possibilité de changer, d’oublier son orgueil et d’avancer vers les autres. Une purification de son âme par la purge de ses péchés, subissant son jugement divin. Une position divine qui en filigrane traduit une mise en abîme de David Fincher. Le cinéaste est un « freak control » de l’image substituant la pellicule au numérique pour décider de la moindre parcelle de pixel à l’écran. Dans Fight Club (1999), le numérique, par l’intervention démoniaque de Tyler Durden, vient à faire trembler la pellicule au point de la brûler, et, la manipule pour pervertir un public préférant se voiler les yeux face à ses propres vices. Cette argentique mise au bûcher symbolise l’obsession de Fincher d’être le dictateur de l’image, celui qui montre la voie au spectateur dans son dédale numérique. Un péché d’orgueil et de vanité naturel chez un artiste, mais une volonté directionnelle dans le cinéma de Fincher. Après tout, Durden est le doppelganger imaginaire qui est né de l’impuissance du narrateur à contrôler sa vie et celle des autres ; soit le plus farouche orgueil que l’on peut voir chez son auteur et une illustration de son besoin de contrôle. C’est par ailleurs pour soigner une blessure dans son besoin de contrôle et son orgueil que Fincher a souvent présenté Seven comme son « vrai » premier long-métrage pour effacer l’accident industriel d’Alien 3 (1992). Il n’est pas innocent que le cinéaste se soit intéressé à ce « buddy movie »sur fond de péchés capitaux et de traque d’un tueur en série pour le transformer en un film noir, dur et sans espoir. Déjà il se perçoit en David Mills, jeune détective à la criminelle qui découvre les violences et la dureté des grandes villes. Mais l’introspection touche son point culminant dans son final où le détective Mills, par péché d’orgueil, refuse d’entendre les conseils de son mentor et coéquipier Somerset et se retrouve face à son abîme matérialisé en John Doe. Le tueur ayant décapité son avenir pour le poser dans une boite en carton qui sera son point de rupture, transformant l’exécution du tueur en un suicide autant professionnel que personnel pour David. L’orgueil devient alors la colère. C’est d’ailleurs par mégalomanie que Doe se livre à la police auparavant. Il démontre ainsi sa puissance divine, et s’il reconnaît être l’incarnation du péché de l’envie, il manipule Mills tel un démon à double corne jouant sur l’orgueil de ce dernier et sur le mensonge de ses intentions. Le cinéma, la peinture et tout autre art est composé d’orgueil, David Fincher n’y échappe pas. Plutôt que de le nier, il préfère le montrer et le dénoncer par les miroirs de vanité et d’arrogance que le monde utilise en permanence. Traversant l’évolution du numérique dans ses œuvres et les technologies, le cinéaste use de sa position divine de réalisateur de vie pour analyser les fourmis qu’il perçoit dans son quotidien. Quitte à, lui aussi, exacerber son orgueil. Ainsi s’analyse ce 5e des sept péchés capitaux. « Je suis le sentiment de rejet exacerbé de Jack » Vincent G.Seven, l’évidence
« Les jeunes passent beaucoup de temps à façonner leur identité, à construire leur image et à réfléchir à la façon dont ils veulent être perçu par les autres »
Gone Girl
L’orgueil médiatique
L’orgueil et les réseaux sociaux
L’égo, cet ennemi
Fincher, l’orgueil personnifié ?
Le control-freak, péché d’orgueil
L’orgueil, moteur de l’artiste
6. Sixième des sept péchés capitaux : l’Avarice dans le cinéma de Jean Girault
Au premier abord, lier Jean Girault à l’un des sept péchés capitaux semble incongru. Père fondateur des iconiques Gendarmes de Saint-Tropez, Jean Girault est considéré comme l’un des meilleurs réalisateurs de comédies françaises de la seconde moitié du XXème siècle. 32 longs-métrages derrière la caméra et plus de 77 millions d’entrées cumulées : ses 22 années de carrière reste un exemple pour beaucoup. Alors, lequel des sept péchés capitaux avons-nous pu trouver ? Lorsque l’on se penche sur sa longue filmographie, sa fidélité constante dans ses thèmes et ses choix d’acteurs est remarquable. Michel Galabru et Louis de Funès sont ses deux coqueluches préférées avec 28 collaborations entre le réalisateur et les deux acteurs. Jean Girault a toujours trouvé intéressant d’exposer un groupe d’individus dans des situations inconnus pour eux. La saga des Gendarmes ou encore La Soupe aux Choux démontre bien ces mises en situations surprenantes auxquelles ses personnages ne savent pas réellement comment réagir. Parmi ces positions délicates, la gestion de l’argent et tout ce qui en découle est récurrente dans sa filmographie. Dans les années 60, la France est en pleine période dite des « Trente Glorieuses ». 20 ans après la fin de la seconde Guerre Mondiale, les conditions de vies ne cessent de s’améliorer. L’économie est relancée et est en croissance constante. Les Français s’enrichissent, l’avarice les guette alors. Jean Girault remarque ce phénomène de société et décide d’adapter en premier lieu Sans cérémonie, une pièce de théâtre co-écrite avec son ami scénariste Jacques Vilfrid dans les années 50. Pouic-Pouic sort en salles en novembre 1963 et dépassera les 2 millions d’entrées. Louis de Funès campe le rôle principal aux côtés de Mirelle Drac ou encore Roger Dumas. Il y joue un père qui ne vit que pour les belles courbes de la bourse jusqu’au jour où sa compagne (interprété par l’excellente Jacqueline Maillan) achète avec toutes leurs économies une mine de pétrole imaginaire. Ruiné, il réunit toute sa famille pour revendre cette fausse affaire à son potentiel gendre aux comptes en banque garnit. Ensemble, ils essaieront toutes les solutions possible et inimaginables pour se débarrasser de ce poids. L’histoire tourne véritablement autour de l’abus de confiance et la malice avec laquelle les personnages usent de leur charme. Personne ne désire être perdant, ce qui illustre bien les mentalités de l’époque. L’avarice plane dans la conscience commune ; l’enrichissement personnel devient une obsession. Chacun pour soi et Dieu pour tous ! Quelques mois plus tard en février 1964, Jean Girault réalise Faites sauter la banque !, comédie familiale une nouvelle fois avec Louis de Funès. L’abus de confiance est toujours au centre de l’intrigue mais crée cette fois-ci une forme d’avarice aux saveurs de vengeance. Le mal est une nouvelle fois représenté par un homme dont l’intérêt est d’arnaquer autrui. Le père furieux interprété par Louis de Funès se donne alors corps et âme pour effacer cette mésaventure de sa vie et voir son compte en banque à nouveau dans le vert. Pour conclure, comment ne pas évoquer le long-métrage qui défini le mieux l’avarice dans toute la filmographie de Jean Girault : l’adaptation de la célèbre pièce de Molière, L’Avare. Reprenant clairement les codes du théâtre, cette comédie burlesque co-réalisé avec Louis De Funès en 1980 signe la fin des productions de Jean Girault sur ce péché. Il décèdera quelques années plus tard en plein tournage du Gendarme et les Gendarmettes le 24 juillet 1982. Avec L’Avare, il offre 120 minutes où seule la richesse compte pour un homme qui en délaisse les propres sentiments de sa famille. Adaptée à la virgule près, cette double réalisation reste encore aujourd’hui l’un des films les plus représentatifs de l’avarice dans l’histoire du cinéma français. Jean Girault aimait voir ses acteurs préférés dans des rôles qui leur correspondent. Louis De Funès fut l’homme de la situation pour interpréter magnifiquement bien chaque personnage avare et amoureux de son pécule. Les deux hommes ont laissés derrière eux de nombreux classiques que chacun aime découvrir et revoir. Ainsi s’analyse ce 6e des sept péchés capitaux. Tom V.Un argent problématique
Fric-Fric
De Funès, figure de l’avare
7. Septième des sept péchés capitaux : Jim Jarmusch et la Paresse
Lorsqu’on se plonge dans la filmographie de cet illustre cinéaste qu’est Jim Jarmusch nous n’avons aucun mal à discerner cette particularité reliant et rythmant l’intégralité de son œuvre. En effet, s’il y a bien un aspect se détachant de celle-ci, c’est cet éloge à peine dissimulé à l’errance, l’oisiveté et tant d’autres qualificatifs qui ne revoient à rien d’autre qu’à la paresse, le dernier des sept péchés capitaux. C’est toute l’essence de ces personnages composant la fresque jarmuschienne, de Aloysious Parker à Paterson en passant par Don Johnston (merveilleux Bill Murray), que d’errer aux quatre coins du continent américain parfois sans autre but que le simple plaisir que procure cette errance solitaire. Ce postulat, Jarmusch l’introduit et l’affirme dès son premier film, Permanent Vacation. Il sera par la suite le fil rouge reliant l’ensemble de ces long-métrages en ce qui s’apparente être une vaste quête d’exploration de cette notion si jarmuschienne, ancrée si profondément au sein de la psychologie des personnages composant son univers. Le personnage jarmuschien, incarné à merveille par John Lurie, un des acteurs (et musicien) fétiches du cinéaste à la chevelure argentée, tant dans son rôle de jeune paumé accro au jeu dans Stranger than Paradise que celui de proxénète derrière les barreaux dans Down By Law, est un personnage à part. Son développement tel qu’il est pensé par Jarmusch, et sa nature si singulière et particulière, s’inscrit dans le même schéma d’un long-métrage à un autre. Toujours en quête d’un idéal ou d’un désir fugace, le personnage jarmuschien semble être constamment en décalage avec le temps, comme si le cinéaste américain avait le pouvoir de métamorphoser les minutes en heures et les heures en journées. Ainsi, le personnage selon Jarmusch évolue dans une atmosphère contemplative qui semble l’appeler à cette errance permanente, tout en se complaisant dans cette langoureuse paresse. Le premier film du réalisateur, Permanent Vacation, dont le titre se traduit littéralement par « vacances permanentes », évoque à lui seul cet état d’esprit tourné vers l’oisiveté et la contemplation. Quand Aloysious Parker se laisse porter par l’aura mélancolique de la ville de New York, étant d’ailleurs le véritable protagoniste du long-métrage, c’est la paresse en elle-même qui se place au centre du récit. Aloysious Parker erre sans but, si ce n’est celui de se découvrir lui-même. Il finit par embarquer à bord d’un navire à destination de Paris, avec cette même envie de « vacances permanentes », où seul le cadre changerait, New York n’ayant plus de secrets pour ce jeune homme qui semble constamment blasé et lassé de l’éclat pourtant si éblouissant de la ville. Si l’on devait choisir dans la filmographie de Jim Jarmusch un des films les plus évocateurs de ce péché de paresse, le choix se porterait certainement sur Paterson. Cette longue et délicate quête existentielle rythmée par la douce mélodie du temps qui passe et la routine du quotidien campée par Adam Driver, qui se voit offrir ici probablement l’un de ses meilleurs rôles. C’est une entrée brillamment réussie au sein de cet univers si particulier tant l’acteur semble correspondre parfaitement à l’archétype du personnage jarmuschien. En effet, dans quel apparent péché parmi les sept péchés capitaux, pourrait donc se complaire Paterson si ce n’était la paresse ? Outre cette inconsciente quête de simplicité, le personnage d’Adam Driver semble se délecter de cette routine monotone qui constitue son existence. De trajets en bus en promenades canines, le quotidien de ce personnage si jarmuschien est véritablement régi selon une certaine interprétation de la paresse. Les exemples font légion dans la filmographie de Jim Jarmusch, qui a su, dans chacun de ses treize long-métrages, illustrer les multiples déclinaisons de la paresse. Que l’on pense à Willie, Eva Eddie et leurs pérégrinations pour tromper l’ennui dans Stranger than Paradise. A Adam et Eve et leur sempiternelle lutte pour échapper à leur routine vampirique dans Only Lovers Left Alive. Mais aussi à Cliff, Ronald et Zelda, les trois policiers ridiculement léthargiques du récent The Dead Don’t Die. On ne peut qu’établir un seul et même constat. Aussi différents et variés soient les personnages composant la galerie jarmuschienne, c’est indubitablement cette notion de paresse, habilement distillée au sein de la filmographie du new-yorkais, qui les lie et les rassemble. En témoigne cette lenteur paresseuse si caractéristique du style jarmuschien. Si la paresse est fondamentalement considérée comme un péché composant les sept péchés capitaux, la vision de Jarmusch la transforme en véritable quête initiatique où les personnages évoluent avec grâce, lui donnant ainsi un certain sens et allant même jusqu’à la légitimer et la sublimer. Jim Jarmusch dépossède la paresse de sa connotation négative liée aux sept péchés capitaux, la prive subtilement des apparats qui en font un péché, afin de ne laisser place qu’à la contemplation et la mélancolie. Ainsi s’analyse ce dernier des sept péchés capitaux. Sarah J.Des héros paresseux…
… et en décalage
Vacances permanentes
Le droit à la paresse
Remerciements pour ce Cinéthème consacré aux sept péchés capitaux : Toute l'équipe de la Septième Obsession Illustration : Théo Pouillet Les rédacteurs : Arthur N., Pravine B., Raphaël C., Terence S., Vincent G., Tom V., Sarah J.
Très belle revue du cinéma de Scorsese, bravo.
Le dîner mémorable de « Age of Innocence » est aussi un bon exemple du faste et de l’opulence gloutonne de l’aristocratie de New York de l’époque. Au point qu’elle devient un carcan oppressif « quasi religieux » pour ses invités.
Vous gérer les copains !
Gérez*