Ce n’est qu’un au revoir de Guillaume Brac : Drôme Sweet Drôme

Quatre années après son dernier film À l’abordage, Guillaume Brac revient au documentaire avec Ce n’est qu’un au revoir. Récit de temps court sur les derniers mois de lycéens avant la dissolution de tout un monde – ou l’entrée en études supérieures – le long-métrage est présenté à l’ACID lors de ce Festival de Cannes 2024.

Qu’il est difficile de filmer le réel sans faire somnoler le spectateur dans une salle de cinéma. Le temps qui passe au rythme de la vie est l’anti-cinéma par excellence. Mais ici, Ce n’est qu’un au revoir, par le travail de son cinéaste, vient tordre les attentes pour proposer une narration d’une grande finesse et un rythme qui nous ferait regretter la très courte durée de l’œuvre.

“Les amitiés de lycée peuvent-elles durer toute la vie ? Une chose est sûre, dans peu de temps Aurore, Nours, Jeanne, Diane et les autres diront adieu à leur chambre d’internat, aux baignades dans la Drôme, aux fêtes dans la montagne. Louison coupera ses dreads et la petite famille éclatera. Pour certaines d’entre elles, ce n’est pas la première fois et ça fait encore plus mal…”

Ce n'est qu'un au revoir 1 & image mise en avant
© Bathysphere productions

Autour de la nostalgie

Filmer un documentaire, ce n’est pas simplement poser sa caméra et attendre que le monde s’anime autour. Guillaume Brac l’a bien saisi. Dans une volonté de capter des « moments », la caméra vient se glisser dans l’intimité de ce groupe de jeunes pour inclure le spectateur dans la joie et la nostalgie grandissante, sans jamais passer la frontière du voyeurisme. Souvent positionné dans un coin d’une pièce, on s’amuse à rire avec ces pré-adultes et à partager des bouts de vie très précieux.

Mais comment rendre la nostalgie, un sentiment si propre à chacun, universelle ? La réponse se trouve partiellement dans ce que Brac décide de nous montrer : des discussions parfois anodines, parfois existentielles, dans ce qui représente le quotidien : les chambres d’internat. Ces étroites pièces, ainsi filmées, semblent prises dans une énergie de joie et de communion quand nos protagonistes s’y installent pour la soirée. Les affiches aux murs s’animent comme des fenêtres donnant sur la suite de leurs vies et les lits superposés permettent une verticalité chaleureuse réchauffant le joyeux bazar.

La porte du paradis

Si le même documentaire dans une grande ville aurait pu transmettre les mêmes valeurs et morales, l’environnement dont s’empare Guillaume Brac pour Ce n’est qu’un au revoir vient porter une lecture supplémentaire. Tout en douceur, au bruit des flots de la Drôme, le temps paraît figé. Dans ces moments suspendus dans le temps, on se surprend à sourire et à vivre le plus simple des bonheurs. La cigarette aux lèvres et le cul dans l’eau, les jeunes songent aux prochains mois dans la plus grande sérénité, passant définitivement du deuil à l’acceptation d’ouvrir un nouveau chapitre de leur vie.

Toutefois, Guillaume Brac souhaite – de manière ostensible – passer un message environnemental. Illustrant une nature parfaite et dédiant même un chapitre de son film aux souvenirs d’une lycéenne des manifestations de Sainte-Soline en 2023, il défend l’idée d’une jeunesse engagée et angoissée de son avenir. Si le sujet est passionnant – et que le témoignage de cette jeune femme est poignant – il paraît en décalage avec le reste de l’œuvre et s’insère finalement assez lourdement dans la narration. De plus, on reste sur notre faim de militantisme lycéen, sujet qui mériterait un film à lui.

Ce n'est qu'un au revoir 2
© Bathysphere productions

Retour remarquable pour Guillaume Brac, avec la reconnaissance de voir son film sur la Croisette. Un sujet avec une grande puissance émotionnelle et une maitrise totale de ses enjeux en font un documentaire essentiel qui, je l’espère, trouvera son diffuseur rapidement pour séduire un public de tout âge. Laissons aux documentaristes la chance d’exister.

Laisser un commentaire