Blue Jean de Georgia Oakley : La Dame de fer

Blue Jean

Sur le fond historique de la répression homosexuelle, Blue Jean dresse des portraits touchants par son naturalisme quasi-documentaire.

Pour Blue Jean, son premier long-métrage, la réalisatrice britannique Georgia Oakley nous plonge dans l’austérité des années Thatcher.

« 1988, l’Angleterre de Margaret Thatcher. Jean, professeure d’éducation physique, est obligée de cacher son homosexualité, surtout depuis le vote d’une loi stigmatisant la communauté gay. Mais c’est sans compter sur une nouvelle étudiante qui menace de révéler son secret… »

Blue Jean
© UFO Distribution

Double jeu

Assumer son orientation sexuelle et risquer de tout perdre, ou vivre caché pour être accepté ? Jean (Rosy McEwen), professeur de sport, se retrouve au cœur de ce dilemme que les difficiles lois Thatcher ont imposé à des milliers de britanniques en 1988. Avec la répétition de son schéma narratif, Georgia Oakley mise sur l’alternance entre les scènes de jour (à l’école) et les scènes de nuit (dans un bar) pour illustrer le double jeu de Jean. Si ce schéma tend à créer la lassitude au bout de 45 minutes d’un récit lent et froid, il s’avère pertinent quand un climax pointe le bout de son nez. Comme pour la protagoniste, il arrive le moment où la séparation entre le jour et la nuit (assumer ou rester cachée) doit cesser. Ceci, afin de laisser le propos prendre une nouvelle dimension et – finalement – faire avancer les enjeux mis en place.

Mais comme évoqué plus haut, il apparaît dommage de devoir faire tenir le spectateur la moitié du film pour voir l’histoire prendre une nouvelle direction. La première partie, bien que contextuelle, pêche par la lenteur de son rythme, qui en laissera plus d’un sur le côté. De plus, l’introduction de l’élément déclencheur (l’arrivée d’une nouvelle élève) ne vient jamais stimuler ce rythme, ne prenant pas la place que l’on pourrait espérer. Ainsi, le film déroute au visionnage, tant notre protagoniste semble indifférente à la présence de cet élément perturbateur, et au contraire, comme elle parait s’y heurter par moments. C’est déroutant, mais c’est probablement par cela que le film réussit son accroche.

Le grain politique

Georgia Oakley fait le choix d’évoquer d’une époque en la faisant vivre par l’image. Ainsi, sur Blue Jean, le spectateur retrouve un grain photographique assumé. Il n’en suffit pas plus pour imposer la dureté de ces années, les couleurs froides en dominante. Se voulant documentaire d’une portion récente de l’histoire britannique, l’enjeu politique que va véhiculer le film se fait aussi bien par son texte que par son sous-texte. Outre la température de sa colorimétrie, le grain se densifie quand Jean vit son homosexualité (principalement durant les scènes au sein d’un bar), pour illustrer l’irrespirabilité du climat social britannique.

Dans la note d’intention, la réalisatrice Georgia Oakley précise tout de même qu’elle ne voulait pas tant faire un drame politique que brosser le portrait d’une femme en proie à son identité :

« En tant que scénariste, je voulais pointer du doigt les petites choses qui empêchent Jean de dormir la nuit, afin de dénoncer plus largement l’homophobie, le patriarcat et la lutte des classes, qui ont fait rage pendant les années 1980. Comme elles le font toujours aujourd’hui ».

Quoi qu’il en soit, voulu ou non, Blue Jean reste un objet politique qui s’inscrit dans une époque où, contrairement à ce que disent certains « spécialistes », les droits les plus fondamentaux sont et restent toujours à défendre.

Blue Jean
© UFO Distribution

Une première œuvre étonnante pour Georgia Oakley. Si certains feront le comparatif avec le cinéma de Ken Loach, la réalisatrice propose un style unique qui, espérons-le, ne fera que s’affiner avec l’expérience.





 

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