Le saviez-vous ? Une femme peut prendre du plaisir au lit ! Avec Babygirl, Halina Reijn relève le défi de vous le prouver aux côtés de l’une des plus grandes comédiennes d’Hollywood, Nicole Kidman.
Alors que nous sommes bien installés dans nos fauteuils de cinéma et que la séance débute, un questionnement de cinéphile nous vient parfois en tête : sur quels sons le film projeté va t-il s’ouvrir ? Une musique ? Un silence ? Des bruits de pas ? Babygirl, lui, annonce la couleur d’office, avec l’écho d’un orgasme féminin. Enfin, en est-ce vraiment un ? Cette nouvelle réalisation de Halina Reijn pose rapidement question sur ses intentions, entre film féministe et énième portrait des abus patriarcaux.
« Romy (Nicole Kidman), PDG d’une grande entreprise, a tout pour être heureuse : un mari aimant, deux filles épanouies et une carrière réussie. Mais un jour, elle rencontre un jeune stagiaire (Harris Dickinson) dans la société qu’elle dirige à New York. Elle entame avec lui une liaison torride, quitte à tout risquer pour réaliser ses fantasmes les plus enfouis… »
50 nuances de Kidman
Actrice multi-récompensée, présente sur le Hollywood Walk of Fame et dans tous nos cœurs, on ne présente plus Nicole Kidman. C’est tout naturellement qu’elle a reçu le prix de la meilleure actrice à la Mostra de Venise 2024 pour son rôle dans Babygirl. La carrière de la comédienne est loin d’être terminée, et elle en donne la preuve.
Dirigée par Halina Reijn, Kidman entre cette fois dans les bottes d’une directrice richissime d’une entreprise technologique à succès. La réalisatrice ne la lâche pas. Nous sommes au plus proche de l’actrice, du premier au dernier plan. Gros plans, travelling, zoom, tout dans le cadrage est mis en place pour nous faire ressentir la rigidité et la répression instaurées dans son quotidien.
Cette pression subie par les femmes, depuis toujours, fut méticuleusement traitée dans les essais de Iris Brey. Mais c’était aussi le sujet, dernièrement, des films The Substance de Coralie Fargeat ou Les Femmes au balcon de Noémie Merlant. Halina Reijn se demande, à raison : « Est-il possible que différentes facettes de nous mêmes coexistent, et encore plus, que nous les aimions entièrement et sans honte ? ».
Afin de dominer l’asphyxie (de toute une vie) liée au paraître, le personnage de Nicole Kidman ose devenir une femme désireuse en assumant ses fantasmes et dépasser son rôle de femme objet de désir.
Consentement, supplément domination
Pouvons-nous pourtant affirmer avec certitude que ce film est un film féministe ? Si nous pouvons tous nous rejoindre sur un point, c’est bien sur l’idée que ce film fait débat. La confrontation des points de vue semble vitale après le visionnage de ce film. Si l’on note une réelle attention portée à la figure du personnage féminin et ses désirs, on doit également soulever les questionnements du consentement et de la toxicité des relations représentées.
En effet, il est dommage de constater l’effet bombe à retardement engendré par l’entrée de l’élément perturbateur, incarné par Harris Dickinson. Une pilule de ce jeune désinvolte engendre tous les dangers d’une drogue dure. Loin de tout ce qui la rattache à son quotidien protocolaire, Romy trouve refuge dans une relation tachetée de zones grises.
Pour autant, Babygirl n’est pas un film vulgaire. Avec quasiment pas de scènes de nu, la réalisatrice questionne le désir féminin, tout en le réprimant ou le soumettant à une force masculine. Même si l’on se doute que les intentions ne sont pas mauvaises, il est pénible, en 2025, de voir encore liés les termes « pas normal » ou « névrose » au plaisir féminin. Celui-ci est une nouvelle fois dépeint dans un rapport toxique à l’homme, où la femme est jugée, soumise et brimée.
Un verre de lait ? Juste un doigt
Babygirl n’est définitivement pas un film romantique qui fera virevolter des papillons dans nos estomacs. Si les deux acteurs délivrent une performance de haut niveau, c’est dans les moments de comédie qu’ils nous toucheront le plus. Ils parviennent tous deux à désacraliser une forme de bourgeoisie dans leurs instants de maladresse.
Dans la lignée de The Morning Show ou de Succession, les protagonistes ne se montrent pas à la hauteur de leurs tours de verre. Romy est d’une artificialité repoussante. Depuis le botox dans ses joues, à sa maison de campagne verdoyante en passant par sa dépression qui se résume à une clémentine et de la confiture… il est difficile d’avoir de l’empathie pour elle.
Mais ce personnage lui offre un rôle à récompenses. L’écriture cultive la part naïve et malicieuse de ces anti-héros, créant une nuance absurde et comique au film, propice au jeu d’actrice et d’acteur. Au risque de trop en dire ? Ces variations semblent parfois trop appuyées, et retirent un réel aspect subtil au film. Il a alors tendance à trop en dire, trop expliquer, trop mettre de mots sur les scènes en cours. Si les silences sont parfois très justes, les dialogues eux, ont souvent tendance à déborder de didactisme.
Un film qui parle de fantasmes féminins est-il pour autant féministe ? Si la question reste ouverte avec Babygirl, nous soulignons pourtant sa faculté à questionner et pousser au débat. Dans sa mise en scène oppressante, le film insuffle des convictions d’émancipation mêlées à des élans de comédies.