Qui aurait pu croire à cela ? Qui aurait pu prédire que Nate Parker, surtout connu pour son récent Birth of a Nation, allait éclater en larmes le 9 septembre 2019 au Festival de Deauville, sous le tonnerre d’applaudissements de plus de 15 minutes accordé à American Skin ?
Personne ou presque n’aurait pu s’attendre au choc que fut, est et sera American Skin, son nouveau long-métrage pour lequel il campe les rôles de réalisateur et acteur principal. Précis et grandiose, voilà comment le chef-d’oeuvre de Deauville 2019 pourrait être défini. Parker parle du racisme bien plus justement que quiconque auparavant. Sous le prisme d’un documentaire fictif, il fait vivre au spectateur la réalisation dudit documentaire, traitant d’une bavure policière qui aura pris comme victime le fils de Lincoln, noir américain de la classe moyenne.
Se plonger ainsi dans le quotidien douloureux d’une énième victime relève d’une véritable épreuve qui ne peut laisser indifférent, profitant d’une mise en scène incroyable qui happe quiconque dans un récit plus vrai que nature. Aucun film n’aura jamais réussi, avant American Skin, à mettre autant en valeur la souffrance d’une population martyrisée.
American Skin est donc bien plus qu’un énième film sur le racisme, il endosse le rôle de manifeste du malheur et de la persécution de la population noire, il devient désormais la référence des oeuvres cinématographiques traitant du racisme et de ses conséquences. Il use aussi brillamment de son angle fictif pour aller plus loin dans son discours, en s’intéressant à des questions depuis trop longtemps posées : Comment changer les choses ? Que pouvons-nous faire pour rendre justice à toutes ces victimes et jusqu’où serions-nous prêt à aller pour le faire ? Tant de questions primordiales dans notre société raciste jusqu’à la moelle que se permet de poser Parker à travers son film.
En résulte alors un film violent, autant moralement que physiquement, brutal à tous les niveaux. Que personne ne contredise ce choix, conséquence d’un trop-plein historique. Historique, tel est le terme qui définit American Skin et son traitement du racisme systémique. On a envie de croire au changement que peut opérer ce film. On a envie de croire que la sortie d’un film qui allie enfin à la perfection dure réalité et fiction hypnotisante puisse ouvrir les yeux et les esprits des personnes qui cherchent encore à être convaincue. Finalement, les larmes de Nate Parker à la fin de la projection sont, plus que celles du réalisateur et acteur talentueux, celles d’un homme noir qui parle de sa vie, de celle du peuple auquel il appartient et à qui il dédie l’oeuvre d’une existence.
Avec American Skin, le réalisateur et acteur américain a déjà créé la pierre angulaire de sa carrière, dépassant ses prédécesseurs artistiques au bout du deuxième long-métrage.
Il n’y a désormais plus qu’à espérer voir American Skin devenir l’oeuvre culte qu’il mérite d’être, et trouver un distributeur en France. Mais avec les démélés judiciaires de Nate Parker, rien n’est moins sûr.